Chapitre 39 : Snoog et Loren

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Snoog

Je trépignais sur place. Cela faisait un bon quart d'heure que j'arpentais le quai, attendant l'arrivée du train d'Edimbourg. Loren était partie en début d'après-midi, pour profiter de la sieste d'April pour voyager. J'espérais que la louloute était parvenue à s'endormir et que le voyage s'était bien déroulé pour elles.

De notre côté, nous avions quitté Inverness assez tôt ce matin. Mais semblait-il, pas assez pour moi. J'étais le premier levé, le premier à prendre mon petit déjeuner. Pourtant, nous avions joué la veille. Mais j'étais impatient de rentrer à la maison. Les autres aussi, je le savais, même s'ils n'avaient pas une raison aussi impérieuse que moi de regagner Glasgow. Nous étions arrivés en milieu de journée, j'avais juste eu le temps de poser mes affaires à l'appartement, de jeter un oeil dans le frigo et dans la chambre. J'avais confié à la femme de ménage ma date de retour et comme c'était une femme organisée et prévoyante, elle avait rempli mes placards et fait le ménage en grand. Elle était vraiment géniale. Je l'adorais. Elle m'aidait bien au quotidien, surtout pour des tas de trucs que je détestais faire. Et qu'elle, je crois, adorait faire. C'était un bon équilibre.

Enfin, le train fut annoncé. Je me plaçai à peu près à l'endroit où se trouverait le wagon de Loren, pour les récupérer dès leur descente. Dans un long crissement de freins, le train s'arrêta. Mon regard n'avait pas quitté les fenêtres, tentant de distinguer la silhouette de mes deux belles. Enfin, j'aperçus Loren à travers la vitre, avec la louloute dans les bras et un sac sur le dos. Quelques personnes attendaient pour descendre devant elles.

Enfin, elle posa ses pieds sur les marches et je l'attirai vers moi, l'entraînant déjà à l'écart de la foule qui se pressait vers la sortie. April était encore toute endormie, les yeux un peu rouges. Dès qu'elle me vit, elle voulut quitter les bras de sa mère pour venir se nicher dans les miens. Je ne dis pas non et la pris tout contre moi. Sa tête se frotta contre mon épaule et je crus bien qu'elle allait se rendormir aussitôt. Mon regard l'abandonna pour se porter vers Loren. Elle souriait doucement. De mon bras libre, je la serrai à son tour contre moi et l'embrassai tendrement.

- Ca va ? Le voyage ?

- Ca a été. April a eu un peu de mal à s'endormir, elle s'est réveillée juste quand je me suis levée de ma place. Elle a encore sommeil, je crois.

- Elle va pouvoir dormir dans le taxi. T'es chargée ?

- Non. Je peux garder le sac sur le dos.

Elle portait aussi un autre petit sac, léger, à la main, avec quelques affaires qu'elle avait prises juste pour le trajet : biberon, compote que la louloute n'avait pas touchée, le doudou. Ca, je savais que c'était le truc le plus important. Je me souvenais parfaitement d'une fois où Steve et Thilia avaient failli tous nous faire tourner chèvre parce qu'ils s'étaient amusés à planquer leurs doudous et on ne les retrouvait plus. On avait juste un avion à prendre... On s'y était tous mis, y compris du personnel de l'hôtel, pour les retrouver. Ca avait été moins une. Stair avait failli perdre son calme et Lynn ressemblait à un taureau furieux. J'essayais de ne pas me moquer de mes potes, mais je n'étais pas peu fier d'être parvenu à mettre la main sur celui de Steve. Evidemment, les galoupiots étaient incapables de nous expliquer où ils les avaient cachés. Et encore moins de comprendre qu'on était juste un petit peu pressés...

Nous laissâmes passer la foule, puis quittâmes la gare. Le taxi attendait, patient. Je réussis à y monter sans réveiller April. Elle dormit effectivement tout le trajet jusqu'à chez moi et nous la couchâmes sur mon lit, l'entourant avec les oreillers et le traversin pour éviter qu'elle tombe. Lynn devait m'apporter le lit parapluie de Thilia en fin de journée. Je lui envoyai direct un message pour lui dire qu'on était rentré et qu'il pouvait passer quand ça l'arrangeait.

Puis Loren et moi nous nous offrîmes un petit moment juste tous les deux dans le salon.

Loren

C'était donc la première fois que je venais chez Snoog et la première fois que je le voyais dans son environnement quotidien, celui qui n'était ni le studio, ni la scène, ni même l'hôtel. Son autre lieu de vie, en quelque sorte. Je me souvenais très bien, lorsque nous nous étions vus à Glasgow (et que nous avions conçu April !), qu'il m'avait dit vivre sur la rive gauche de la Clyde. Par rapport à l'hôtel où j'avais séjourné à cette époque, c'était beaucoup plus vers l'ouest, mais à la limite du centre-ville.

L'appartement était assez grand, situé dans un immeuble ancien. Des fenêtres hautes et un peu étroites donnaient sur le fleuve et apportaient de la clarté. Il y en avait deux dans le salon, plus une plus petite du côté de la cuisine. On entrait directement dans la pièce principale. Il m'expliqua qu'après avoir acheté l'appartement, il y avait fait réaliser quelques travaux et qu'il avait notamment supprimé l'entrée et fait abattre le mur séparant la cuisine de la pièce de vie. Car la cuisine était à l'origine petite et étroite, peu lumineuse. Il l'avait complètement fait refaire, avec un grand bar la séparant de la pièce. Cela donnait tout de suite un côté chaleureux et accueillant.

La pièce comptait un grand canapé confortable avec une table basse et des fauteuils : cela prenait une bonne partie de l'espace et je me doutais que c'était vraiment l'endroit où il aimait se poser. Le plus impressionnant cependant dans la pièce - et il y avait la même chose dans sa chambre, c'était que le grand mur derrière le canapé était rempli de livres. Des étagères couvraient tout le mur, ne laissant un peu de place que pour une bonne chaîne hi-fi et tout un pan de tiroirs dans lesquels étaient rangés ses disques. Une table de salle à manger était placée près du mur donnant sur l'autre partie de l'appartement : un petit couloir desservait là deux chambres et une salle de bain.

- Tu veux boire quelque chose, Loren ? fit-il en se dirigeant vers la cuisine alors que mon regard faisait encore le tour de la pièce et s'arrêtait déjà sur les rayonnages pour déchiffrer les premiers titres de livres sur lesquels il se posait.

- Tu as un jus de fruit ?

- Yep.

Il revint avec le nécessaire alors que je m'étais approchée de la fenêtre et que je regardais, curieuse, la vue.

- C'est chouette, hein ?

- Oui, souris-je. La vue est dégagée... On voit le studio, d'ici ?

- Oui, fit-il, mais faut ouvrir la fenêtre et se pencher un peu.

Il mit aussitôt son geste à exécution et nous nous glissâmes par l'entrebâillement. De la main, il m'indiqua la direction à suivre et je vis, en effet, le studio des Dark Angels. Je devinais aussi la grande verrière de l'étage. Il m'expliqua que Jenna, Lynn et Thilia vivaient là. Quand je lui demandai pourquoi, il me répondit que c'était tellement grand qu'ils auraient pu aménager une salle de bal à l'étage, en plus du studio et du garage, ainsi que quelques autres commodités, dont une cuisine, une petite salle de douche et un bureau pour Gordon au rez-de chaussée. Mais comme une salle de bal ne leur aurait servi à rien, que Lynn et Jenna avaient de toute façon besoin d'un pied-à-terre, la décision avait été vite prise. Il était le seul aussi à vouloir acheter un appartement, à Glasgow, puisque Stair et Ally vivaient encore à Manchester à l'époque, que Stair venait crécher chez lui quand il les rejoignait pour travailler. Quant à Treddy, il avait sa petite maison en banlieue. Lui-même n'aurait pas eu envie d'habiter au-dessus du studio, sans compter que même si le centre-ville en était très accessible par les quais, il trouvait que c'était un peu loin : il voulait vivre assez proche du cœur de la ville, pour le sentir battre, pour sortir, rencontrer des gens, échanger. Cette ville était très vivante, très animée, c'était aussi l'autre poumon culturel et surtout musical de l'Ecosse et il voulait vraiment se fondre dans cette ambiance. Il trouvait qu'Edimbourg était une belle ville, avec ses quartiers anciens, ses beaux bâtiments. Mais il avait craqué pour Glasgow, pour son architecture particulière, mélange de bâtiments du 19ème siècle, de ville ouvrière, de ville ouverte sur la mer aussi, grâce au fleuve - mais je lui fis remarquer que c'était pareil pour Edimbourg.

Nous refermâmes la fenêtre et allâmes nous installer dans le canapé. A peine assis, il m'entoura de son bras et m'attira contre lui. Puis nous nous embrassâmes beaucoup plus longuement que sur le quai de la gare. Je me retrouvai très vite assise sur ses genoux et si Lynn ne s'était pas annoncé, nous aurions certainement fait l'amour.

**

Je n'avais jamais vu les autres Dark Angels que d'assez loin, sur scène, hormis le jour du concert à Newcastle, et, pour Lynn, à Wembley dans le salon VIP quand il était venu saluer les Donovan. Lors de la séance de dédicaces, Stair était le plus proche de Snoog. Et Lynn était assez éloigné de moi. J'avais bien gardé le souvenir de son regard perçant, toujours à l'affût. Je me fis la réflexion, en le voyant cette fois, qu'il avait bien cela en commun avec Snoog.

Il me salua simplement, amicalement. J'aurais aimé que Jenna soit avec lui, pour faire sa connaissance. C'était prévu pour le lendemain.

- Tu prends une bière ? proposa Snoog.

- Ok, fit Lynn et il s'installa dans un des fauteuils.

Je repris place dans le canapé, en face de lui.

- C'est gentil de prêter le lit pour April, fis-je. J'aurais eu du mal à en apporter un d'Edimbourg, ça m'aurait encombrée dans le train.

- Pas d'soucis, répondit-il avec simplicité. On s'en sert quasiment plus. Tu pourras même le garder, ajouta-t-il en se tournant vers Snoog qui lui présentait sa bière.

Ils trinquèrent, puis Snoog revient s'asseoir à côté de moi.

- Tout va bien, là-bas ? demanda-t-il.

Je compris que "là-bas" signifiait le studio.

- Ouais, impec. J'ai fait un tour. Aucun souci durant notre absence. J'ai rappelé le veilleur de nuit pour lui confirmer qu'on était là ce soir et pour quatre jours. Qu'il soit pas surpris de nous croiser.

Il but une nouvelle gorgée, puis dit en s'adressant à moi :

- Faudra venir voir. A quoi ça r'semble.

- Volontiers, dis-je.

- C'est un peu vide en ce moment, fit Snoog avec amusement. Lynn est parti en voyage avec le plus volumineux. Sans la batterie, le studio fait très vide.

- Sans les amplis aussi. Sont lourds les gratteux à vouloir toujours bouger avec leurs frigos.

- Leurs frigos ? fis-je étonnée.

- Yep, c'est comme ça qu'on surnomme les amplis, me répondit Lynn.

- Ah, ok, souris-je. Et je suppose que c'est au moins aussi lourd ?

- Plus. Même quand le frigo est rempli de bouteilles de bières.

Nous rîmes tous les trois, puis j'entendis April appeler.

- Ah, elle est réveillée. J'y vais.

Je me levai pour rejoindre la chambre. April pleurait, mais ses larmes s'arrêtèrent aussitôt en me voyant. Je m'assis sur le bord du lit et la pris dans mes bras.

- Mama ! Mama ! fit-elle.

- On est arrivé, dis-je. Tu as dormi dans le train et encore ici un petit peu.

- Tain ? Tain ?

- Oui, nous avons pris le train. Viens, je vais te rhabiller et te changer.

Je lui mettais des couches pour dormir, car elle avait encore parfois des petits accidents et là avec le voyage, je n'avais voulu prendre aucun risque. Je repris ses vêtements, lui remis son petit pull, quitte à le lui enlever quand elle serait réchauffée.

- On va prendre le goûter. Tu vas voir, papa est là et un ami aussi. Lynn.

- Lynn ?

- Oui. On y va ?

- Va !

Nous rejoignîmes les garçons et dès qu'elle vit Snoog, elle tendit les bras vers lui, glissa au sol et se précipita sur ses genoux. Puis elle se blottit contre lui, pour regarder Lynn. Il avait un petit sourire amusé.

- Elle fait comme Thilia, dit-il. C'est quand même dingue. N'importe quelle fille, on la cherche et on la retrouve sur tes genoux. T'es fort, quand même.

- Pas n'importe quelle fille, répondit Snoog. Tu sais très bien qu'il y en a trois qui n'y seront jamais.

- Yep. Le jour où Jenna se retrouve sur tes g'noux, mon pote, t'es mort.

Et là, j'étais quasiment certaine que ce n'était pas une blague. Que ça n'arriverait jamais. Et c'était pour cela qu'ils pouvaient se permettre de plaisanter. Mais ce fut April qui leur cloua le bec en regardant son père et en disant :

- Papa ! Pot'pot' !

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