Chapitre 2 - Les orphelins

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- Maman attention ! Il y a des trucs blancs qui tombent du ciel, ils vont t’attaquer.

La femme rigolait.

- Voyons mon fils, ce ne sont que des flocons de neige, ils sont inoffensifs.

- C’est quoi, des flocons de neige ? demandait une petite fille.

- C’est de la pluie, mais comme nous sommes en période hivernale, il fait froid. Et le froid gèle la pluie en neige, ce qui donne ces petits flocons.

Les deux enfants regardaient par le seuil de la porte, le manteau de neige qui tapissait la plaine. Ils avaient la bouche ouverte en forme de « O », les yeux pleins d’étoiles.

- On peut aller voir, maman ? s’exclamait le garçon, impatient.

- Bien sûr, mais couvrez-vous av…

Trop tard : les enfants avaient basculé vers l’avant et s’étalaient dans la neige en riant. La femme rigolait aussi.

- Vous êtes intenables, bande de chenapans !

Elle les rejoignait plus tard dans des batailles de boules de neiges, et des constructions de bonhomme tout blanc.

Ce rêve… un souvenir. Maman, où es-tu ? Moi et Fiona, on te cherche depuis longtemps maintenant… Tu ne nous as pas abandonnés… si ?

Les paupières du petit garçon s’ouvrirent dans l’obscurité de la cabane abandonnée au bord du sentier terreux. Le froid de l’hiver le faisait grelotter, et il se recroquevilla sur lui-même pour essayer d’accumuler un peu de chaleur. Il cherchait dans les ténèbres de la cabane, la présence de sa sœur. Il commençait à paniquer en ne la distinguant pas :

- Fiona ? Fiona tu es où ! Fio…

Deux secondes après qu’il se soit mis sur ses jambes, un poids lourd le renversa, et il fut écrasé par la lourdeur de ce qui semblait être une queue écailleuse. Celle de la dragonne noire : Fiona. Elle dormait sur le dos, ventre à découvert, et souriait, comme si elle rêvait de bons petits plats.

- Fiona… tu m’écrases ! articula difficilement le garçon en se dégageant du « poids mort ».

La queue du dragon frappa le sol d’une telle puissance, que la terre trembla pendant quelques secondes. Le petit garçon rampa jusqu’à la tête du dragon, et lui tira les joues. L’animal grogna, ouvrit lentement les paupières, dans les vapes.

- Quoi Lissandru, maugréa-t-elle en s’apercevant que son frère la martyrisait, c’est encore la nuit.

- C’est pas la question ! Tu m’as écrasé !

- Ah… pardon.

Son excuse n’était pas sincère. Elle se rendormit peu de temps après. Le garçon souffla d’exaspération, et s’allongea plus loin, à l’abri du vent hivernal. Qu’il regrettait la chaleur tant paisible de son ancien chez-lui ! Près de la cheminée, à jouer aux pions avec Fiona, sous le regard de leur mère.

Il éternua, alors qu’un vent frais chatouillait son nez. Il renifla, enrhumé, et se roula en boule en priant pour s’endormir et oublier ce froid mortel.

~ M ~

Le matin même, la neige avait recouvert le monde de son manteau blanc. Les arbres s’étaient gelés, les bourgeons étaient noirs. Les animaux hibernaient, seuls les renards, les lapins, ou les cerfs, sortaient chercher de quoi se nourrir. Les oiseaux de l’hiver chantonnaient à la lueur de l’aurore.

Le garçon bailla à s’en décrocher la mâchoire, tout en se grattant le sommet du crâne. Une petite fille se frotta les yeux, qui souffraient de la clarté du jour.

- Brr, je déteste la neige ! se plaignit le garçon en tapant du pied dans la surface solide et froide.

- Pourtant Lissandru, quand on était petit, tu adorais te rouler dedans… lui fit-elle remarquer, soucieuse.

- Sauf qu’avant, maman était là ! Elle nous réchauffait et la neige, c’était comme de l’eau chaude.

- Hm…

Fiona baillait à son tour. Voilà bien des mois qu’ils arpentaient la Prusse à la recherche d’une trace de leur mère. Mais rien, pas une trace de pas, d’odeur familière, ou d’avis de recherche. C’est comme si elle s’était volatilisée du jour au lendemain. Les enfants commençaient à désespérer.

- J’ai mal au dos ! grommela Fiona, une larme à l’œil. J’espère que le vilain monsieur a brûlé !

- Avec tous les coups que je lui ai mis aux fesses et à la tête ! Se vanta Lissandru, tout sourire aux lèvres. Non mais oh ! Il avait pas le droit de te faire du mal !

- Il avait pas le droit de nous prendre…

La voix de Fiona était muette et étouffée, son regard triste vers l’horizon. Lissandru ressentait ses sentiments ; il était pareil, en ce moment-même. Il l’enlaça, autant pour la rassurer que la réchauffer.

- Plus personne ne nous fera du mal, je te le promets… Le premier qui essaye de te faire quoi que ce soit, je le tue.

~ M ~

Des chaines s’étaient enroulées autour de ses pieds, ses poignets, et son cou. Le regard de l’homme mince et moustachu, le faisait frissonner. Il n’aimait pas cet air pervers sur son visage. Le petit garçon reculait, tout tremblant. L’homme rigolait.

- Voilà un petit garçon docile ! Bien, bien. Cela va être parfait.

Sa dernière phrase était malsaine, horrible aux oreilles de Lissandru. Il enchainait ensuite Fiona, sa sœur, qui pleurait à chaudes larmes. Des frissons de dégout et de colère parcouraient la colonne vertébrale du garçon quand l’homme mince essuyait d’un doigt les larmes de la petite fille.

- Voyons, pourquoi pleurer ? Vous allez être bien ici. Ne vous en faites pas.

L’homme riait. Lissandru rêvait de le découper en deux. Mais il était enchainé, et les étranges chaines noires entravaient ses pouvoirs. L’homme savait qu’ils n’étaient pas humains, qu’ils étaient différents et que bientôt, ils serviraient de bête de foire dans tout le pays.

Il enfermait les enfants dans des cages de métal, neutralisant les ondes surnaturelles, afin qu’ils ne puissent s’enfuir. Fiona et Lissandru dormaient sur le sol de fer dur, ils avaient mal au dos, ils avaient des courbatures, et ils se resserraient sur eux-mêmes. Ils se tenaient au moins chaud, collés l’un à l’autre, dans ce pays tombé dans l’automne. Et dans ses rêves, le petit garçon, qui ne connaissait rien du monde des Hommes, du monde que leur cachait leur mère, réfléchissait. Il réfléchissait au moyen de fuir, au moyen de tout mettre en bordel, afin d’enfin pouvoir retrouver leur génitrice disparue. Il réfléchissait aussi à, comment sortir de la torture mentale et physique de l’homme mince moustachu, de s’enfuir de ce sourire malsain sur son visage. Dans ses pensées, il se l’imaginait déjà embroché comme un poulet, rôti, et criant à l’agonie, priant Dieu de le pardonner de ses péchés.

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