Chapitre 3 - La fuite

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Lissandru et Fiona dormaient dans une cage de fer dure, à même le sol. Des courbatures les tenaillaient dans cette prison étroite pour deux personnes. Au moins, les deux enfants se collaient l’un à l’autre, afin de se réchauffer de l’air glacial de la pièce sombre et humide ou ils étaient déposés.

Le jour, les deux petits, devenus désormais orphelins, subissaient les actes sadiques et mortels de l’homme. Son fouet modifié possédait des piques qui faisaient saigner le dos, et il tapait les petits enfants qui refusaient de travailler. Car le frère et la sœur n’étaient pas seuls : d’autres orphelins les joignaient à l’esclavage, et eux étaient humains. Ils devaient porter des charges lourdes, et nourrir des bêtes trois fois plus grosses qu’eux : un jour, Fiona avait même vu un félin tigré attraper d’une patte un enfant et le dévorer à l’intérieur de la cage. Elle avait hurlé.

Plusieurs fois, Lissandru et Fiona servaient de bêtes de foire à ce qui semblait être un cirque. Comme des animaux, l’homme leur forçait à s’afficher devant de nombreux spectateurs, avides de surréalisme et de cruauté humaine. C’était en général des monarques, des rois et des reines qui venaient assister à la cérémonie. Le moustachu ordonnait à Fiona de cracher des boules de feu, de planer avec ses petites ailes fragiles de dragon, et de prendre une forme reptile totale. Quand elle faiblissait, l’homme la frappait d’un coup de fouet : visage, doigts, mains, poitrine, dos, jambes ; et même son corps de dragon subissait le châtiment. Lissandru lui, était considéré comme un démon sur le terrain. Il devait faire danser les six pieux qu’il possédait en lui, et se battre parfois même contre un loup ou un fauve. Il ressortait toujours les habits en lambeaux et la chair ensanglantée.

Pendant presque deux mois, ce fut l’enfer pour Lissandru et Fiona. Torture, esclavagisme, travail d’enfant, famine, maladie : les enfants trépassaient. Et ce fut un de ses jours-là ou, étrangement, aucun enfant ne fut sorti de leur cage. Lissandru et Fiona soupçonnaient qu’il y ait un problème, et ce fut le cas.À|la suite du moustachu qui venait régulièrement leur rendre visite pour se délecter de la vue de ses êtres irréaliste, deux autres hommes. Eux aussi menaçants, grands, musclés, des sourires malsains sur les lèvres, des regards vicieux.

- Voici les deux enfants dont je vous ai parlé, messieurs, honora l’homme mince d’un sourire sournois.

- De belles créatures, en effet, grondait un des hommes, qui attrapa Fiona par le col, surtout ce petit trésor.

La petite fille tremblait et pleurait, et l’homme qui l’avait attrapé, riait de cette vision.

- Un dragon qui pleure ! s’exclama-t-il plusieurs fois alors que les cris de peur de Fiona s’intensifiaient.

Lissandru ne pouvait pas rester spectateur. Il intervint alors dans ce manège sordide, et mordait de ses crocs pointus la chair dure et répugnante de l’homme. Il fronça les sourcils, peu impressionné. Soudain, il affligea au garçon un coup de poing. Lissandru percuta les barreaux de sa prison, et le monde tourna autour de lui. Les voix s'étouffaient, et la cage s’ouvrait pour que les hommes s’emparent de sa sœur.

Non ! Ne touchez pas à ma sœur, bande de salauds !

Le garçon n’arrivait cependant pas à bouger. La porte de la cage se referma, et Fiona fut aux mains des deux hommes. Elle hurla et se débattit, mais sa petite force l’empêchait de vaincre les deux méchants de l’histoire.

- On pourrait se servir d’elle pour attirer d’autre Sacres, proposa le premier homme qui lui attrapait une jambe.

- Bonne idée. Ces foutus dragons n’ont qu’à bien se tenir.

- Non ! Lâchez-moi, s’il vous plait. Lissandru !

Les appels désespérés de Fiona se muèrent aux rires des hommes, et ils s’éloignèrent, en tirant ses chaines. Ils la trainaient au sol comme si elle n’était qu’un jouet ; qu’un meuble. Et ce jouet allait bientôt se briser si Lissandru ne faisait rien pour elle.

Peut-être était-ce dû à l’adrénaline, à la force fraternelle du garçon, à l’amour inconditionnel qu’il portait pour sa sœur, et à la situation pitoyable dont ils étaient les victimes, qui le poussèrent à se relever. Sous la forte puissance de ses instincts, les chaines qui entravaient son pouvoir se brisèrent. L’homme moustachu, resté proche de la cage, recula sous l’aura noire qui émanait du jeune enfant.

- Comment peux-tu encore… !?

Jamais l’homme ne finit sa phrase. Les pieux de Lissandru, avaient traversé les barreaux de la cage pour transpercer le corps de son ennemi. Il cracha une coulée de sang, se vida de sa source de vie, et nagea dans une mare pourpre peu de temps après. La vue du sang n’effraya même pas Lissandru.

S’il faut que je tue tout le monde pour sauver ma sœur, je le ferais ! Coûte que coûte !

Il réussit à sortir de sa cage. Il courut dans le sang de sa première victime (de ce qu’il pensait être la première de ses victimes, dans tous les cas), et arriva bientôt à dix mètres des hommes qui enlevaient la fille-dragonne. Elle était aux mains de ses ravisseurs, complètement dépitée ; et quand elle vit son frère, une lueur d’espoir se ralluma dans ses iris bruns.

- Fiona, crache une boule de feu vers moi ! hurla son frère, qui tendait la main.

Elle acquiesça alors les larmes aux yeux, et cracha de toute sa puissance, la plus grosse boule de feu qu’elle ait pu faire jusqu’à aujourd’hui. Lissandru, sans comprendre encore aujourd’hui pourquoi, attrapait la boule de feu d’une main, et emplit de magie noire cette flammèche, qui grossissait et grossissait au fur et à mesure. Les deux hommes, dans la peur de la situation, lâchèrent la petite fille, qui s’écroula à terre, toute fébrile. Lissandru lâcha la boule de feu au ciel, qui vola haut, très haut. Il profita de cet envol pour courir, prendre sa sœur sur le passage, et galoper à toute vitesse hors de cet enfer, loin de tout ce qu’il aurait préféré ne jamais connaitre.

~ M ~

Il ne fallut pas longtemps avant que la boule de feu ne s’écrase sur le cirque. Mais la boule de feu, transformée alors en une sorte de « bombe », avala sur son chemin, la moitié de la ville ou le cirque avait élu domicile. Le feu et l’impact de l’explosion rasaient les maisons, les champs et les hommes qui se trouvaient par malheur dans une zone assez bien défini. Fort heureusement, les deux enfants avaient réussi à s’enfuir à temps.

Ils assistèrent, sublimés et horrifiés, sur une petite colline loin de la ville dont il ne connaissait le nom, à son anéantissement totale. Les flammes léchaient les parois des maisons, le bois calciné créait des impasses dans les rues, et enfermaient parfois même des habitants. Ils mourraient très vite à cause de la fumée âcre qui accompagnait le feu. La boule de feu avait creusé un immense cratère, large et profond, là où le cirque se trouvait autrefois. Dans les décombres, les flammes et la fumée, Lissandru crut distinguer les corps carbonisés des deux hommes, du moustachu, et de bons nombres des orphelins et animaux qui avait été à leur côté.

C’était eux ou ma sœur… pensait-il, égoïste.

- Lissandru… murmurait Fiona, toujours en train de pleurer, ou on doit aller maintenant ?

- Je ne sais pas Fiona… mais nous devons retrouver maman.

- Mais elle n’était pas à la maison à notre réveil ! s’accabla la petite, qui n’arrivait plus à articuler sous le flot d’eau salé. Si on n’avait pas quitté la maison, rien de tout cela ne serait arrivé. Maman nous a abandonné !

- Non !

Lissandru s’agenouilla proche de sa sœur et l’enlaça ardument. Elle devait ressentir le flot d’amour fraternel qu’il portait en lui, ressentir ce que lui aussi, ressentait : un immense vide, un trou noir, une perte immense. Il la fixa droit dans les yeux, et elle l’imita, paralysée par les iris noirs et jaunes de son frère.

- Maman ne nous a pas abandonné, c’est impossible ! Il a du se passer quelque chose pour qu’elle ait quitté la maison sans nous amener avec elle. Nous devons la retrouver.

- Qui nous dit qu’elle est encore vivante ?

- Maman est vivante, parce que maman est comme nous. C’est un vampire ! Et les vampires comme elle le dit, ils ne meurent pas aussi facilement que l’on ne le pense ; ils n’ont presque pas de faiblesse.

Fiona hésita à rajouter quelque chose, mais elle se contentait de hocher la tête, trop fatiguée pour répliquer. Son frère Lissandru lui sourit, heureux qu’elle ne pense pas aussi mal de leur mère.

- Nous la retrouverons, sois en certaine. Et nous vivrons à nouveau une vie de famille heureuse, sans vilain, et sans catastrophe !

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