Le Train

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I

 

 

J’entends le bruit du vent et un bourdonnement continu ; un ronronnement qui fait écho dans mon crâne.

Il s’agit simplement du vrombissement d’un train. Le son est lourd, assourdissant. Et par-dessus tout, il me donne mal à la tête.

Le train avance à toute vitesse et ne semble pas vouloir s’arrêter.

Assis sur un siège, tout au fond d’un wagon, je me réveille doucement.

Ma tête me fait horriblement mal, comme si un volcan était en pleine éruption. C’est une sensation très désagréable.

Je tente d’ouvrir les yeux entièrement, sans la moindre réussite. Mes paupières sont lourdes et défient ma volonté. Elles restent closes.

Je pose mécaniquement une main sur mon front ; il n’est pas brûlant de fièvre et je ne suis pas souffrant. Mais, étrangement, une douleur affreuse irradie toute ma main droite.

Après quelques instants, je réussis enfin à ouvrir grand les yeux.

C’est alors que je constate que la lumière émise par les lampes murales n’est pas aussi aveuglante que je le craignais.

Je porte mon regard vers la fenêtre, sur ma gauche.

Je peux apercevoir des ruines défiler à toute vitesse derrière les vitres claires du train. A voir cet environnement, je ressens comme un pincement curieux dans mon cœur.

Une larme éclot et se met à couler de mon œil, sans que je ne sache pour quelle raison.

Car aucun souvenir ne me revient. Tout semble flou et mon esprit est embrumé.

Je ne connais pas mon nom, d’où je viens, ni comment je me suis retrouvé ici.

Le train m’apparaît soudain semblable à une prison, mais aussi, et c’en est inexplicable, comme ma tour d’ivoire. Je m’y sens à la fois à l’aise et en danger.

C'est là un sentiment très étrange.

 

Des maux de tête se déclarent sitôt que j'entreprends de me mettre debout, accompagné par des vertiges forts désagréables.

En attendant que ça passe, je prends un instant pour observer l’intérieur du wagon.

Il est plutôt simple, paré d’un blanc cassé aux cloisons, de sièges drapés de bleu et de noir. Quant au sol, il tend volontiers vers le gris.

« Ce n'est pas très original, et même plutôt triste », je me fais la remarque. D’autant plus que je suis seul.

Un sentiment de solitude emplit soudain mon cœur. L’atmosphère ne recèle aucune odeur, aucune émotion. La plénitude règne.

Mais alors pourquoi, en l’absence de mes semblables, je me sens si bien ?

Sans réellement réfléchir à une réponse, je tente de nouveau de me mettre droit sur mes jambes. Cette fois-ci, je ne ressens aucun étourdissement.

Je décide donc de poser une main sur le dossier du siège et entreprends d’examiner les portes. Autrement dit, les seules issues du wagon.

Je veux d’abord ouvrir celle qui se trouve juste à côté de moi, mais je m’aperçois rapidement qu'elle est fermée. Je remarque, à travers la petite fenêtre du hublot, que je me trouve à l’arrière du train. Les kilomètres sont avalés à une vitesse folle.

Ce constat fait, il ne me reste ainsi qu’une chose à faire : me diriger vers l’avant.

Je déambule entre les sièges, et quelques secousses faillirent me faire tomber sur les sièges, qui se succédaient autour de moi comme une rangée de petits soldats.

Je ne peux m’empêcher de scruter chaque banquette. Elles sont toutes vides de passagers.

Une question me taraude l'esprit : Pourquoi suis-je seul ?

Par ailleurs, je ne vois aucun indice m'indiquant que d'autres personnes sont venues avant moi s’égarer ici.

Alors, dans ce cas, qui m’y a mis ?

 

J’approche l’autre côté du wagon lorsque je vois une petite feuille collée juste à côté de la poignée. Par réflexe, je lis d’abord ce qui y est inscrit.

« Je suis visible à l’œil nu, mais inaccessible aux êtres humains. Je voyage au gré du vent, et déverse parfois mes larmes lorsque ma colère est grise. »

« Une énigme ? » Très peu pour moi, pensé-je.

Je pose la main sur la poignée et l’abaisse pour ouvrir la porte. Malgré ce geste, elle demeure close.

Je tente à plusieurs reprises de l’ouvrir, m’acharnant dessus comme un beau diable... Mais rien n'y change.

Je soupire de frustration. Je trouve cela injuste d’être enfermé dans un seul de compartiment.

Je m’accroupis et relis une deuxième fois les mots écrits sur le bout de papier.

Devoir réfléchir à un moment pareil m’est inconfortable. Pourtant, peu à peu, je me prête au jeu.

« C’est quelque chose qui flotte apparemment… », je dis à haute voix. « Qu’est-ce qui se voit, mais ne se touche pas… et qui semble verser de l’eau… ? »

Alors que je ferme les yeux pour faire le vide en moi et m’emplir de concentration, une vision m’apparaît subitement.

Un nuage… Un majestueux nuage solitaire semble glisser sur un ciel entièrement bleu, en toute sérénité.

La réponse, je l’ai trouvée.

J’attends, mais rien ne se produit comme je l’espérais.

Devant ce manque de réactivité, j’ouvre la bouche et prononce le mot « nuage ».

Ma voix produit une résonance qui se répercute aussitôt dans tout le wagon. Puis je sens quelque chose s’échapper de ma gorge, sans l’éprouver de douleurs.

Devant mes yeux, le mot « nuage » se déracine lettre après lettre de mon corps.

Déboussolé, je ne fais rien. J’observe simplement les lettres flotter dans le vide et se diriger vers le trou de la serrure.

Elles rentrent une par une, et j’entends bientôt un léger claquement lorsqu’elles sont toutes entrées à l’intérieur.

A ma grande surprise, la porte s’ouvre entièrement.

« Qu’est-ce que c’est que tout ça… ? Me suis-je perdu dans un monde parallèle… ? », m’écrié-je, totalement désabusé.

Me relevant, j’observe avec une certaine curiosité, mais aussi une appréhension certaine, ce qui se trouve dans le second wagon.

Et mon étonnement ne cesse de s’agrandir…

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