15 – Pseudo : Cacolac - L'arme du crime -- Auteur incipit : PoloAuteur - Auteur texte : Marina PHILIPPE

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Certains jours, un truc vient se loger au fond de ma boite à idées, comme un post-it pour ne pas oublier. C’est plus une envie, d’ailleurs, un kiffe qui me ferait bien marrer : agripper mon clavier à deux mains avant de le fracasser sur la tête de Bertrand.
Juste une fois, comme ça, pour essayer. Pour voir l’effet que ça me ferait.
Et puis je n’ai jamais pu le blairer, ce connard de Bertrand. Toujours bien sapé. Tiré à quatre épingles. Sûr de lui. Inoxydable.
Ce type pue la suffisance, c’est un sujet d’expérience idéal.
Pourtant, je ne suis pas quelqu’un de fondamentalement violent, je vous jure. Mais là, c’est plus fort que moi. Mon imagination me titille de plus en plus souvent. J’ai beau user de tous les subterfuges possibles et imaginables, des distractions les plus triviales que je puisse trouver aux plus sophistiquées, rien n’y fait. Mon esprit, comme un chien fidèle, finit toujours par retrouver le même chemin.
J’y pense de plus en plus souvent. Et ça me paraît de moins en moins marrant et de plus en plus impérieux. Ces derniers temps, j’ai un mal de chien à m’intéresser à ma vie quotidienne. Même mon cinq à sept avec Julie de la compta n’a plus la même saveur. Quand je suis au lit avec elle, je pense à Bertrand. Surtout au bruit tout à fait satisfaisant qu’émettrait son crâne de piaf lorsqu’il entrerait en contact avec le clavier et l’énergie cinétique que mon bras lui aurait aimablement conféré. Vous avouerez que pour la concentration, il y a mieux. J’ai de plus en plus de mal à rester au garde-à-vous dans le feu de l’action. D’ailleurs, hier, Julie m’a dit non. Elle veut un bon coup, un vrai, pas un Flamby.
Mais ce matin, je me suis réveillé avec une certitude en acier trempé. Pire que Durandal. Au moins quelque chose de ferme, dans ma foutue vie !
Je sais que c’est pour aujourd’hui. Il faut que je le fasse. Je ne peux plus tenir.
Lorsque j’arrive au bureau, Bertrand n’est pas là. Et s’il était malade ? Quelle poisse.
Il n’y a plus moyen de tergiverser. Je dois absolument balancer ce beau clavier rétro-éclairé dans toutes les couleurs de l’arc-en-ciel sur sa tronche de gougnafier frimeur. C’est le seul moyen pour moi de me débarrasser de l’obsession qui me ronge la tête.
Et, bien sûr, il fallait que ce soit le jour qu’a choisi cet imbécile pour se faire porter pâle. A croire qu’une mystérieuse intuition l’a averti de la blague que je lui réservais pour pimenter la journée. L’être humain est décidément plein de mystères. Encore que « humain », pour Bertrand, il faut le dire vite. Protozoaire serait plus adapté.
Il va falloir attendre demain. Quel supplice !
J’essaie de rester concentré. A chaque fois qu’un de mes collègues passe devant moi, j’ai l’impression qu’il peut lire dans ma tête. Les secondes s’étirent comme des minutes, les minutes comme des heures.
Et soudain, peu après onze heures, le miracle se produit. Bertrand pousse la porte de l’open-space, la mine rayonnante et bien propre sur lui, comme à son habitude.
- Salut, tout le monde ! Désolé pour le retard, j’ai eu un petit imprévu, ce matin.

Dieu, comme ce type me flanque de l’urticaire. Mes doigts me démangent, mes yeux fixent le clavier multicolore avec une intensité qui trahit mon obsession, mais le moment n’est pas tout à fait arrivé. Je dois attendre encore un peu. Un tout petit peu.
C’est à cet instant précis que le regard bleu de Bertrand m’accroche au passage. Un air vaguement intrigué s’affiche sur son visage avenant et il s’avance vers moi.
- Ça va, François ? Tu en fais, une tête. Tu n’es pas malade, au moins ?
Avant d’avoir eu le temps de comprendre ce qui se passe, je me saisis du clavier sans fil, le lève au-dessus de ma tête et l’abats de toutes mes forces sur son visage parfait de godelureau.
J’entends un grand craquement et Bertrand s’effondre. L’arme du crime, toute tordue, me tombe des mains. Tout le monde se fige autour de moi, comme si un être immanent avait tout d’un coup décidé d’appuyer sur « pause ». Moi-même, je reste immobile, la bouche grande ouverte comme un poisson sorti de l’eau.
Lorsque je parviens enfin à décoller mes pieds du sol, je contourne mon bureau pour contempler l’ampleur des dégâts.
Bertrand gît à terre, le crâne éclaté. Ça, c’est normal.
Mais autour de lui, pas la moindre éclaboussure sanglante. Pas la moindre trace de cervelle. Non, rien de tout ça. Mais des fils, des composants électroniques et d’autres pièces, métalliques ou non, dont j’ignore l’usage. Avec quelques touches échappées de l’arme du crime en guise d’ornement.
Un robot.
Un putain de robot.
Pas croyable.
C’est donc pour ça que ce gars était si parfait !
- Il a détruit notre prototype ! C’est un fou furieux ! Arrêtez-le !
Mes deux collègues les plus baraqués se précipitent vers moi et m’attrapent les bras.
- J’appelle la police. Un androïde à cent mille balles, unique en son genre ! Ça va te coûter cher, enfoiré !
Je suis enfin guéri de mon obsession.
Je l’ai fait. Et sur le coup, croyez-moi, j’ai vraiment kiffé.
Mais alors la suite, c’est moins marrant que ce que je pensais.

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