III

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Du visage rieur de Sourou ne reste plus que l’ombre d’une émotion joviale. Sa bouche s’entrouvre sans qu’un son n’en échappe, ses yeux s’écarquillent au plus blanc, et son front altier, lisse comme la feuille d’un palmier, dévoile quelques rides insoupçonnées : de profonds sillons contrariés.

« Que dis-tu mon frère ? Ce n’est pas raisonnable ! C’est pire que la magie noire ! Ne mêle surtout pas Papa Legba à ton histoire.

- Je n’ai pas le choix, Sourou.

- On a toujours le choix.

- Mais je dois savoir quoi faire !

- Ne compte pas sur moi, je m’en voudrais de te le dire. Surtout à cette heure !

- S’il te plaît Sourou. Je t’en… »

Sans même un regard, Sourou, dont le visage reprend forme, retrouve les vivants, laissant son frère dans une détresse si profonde qu’il en trouve la vue des autres insupportable. Aussi ce dernier se réfugie-t-il vers l’immuable Houefa, digne dans sa barque qui ne dérive plus, belle de la promesse d’un futur impossible, toutes voix éteintes, et voie condamnée.

« Parle-moi, Houefa ! Je t’en conjure ! Parle-moi ! »

Las ! Les bras le long du corps, la tête inclinée, le regard vide, Osseni sombre.

La nuit tangue.

Tangue en lui.

Et les souvenirs.

Débris.

Des miettes.

Ceux de Houefa se dessinent. Les promesses reviennent comme autant de fantômes. Les caresses ; il lui semble qu’un vent doux promène son souffle sur sa peau, et pourtant les fenêtres sont closes. Les mots qui n’appartenaient qu’à eux se gravent en lui : lancinante brûlure.

Puis vient, à rebours :

Leur rencontre dans la lumière crue de Fidjrossé, au ressac. Son visage, son corps, ses mots.

L’Osseni du passé. Libre de n’aimer que la vie. La terre. L’eau.

L’Osseni adolescent, déjà raisonnable.

L’Osseni enfant, contemplatif, mais aventureux, curieux des mystères du monde, des mondes au-delà de l’horizon.

Un enfant bercé de mythes.

Eloigné des rites qui se jouaient dans l’ombre de Djébadji.

Tout cela revient de loin en loin, de proche en proche.

La vie au village, la vie des contes.

Et Papa Legba murmuré au coin du feu, au son d’une calebasse. Des frissons. Des cauchemars.

L’oncle Dossou. Ses paroles. Ses mystères.

Papa Legba sait tout ! Il est partout ! Il lit dans les pensées !

Les oboles dans la coupelle avant que la nuit…

Du manioc, des insectes.

Au matin : de la poussière !

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