CHAPITRE 20

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Du point de vue des novices que nous étions dans l’art de tenir avec vigueur le pis de chèvre, nous passâmes la fin de l’après-midi à traire. Nous étions tout fiers de nous. À l’inverse, avec la confidence que Vladimir me fit à la fin, le bilan n’avait pas été aussi positif que nous le pensions. Cela n’avait jamais été aussi laborieux qu’avec le nombre de mains qu’il avait eues à sa disposition. Les bidons étaient presque vides, mais il ne nous en voulait pas. Il était heureux d’avoir passé ce moment avec nous. Et je dois dire que ma satisfaction était finalement à la hauteur de ce large sourire que Vladimir nous offrait en fin de journée. J’avais épuisé la mamelle bulgare jusque dans son dernier souffle, car il n’y avait plus rien à attendre de ces gros sacs nourriciers que les chèvres s’étaient trimballées toute la journée sous le ventre. Le pie était épuisé, nos vêtements trempés et j’en étais bon pour sentir la bonne vieille biquette dézinguée pour le reste de la journée, mais cette expérience m’avait au moins donné l’opportunité de me rapprocher un peu plus d’Astrid. Elle n’avait pas semblé totalement hermétique à mes petites blagues. Delphine, Joan et Mickael, eux aussi, y étaient allés de bon cœur en oubliant presque de remplir les bidons à lait. Sarah, elle, en avait eu pour son compte à la première giclée de lait dans les yeux. Elle préféra, à la dure loi de cette nature qui jaillit au travers de petites têtes d’épingle, la compagnie d’Amena qui était restée sur le côté. Amena joua sur son oud quelques partitions pour nous accompagner. Il n’était pas question pour elle de chanter devant des inconnus, mais elle laissa tout de même s’échapper, sur deux ou trois notes de musique, l’évidence de ce que Vladimir m’avait confié tout à l’heure. Elle devait avoir une belle voix.

En partant, je proposai à Vladimir de me charger du transport du lait jusqu’à l’usine. Il accepta volontiers en me confiant qu’il n’aurait pas eu le courage de rapporter sa maigre récolte lui-même de peur de se faire traiter d’incompétent. Je lui répondis que je pouvais bien faire ça pour lui et nous partîmes, les étudiants et moi, avec sur le dos à peine la moitié de ce qu’aurait dû être la traite du jour.

Il était cinq heures de l’après-midi, mais sous l’épais feuillage des arbres, il faisait déjà presque nuit. Tout était calme. L’eau coulait. Les chèvres, fatiguées par la traite, ne bêlaient plus.

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