La Moustiquaire

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Toujours cette sensation d’être épié, du crépuscule jusqu’au plus profond de la nuit, aux heures où les insectes s’accrochent follement aux lumières des réverbères, qu’ils agressent sans cesse, de leurs corps graciles ; une sensation étrange, grave et pénétrante, qui me saisit jusque dans les chairs.

D’ordinaire, condamné par la chaleur, cette fournaise qu’est mon appartement, je prends soin d’éteindre la lumière, vivotant dans le noir, pour ne point les attirer jusqu’à moi ou bien je bouquine vitres fermées puis, une fois sustenté de mes chères lectures, j’ouvre en grand les fenêtres lorsque mes paupières, enfin, s’alourdissent.

Il est toujours, hélas, des moustiques qui viennent me dévorer : qu’importe les lumières, l’obscurité, c’est l’odeur de la peau, le sucre de nos liquides, qu’ils tètent chaque soir de leurs petites trompes amoureuses. Or, ce soir, j’ai installé cette moustiquaire, celle dont je rêvais depuis la nuit des temps. Désormais, il m’est possible de m’écrouler de sommeil dans la fraicheur des courants d’air sans entendre cette mélodie atroce et discontinue, énervante, qui me réveille aussitôt dès lors que le sommeil menace de me saisir dans ses filets.

Or, cette sensation d’être épié me poursuit jusque dans le rêve, avec cette impression, toujours, de ressentir un poids invisible sur moi, de m’enfoncer dans les draps comme dans un océan de nuages, de me noyer dans cette opacité vaporeuse : ma respiration s’accélère, une sueur froide s’écoule sur mon visage, mon corps, paralysé, ne peut rien faire ; j’oscille dans cet état étrange, aux frontières du réveil, la peur au ventre, tourmenté, comme vidé de toute énergie.

Cette saleté de canicule me réveille chaque fois, malgré le courant d’air dont la caresse, sur ma peau, m’enivre. Assis, je reste dans le vague, interloqué, blême, le souffle court, comme étouffé. Des picotements sur la nuque, de plus en plus vifs, me rappellent la gêne de ces instants maudits, qui se multiplient, ces nuits qui, sans cesse, se raccourcissent.

Que dire de cet étrange courant d’air ? Est-ce moi, où bien n’est-il pas si froid, mais glacé ? Perçant, il s’insinue en moi, m’enchante et m’effraie alors que mes sudations lénifiantes s’écoulent sur mon corps, glissent sur ma peau, torrentielles comme des pleurs d’enfants ; je les essuie d’un geste mou avec mon drap aux trous ronds comme deux pleines lunes inversées, celui qui me camouflait, enfant, quand il me plaisait d'effrayer mes sœurs.

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