2 – Pseudo : Taratata - Paître ou ne pas paître, telle est la question -- Auteur incipit : Zelen Awal - Auteur texte : Yenyenus

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On m'appelle la Pompadour des Vosges. Cette nuit, je me prépare à commettre l'irréparable. Matin et soir, le vénal Ozon Latune vient pomper mes mamelles avec des gobelets-trayeurs, sangsues affamées qui tètent ma sève jusqu'à la dernière goutte. C'était autrement plus doux avec Aimé Galmiche. Ah, le bon vieux temps avec mon Aimé ! J'aimais la délicatesse de ses doigts et son langage fleuri ; un paysan comme on n'en fait plus. Il m'appelait sa belle. Parfois sa douce.

La nuit venue, Pompadour des Vosges avisa sa meilleure amie, Chantalia, de ses intentions :

- J'ai beaucoup ruminé ces temps-ci...

- Comme toutes les vaches, répondit Chantalia.

- Non, contesta Pompadour. Je voulais dire, j'ai réfléchi à notre condition. Du temps d'Aimé, nous étions heureuses. Avec Ozon ce n'est plus le cas. Cette nuit je m'évadererai !

Chantalia prit un air outré.

- T'évader ? Mais c'est impossible, si tu fais cela, la situation sera de pis en pis pour toi.

- Je suis prête à en prendre le risque.

Pompadour toisa la clôture, elle se mit en position de charger, tel un taureau, et s'élança à vive allure. Les barbelés explosèrent sous le violent assaut. Pompadour eut bien quelques éraflures, mais le jeu en valait la chandelle : à elle la liberté. Elle tenta d'entraîner d'autres congénères dans sa fuite, mais nulle ne la suivit. Toutes avaient peur des conséquences, et de l'inconnu. Pompadour, elle, découvrit les joie de courir sans restriction. Rien ne la limitait plus. Elle galopait, cornes au vent, sans réellement savoir où elle devait aller, seul comptait le plaisir de la liberté, le plaisir de ne plus être captive. Elle s'aventura près d'une rivière, et savoura le plaisir de boire de l'eau pure, puis elle s’engouffra dans une grotte, et s’émerveilla d'y découvrir une famille entière d'adorables bébés chamois, enfin elle tomba devant un arbre magnifique. Un cerisier, entièrement revêtit de son manteau rose.

Que de merveilles! J'ai fait le bon choix ! Plus jamais je serais prisonnière d'un être humain. Même la douceur d'Aimé ne vaut pas la joie d'être libre !

Toute la nuit, elle profita du divin plaisir d'être affranchi, elle n'était plus une esclave. Au matin, éreintée par la fatigue, elle s'assoupit si bien, et si longuement, qu'elle laissa aisément le temps à son propriétaire de la rattraper et de la ramener. Et ce, avant même que Pompadour, bien trop absorbée par des rêves nourrit par de nouvelles ambitions, ne retrouva ses esprits.

À son réveil, quelle ne fut pas sa stupeur. Elle se retrouvait à son point de départ, avec une variante : elle était isolée, dans un enclos minuscule. La prédiction de Chantalia lui revint comme un boomerang « si tu fais cela, la situation sera de pis en pis pour toi ».

Elle n'avait pas tort en fait... Quoique, foi de Pompadour je ne m'avoue pas vaincue. Il n'y a pas beaucoup de façon, pour une vache de s'évader, on est repéré facilement, et celles qui ont osé tenter l'aventure se sont toujours faite reprendre, puis mises sous surveillance spécifique. Il me faut donc trouver une nouvelle tactique, une tactique qui pousserait Ozon Latune, lui-même, à se débarrasser de moi. Ce n'est pas gagné, car mon lait ne compte pas pour du beurre, mais en revanche, si je lui fais croire que je suis impure, gangrenée, malade ? Alors, dans ce cas, il me pousserait vers la sortie. Je ne peux simuler une fièvre, une toux ou un autre symptôme réel. Ma seule issue c'est la folie.

L'idée lui était venue de sa cousine, la vache qui rit. Elle n'avait jamais suivi le troupeau, et avait toujours été pour elle source d'inspiration. Sa cousine passait son temps à rire, et on l'avait désigné égérie d'une grande marque de fromage pour cela. Ça avait été son salut. Le créneau fromager étant pris, Pompadour développa une autre stratégie...

Le lendemain matin, quand Ozon vint traire la malheureuse détenue, le comportement de la vache changea subitement. Celle-ci se mit à meugler avec nervosité, flirtant avec de l'agressivité. Puis sa démarche se montra vacillante, au point de perdre l'équilibre à plusieurs reprise. Ozon l'observa avec inquiétude, sans la traire, il quitta son enclos ce matin-là.

Intérieurement, Pompadour jubilait.

Alors Ozon ? On abandonne ?

Le soir, Ozon revint avec des humains que Pompadour n'avait encore jamais vu, ils la chargèrent dans un camion. Le paysan articula quelques mots, Pompadour réussit à en comprendre l'essentiel : elle partait ! Enfin !

Victoire, même si ce n'est qu'un changement de ferme, je suis sûr que l'herbe sera plus verte ailleurs. Ce qui m'attriste, c'est de ne pas pouvoir amener le reste du troupeau avec moi. J'aurais tant aimé les sauver de cette brute !

Après un long voyage en camion, Pompadour fut déchargée dans une grande allée, entourée de barbelés. Elle n'était pas seule, des congénères par centaines était présentes, et suivaient la même direction, vers un entrepôt. En discutant avec les autres bovidés, elle apprit que, exténuées par leurs conditions de détention, toutes avaient eu cette même idée de la vache malade. Elles se félicitèrent d'avoir fait preuve d'une telle d'imagination. La joie de Pompardou atteignit son comble, quand lors d'un échange elle appris que chaque troupeau des vaches présentes serait amené à venir ici. Son cœur se remplit de joie, et gagnait en légèreté alors qu'elle continuait d'avancer vers l’entrepôt, sur lequel elle aurait pu y lire, si elle avait su, « Abattoir, maladie de la Vache Folle »

Conclusion : Comment ne pas sombrer dans la folie, comment ne pas devenir une vache folle, en vivant ainsi ?

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