Chapitre 7

14 minutes de lecture

Le réveil venait de sonner. Il était 9 heures du matin et j’étais déjà en retard. C’est un de ces jours difficile qui vous incite à rester au lit, mais je ne pouvais pas me le permettre. Le premier regard de la journée, je l’offrais avec peu de discernement, et beaucoup trop de cernes sous les yeux, à ma cantine en cuir, toujours entrouverte, au pied de mon bureau d'écolier. C’était aujourd’hui que je partais pour la Bulgarie, et je ne savais plus si j’avais terminé de faire l’inventaire du bric-à-brac qu’elle contenait. Ma tête avait le souvenir encore trop vivace de tous les mélanges de la veille pour qu’elle ne tienne en l’air plus de deux secondes. Ma valise attendrait, par contre mon mal de crâne, non. Je fouillais dans le tiroir de ma table de nuit pour trouver un médicament pour la tête. J’avalais ça à la vitesse d’une tequila paf en espérant que la migraine passerait aussi vite que le geste de l’ivrogne est sec et bien exécuté.

J’avais la bouche pâteuse, les yeux lourds et, de la veille, logeaient encore dans mes oreilles les riffs des guitares rock tout droit sorties des années soixante. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le vin avait apparemment gagné le combat que j’engageai contre lui, comme souvent d’ailleurs. Je ne sais pas pourquoi je suis encore étonné d’un tel résultat. La seule chose que je me souviens vaguement, c’est la tête de ce mec qui me volait, sans le savoir, toute l’attention que je recherchais de mon amie Bérénice. Je ne savais pas ce qu’était devenu ce Paul. La meilleure des choses qui aurait pu m’arriver dans la nuit, c’est qu’il se fasse renverser par une voiture ou qu’il se fasse emporter accidentellement, sur les quais de Seine, par une crue miraculeuse qui l’aurait emporté loin, très loin de l’endroit où je me trouvais, très loin de l’endroit où Bérénice se trouvait. Malheureusement, la probabilité qu’on retrouve son corps sans vie dans les méandres de la baie de Tancarville n’avait que très peu de chance de me faire sourire parce qu’elle n’avait tout simplement que très peu de chance qu’elle se réalise juste sous la pression de mon imagination.

Plus raisonnablement, Bérénice était certainement reparti avec Paul sous le bras. À moins que ! et là je commençais à vouloir faire devenir réalité mes envies de la veille, c’était Paul qui avait gagné le droit de se réveiller tout seul dans son lit. Dans ce cas, Bérénice était peut-être revenue à la raison durant la nuit. Je me retournai dans mon lit pour en être sûr mais sur cette première impression qui est souvent la meilleure, il n’y avait personne à mes côtés. J’étais seul. J’espérais simplement qu’il en soit de même pour le fouteur de merde au faux-semblant d’abbé Pierre qui avait gratté toute la nuit l’amitié dans le bar. C’était le matin de mon départ et j’étais seul dans ma chambre avec l’aimable et non-intéressée participation de mes acouphènes et de ma gigantesque gueule de bois.

Les rideaux de ma chambre étaient restés ouverts. Au travers des persiennes entre-ouvertes, un filet de lumière fendait l’obscurité jusque sur mon lit. Dans le courant d’air, de fines particules de poussier dansaient dessus. Ce n’était pas encore ces grosses températures estivales, mais je sentais la légère brise du vent trahir la chaleur de dehors.

Paris, à cette période, est plutôt bruyant. On était début juillet. Les chaleurs précoces du début d’été galvanisent les gens. J’aime cette période de l’année ou les femmes se découvrent et les terrasses de café se remplissent. J’aime bien flâner le soir dans les rues de Paris quand les températures ne descendent jamais en dessous de seize ou dix-sept degrés. À cette période, la lumière du soir, c’est l’abandon du corps à la pensée de l’âme.

Depuis la mort de mes parents, j’avais rendu mon appartement que je louais dans le dix-neuvième arrondissement pour retourner vivre chez eux. Leur logement n’était pas très loin de « chez ma tante ». Je ne sais toujours pas pourquoi, mais je choisis, sans hésitation, de m’installer dans ma chambre d’enfant. Dans l’appartement, il y avait une autre chambre que je squattais depuis la fin de mon adolescence, mais aujourd’hui je me sentais plus à l’aise dans la première d’entre toutes, la chambre de mes souvenirs d’enfant, la chambre où ma mère me racontait des histoires pour m’endormir.

Je retrouvais le coffre à jouets rangé sous la fenêtre, la porte de ce placard cauchemardesque qui ruina pendant longtemps la tranquillité de mes nuits. Les doubles rideaux verts étaient toujours aussi épais et la fuite d’eau dans les toilettes décomptait encore les secondes des nuits. Posé sur mon lit, le plaid en patchwork qui me tenait chaud les nuits d’hiver avait résisté aux mites et en dessous le tapis qui me servait de circuit de course pour mes petites voitures avait encore la trace des dessins que j’y avais fait dessus aux feutres de couleur. Rien n’avait changé dans cette chambre depuis que je l’avais quitté.

Ma mère aurait pu la transformer en un bureau, un débarras ou encore une autre pièce secrète, mais elle tint toute sa vie à la conserver telle quelle. Moi, j’avais toujours trouvé ça étrange, voire même un peu lugubre. Je n’étais pas mort et pourtant, comme ces parents qui perdent un enfant et qui entretiennent leur deuil en conservant, coûte que coûte, la chambre en l’état des derniers instants, ma mère avait conservé ma chambre d’enfant en l’état du jour où je prenais un peu plus mon indépendance. Mon père avait bien essayé de transformer cette pièce en quelque chose de plus utile comme il le disait, mais il s’était toujours confronté à la persévérance de ma mère. « Tu as ta boutique, lui disait-elle, tu ne vas pas envahir notre intérieur de toutes ces breloques antiques. Tu veux de la place, fait un peu de ménage dans ta réserve et nous verrons ensuite » disait-elle en criant sur mon père. Les deux seules choses que ma mère accepta de faire rentrer dans ma chambre, pour déroger à la sacro-sainte règle du conservatisme muséal qu’elle exigeait, furent un rocking-chair en bois et un tourne-disque. Les après-midi, lorsque je rentrais des cours plus tôt que d’autres jours, je la surprenais parfois dans ma chambre. Elle était assise sur son rocking-chair en se balançant dessus comme on dorlote un nourrisson pour qu’il s’endorme dans vos bras. Lentement, elle oscillait comme un métronome sur de la musique douce en faisant grincer le parquet. Quand elle s’installait dans ma chambre, c'était pour y lire un livre, écouter un vinyle de Glenn Miller ou de Chet Baker en fumant des cigarettes. Et quand je lui demandais pourquoi elle s’obstinait à user le parquet de mon ancienne chambre, elle ne me répondait pas. Au mieux, elle me souriait tendrement et ma question restait le plus souvent en suspens, sur le son strident du parquet qui grinçait. Et si elle me répondait, c’était toujours pour me poser, à son tour, une autre question. Entendre le parquet grincer était encore la meilleure façon de me souvenir de ma mère.

Concernant ma chambre d’enfant, s’il y a bien une chose que je ne pouvais pas enlever à la persévérance de ma mère, c’est qu’elle avait réussi son coup. Ma chambre était restée dans le jus des débuts. J’avais l’impression de dormir dans le musée sur ma propre vie d’enfant. Je n’étais pas encore connu et j’avais déjà le droit à cette forme de grotte votive qui mettait en lumière les éléments de ma jeunesse. La tapisserie aux murs était la même depuis que mes parents avaient acheté l’appartement. Le temps et la fumée de cigarette avaient terni les couleurs, mais le motif était toujours là. Et ce qui ressemblait au début à de longues guirlandes de feuilles d’acanthe qui s’enchevêtraient entre elles avait maintenant l’apparence d’un long et interminable intestin grêle malade. En face de mon lit, mon ancien bureau d’écolier n’avait pas bougé. Il y avait encore la trace circulaire des dernières tasses de thé que ma mère avait posées dessus. À côté du bureau, j’avais déposé la malle en cuir. Elle était ouverte, ma vieille lampe d’architecte lorgnant dedans. Quand je m’apercevais que rien ne dépassait de l’intérieur, j’avais enfin la réponse à la question que je m’étais posée, un peu plus tôt. Je n’avais toujours pas terminé de préparer ma cantine en cuir. Je l’avais choisi non pas parce qu’elle me promettait bien plus de place que je ne l’espérais, mais parce qu’elle me rappelait les premières excursions que je faisais avec mes parents. Elle était sur pratiquement toutes les photos que mes parents avaient rapportées de leurs premiers voyages d’antiquaires. Le vieux cuir marron avait cramé sous l’effet du soleil et les renforts en cuivre aux angles avaient la patine de ces vieilles casseroles de grand-mère. Je n’avais pas forcément choisi le plus pratique des contenants à ma disposition, mais assurément le plus beau.

Cet été, c’était décidé, je voyagerai comme Laurence d’Arabie, Sir Conan Doyle et Agatha Christie. Volontaire, j’oublierai certainement les chameaux et autres calèches britanniques du premier quart du vingtième siècle pour me déplacer, mais j’emporterai avec moi une partie de mes souvenirs dans cette malle en cuir.

Maintenant, il fallait que je me dépêche. Je n’avais pas encore passé le coup de fil à l’ambassade de France à Sophia pour confirmer à mon contact que j’allais être bien présent à la salle des ventes qu’il m’avait dénichées sur place. Ce qui me décida enfin à bouger, c’était l’aspirateur de Madame Pougier. Elle vivait dans l’appartement au-dessus du nôtre et tous les matins que le bon Dieu faisait, elle passait son aspirateur à la même heure en faisant racler sur le parquet de son appartement le balai de son aspirateur. Il est loin le temps où l’on passait en silence un coup de balai pour faire le ménage. Je me demandais ce qui poussait cette vieille dame à passer tous les matins l’aspirateur dans son appartement surtout qu’elle avait bien assez d’argent pour laisser cette tâche à une femme de ménage. Mais non, elle, au lieu de relancer l'économie du service à la personne, elle faisait elle-même son ménage en prétextant que ça lui donnait l’occasion de faire son sport quotidien. En comparaison, moi, ça me faisait monter en flèche le stress de bon matin et la jauge à sarcasme en repensant à cette vieille dame en train de passer son aspirateur, arrangée comme pour aller à la messe, parce que Mme Pougier, c’était une vieille dame très coquette. Dans sa jeunesse, elle avait dû être une belle femme, mais je ne m’en souvenais pas. Elle avait gardé le genre de coupe de cheveux qui fait cette iconographie que l’on connaît du début des années soixante-dix. Dans ses cheveux, il y avait quelque chose qui tenait de Farah Fawcett et de toutes ces autres starlettes qui ont trouvé leur gloire dans les séries américaines du début des années quatre-vingt. Elle était très légèrement maquillée, jamais trop pour être ridicule. Mais quelquefois, la fine couche de poudre teintée sur son visage boulochait sur sa peau ridée. Ce qui, dans ce cas, rendait l’apparence de cette gentille dame pathétique.

Il n’y avait pas un jour où, quand je la croisais dans l’immeuble, elle était apprêtée avec la belle toilette qu’on sort pour un dimanche de fête. C’était un peu, dans le proche voisinage du quartier, le dernier spécimen encore vivant de ce que la bourgeoisie avait fait de plus précieux et ridicule. Elle n’avait plus personne avec qui vivre. Elle était la dernière survivante d’une grande lignée de dinosaures qui avaient fait, en leur temps, de la politique au conseil municipal de Paris. Elle avait enterré son mari, ses frères, toute sa famille et toutes les familles des familles des innombrables ramifications que son arbre généalogique comportait de rameaux. Depuis déjà plusieurs années, son royaume ne se bornait plus qu’aux limites physiques de l’immeuble et de celle de la cour intérieure de la copropriété. Dans les couloirs, elle se faisait toujours un devoir d’user chiquement l’intégralité de ses tailleurs de couturiers. Quelquefois, elle déambulait dans les couloirs à la recherche d’une personne à accrocher du regard pour instaurer une courte discussion récréative, et c’était ça que je redoutais le plus chez Mme Pougier. Elle pouvait être aussi chronophage qu’un trou noir sur le point d’imploser. Elle avait en elle cette force qui distendait inexplicablement le temps et qui, pour moi, me tendait comme un élastique sur le point de claquer. Je ne suis pas fier de le dire mais je l’évitais autant de fois que possible.

C’est la fin de la matinée. Dans quelques dizaines de minutes, elle descendra la poubelle vêtue de son tablier de ménagère jusqu’au local dédié, à côté de la loge de la gardienne. En remontant, elle croisera la route de M. Pépi qui descendrait son chien, tous les jours à la même heure. À ce sujet, sans vouloir être trop sarcastique, je ne sais plus trop si c’est le maître qui descend le chien ou l’inverse. Quoi qu’on en dise ou quoi qu’on en pense avec un soupçon de bienveillance, le chien et son maître étaient passés de mode. Il était resté figé dans le début des années quatre-vingt. En ça, on peut dire que M. Pépi et Mme Pougier s’étaient très bien trouvés. Ils étaient, à ma connaissance, les deux les testamentaires de décennies depuis bien longtemps terminées.

M. Pépi portait toujours le même pull jacquard sans manches marron comme dans les premières années où je le croisais dans l’escalier avec son chien. Son molosse avait enterré toutes les prévisions les plus optimistes sur la longévité d’un chien de cette taille. Même si aujourd’hui, son chien ne ressemblait plus à grand-chose, il avait encore vaguement les traits d’un berger allemand.

Exclusion faite de l’ombre à quatre pattes que M. Pépi traînait derrière lui, je l’avais toujours connu seul. À ce que l’on raconte dans l’immeuble, sa femme était partie avec tous, sauf le chien. M. Pépi habitait maintenant une petite chambre de bonne au septième étage de l’immeuble. Il était toujours le propriétaire d’un des appartements de la résidence, mais il le disait quelques fois trop grand pour lui et son chien. Il ouvrait son appartement à sa famille quand elle venait le visiter. Pour le reste, la porte de l’appartement 22 restait fermée toute au long de l’année. Il disait qu’il préférait maintenant la promiscuité d’une chambre de bonne au confort d’un appartement assez grand pour y accueillir une famille entière. Il avouait sans une pointe de fierté qu’il avait pour lui, les toits de Paris, l’immensité du ciel bleu quand il le désirait et une vue imprenable sur le feu d’artifice du 14 juillet. Il n’en parlait pas, mais sa chambre de bonne lui offrait aussi l’avantage de ne pas avoir à chercher pendant des heures la trace de son chien. L’homme et son chien étaient inséparables. Et dans un souci d’équité purement lié aux pathologies de chacun, j’avais l’impression que le temps s’efforçait de conjuguer les maux de chacun au singulier. Quand un jour le chien boitait, il ne fallait pas attendre longtemps pour que le maître en fasse de même. En réponse à cette hanche en plastique que M. Pépi s’était fait installer, le chien avait eu une escarre sur le cul. Quand ce n’était pas le médecin qui se déplaçait, le vétérinaire faisait la course de la semaine. Il y avait quelque chose qui tenait du mimétisme cornélien entre le chien et son maître. C’était un devoir que chacun d’eux ressentait comme une nécessité pour encourager l’autre à survivre. À ce niveau, il n’y avait plus de maître, il n’y avait plus de chien. C’était un couple et ils agissaient ensemble de la sorte. Quand ce n’était pas l’un qui braillait dans les escaliers, c’était l’autre qui aboyait sur son compagnon. Il était écrit quelque part qu’ils devaient rester inséparables jusqu’à la mort.

Il est maintenant presque 10 h 30. Si je ne me dépêche pas, je vais me retrouver rapidement au milieu d’un concile à bulle dans la cour intérieure de l’immeuble, encerclé par une vieille acharnée du ménage, un vieux qui ne se déhanchera plus jamais et le chien Argos grisonnant.

Les deux vieillards ne rataient jamais une occasion de se rencontrer pour discuter. Les deux sages pouvaient très bien prendre l’ascenseur pour ménager leurs vieilles articulations, mais l’habitude du baveur était plus forte que la vive douleur lancinante d’un rhumatisme mal placé. Je n’avais pas envie d’être le témoin forcé de leurs retrouvailles journalières mais surtout, il fallait que je me dépêche si je ne voulais pas avoir à supporter, une fois de plus, les longues condoléances de ces deux fossiles. J’ai l’impression qu’ils ont plus de mal que moi à supporter la disparition de mes parents. Et je dis ça, c’était sans compter sur le regard que le brave Médor, le chien de M. Pépi, pouvait quelques fois me jeter. Plus que tout le reste, Médor avait un regard qui remisait au placard toutes les formes d’expression pour décrire avec sentiment le désespoir. Les cernes sous les yeux de ce chien avaient une force expressive qui tenait de la déroute des émotions devant la rigueur des évènements qui passent. Il avait les paupières qui tombaient dans les babines. S’il y avait eu à voter pour le prochain trépas de ce trio improbable, j’aurai certainement voté pour ce chien ankylosé. Trop fidèle pour mourir en paix, il suivait M. Pépi partout avec sa tête de dépressif camé aux anxiolytiques.

Il y a, tout de même, un fait intéressant à noter sur mon juré de la cour de l’immeuble. Il y a des gens comme ça qu’on apprécie à la force des années derrière soi et qui, du jour au lendemain, vous insupportent, car ils vous rappellent à votre devoir de mémoire. Et c’est exactement le sentiment que je ressentais en pensant à ces trois éternels que je découvrirai en ouvrant la porte qui donne sur la cour de mon immeuble. Mais moi, même si j’avais de la sympathie pour ces vieux coquillages accrochés aux rochers du passé, je n’avais pas envie qu’ils me parlent de mes parents, car ils ne me manquaient pas. Ce n’était pas ce que je voulais retenir d’eux. Ils avaient eu une belle vie. Ils m’avaient donné une vie rêvée par rapport à beaucoup d’autres enfants de mon âge. J’avais grandi dans le bohème d’une existence remplie de rencontres insolites. Les photos accrochées pêle-mêle dans le couloir de l’entrée qui menait au salon et à salle à manger peuvent en témoigner.

Tous ces gens épinglés sur les murs du couloir, je les avais rencontrés. Ils m’avaient fait rêver. Ils m’avaient chahuté. Ils m’avaient donné l’envie de les connaître. Ils étaient la médiéviste qui avait eu envie d’écrire des enquêtes policières. Ils étaient le néolithicien aux dreadlocks qui récitait des mantras tantriques sur les restes de fossés défensifs d’un village néolithique au milieu de la campagne aisnoise. Ils étaient le médiéviste qui prit un jour une dalle de béton d’EDF pour un sarcophage mérovingien. Ils étaient l’expatrié anglais qui avait refait sa vie en France et qui nourrissait ses cours de néolithique de récits épiques et ils étaient aussi le dragon que j’avais affronté.

Mes parents m’avaient montré la voie. Ils m’avaient gavé de la vie des autres pour que je trouve la mienne. Ce sont eux qui m’avaient initié à mes premières fouilles archéologiques. Mes parents, c’était tous ces gens accrochés sur le mur du couloir. Mon père me disait souvent : « La vie n’est simple que si l’on décide qu’elle l’est vraiment, tu verras ! » En l’occurrence, lui, il avait décidé depuis bien longtemps qu’elle le serait.

Avec du recul, je me rends compte que cette phrase avait plus d’importance qu’il n’y paraissait. C’était elle qui reliait les photos entre elles. Le seul dénominateur commun à toute cette bande d’hurluberlus qui me paraissait vraiment viable : c’était ce sourire affiché sur papier glacé. Il était à chaque fois sincère et profond. Ce n’était pas un sourire d’insouciance ingénue ou de faux-semblant. Tous ces gens étaient conscients de la vie qui les entourait, mais quelque part ils avaient décidé de la vivre autrement.

Et quand je repense à ces trois croûtons dans la cour de l’immeuble qui auraient voulu bien me voir compatir à leur malheur de vieillir, j’avais de bonnes raisons de craindre qu’il soit déjà trop tard pour pouvoir les éviter.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Fred Opalka ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0