Chapitre 27 : Loren

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- Je pense que ça me conviendra très bien. Le loyer est de 800 livres, c'est bien ça ?

- Oui, mais il faudra ajouter une caution et les charges d'environ 60 livres.

- Bien... Puis-je passer demain pour signer les documents ?

- Je vais contacter le propriétaire. En général, il aime bien faire connaissance avec ses locataires. Je vous rappelle d'ici la fin de journée.

Je remerciai l'agent immobilier et je rentrai rapidement à l'auberge de jeunesse. Je venais de passer les trois premiers jours depuis notre arrivée dans la capitale écossaise à visiter des appartements. N'ayant que nos affaires personnelles, il me fallait un meublé et c'était rare. Sans compter que les prix étaient élevés, même si j'avais bien précisé que je pouvais m'éloigner du centre-ville. Après ces premières journées de recherches infructueuses, la chance m'avait souri. Je venais de visiter un appartement meublé, comprenant deux pièces plus une salle de bain, soit une vraie chambre assez spacieuse où je pourrais ajouter un lit pour April, et une pièce de vie avec un coin cuisine joliment aménagé. Certes l'appartement se trouvait au dernier étage d'un petit immeuble, mais il se situait à la limite du centre-ville, avec de nombreux commerces à proximité et surtout, il n'était pas loin du parc Meadows. Je pourrais aisément faire des sorties avec April.

Le seul hic, c'était le loyer un peu élevé, mais en faisant bien attention, je devrais pouvoir m'en sortir, au moins pour les premiers mois. A condition que le propriétaire accepte de louer à quelqu'un travaillant en free-lance, mère célibataire de surcroît.

Dès le surlendemain, je retournai à l'agence, April dans sa poussette. Il fallait aller vite et être efficace, surtout que l'agence était assez loin de l'auberge de jeunesse. Lorsque j'entrai dans le bureau, le propriétaire était déjà là.

- Bonjour, Mademoiselle, me fit l'agent. Je vous présente Monsieur Graham. Asseyez-vous.

- Merci, dis-je, bonjour Monsieur.

Et je tendis la main à un monsieur déjà âgé, assez grand, à peine voûté, au regard sympathique. Il me rendit une poignée de main franche. L'agent me présenta et nous relûmes ensemble les conditions pour le bail. Mais alors que nous allions aborder certaines questions, Monsieur Graham demanda à s'entretenir seul avec moi. L'agent ne sembla pas surpris et nous laissa non sans nous avoir proposé un thé qu'il alla préparer.

- Mademoiselle, commença-t-il, j'aimerais que vous me parliez un peu plus de vous. J'aimerais connaître vraiment votre situation.

J'hésitai un peu : allait-il refuser de me louer l'appartement s'il jugeait que je n'offrais pas assez de garanties ? J'allais peut-être devoir envisager de quitter Edimbourg et chercher à l'extérieur, mais cela serait sans doute plus compliqué pour moi.

- Et bien... commençai-je, je... Voilà, je suis mère célibataire. Comme je l'ai stipulé, je travaille en free-lance, pour accompagner des sociétés menant des projets dans le domaine de l'environnement. Actuellement et pour les six mois à venir environ, j'accompagne un projet de gestion des déchets pour la commune de Stirling. J'ai aussi participé à des projets en matière de logements économes, d'énergies renouvelables, etc... Et plusieurs en Ecosse. J'ai un bon carnet d'adresses ici et je pense qu'à l'issue de mon contrat, je pourrai aisément enchaîner sur un autre projet.

- Vous viviez à York, c'est cela ?

- Oui, mais je suis originaire de Newcastle. Mon... Mon ex-compagnon travaille à York, c'est pourquoi nous nous y étions installés.

- Pourquoi l'avez-vous quitté ?

La question était très personnelle et, à la limite, j'aurais pu lui dire que cela ne le regardait pas. Mais son ton, son attitude étaient des plus bienveillants et je me sentis en confiance. Des mois que je ne m'étais pas livrée, que j'avais tenté de faire face, seule. Malgré mes mains crispées, je répondis avec assurance :

- Il est difficile de tout mener de front, d'être la femme parfaite. Celle qui travaille, élève son enfant, tient la maison, fait les courses, le ménage, la cuisine. Que lui, en rentrant, trouve le repas préparé, ses costumes repassés, la petite baignée et prête pour sa nuit. Alors que j'ai passé la journée à tout concilier. Et tout cela pour n'entendre que des reproches le soir. Et pire, que tout le monde le considère comme le gendre idéal alors qu'il ne perdait aucune occasion de me dévaloriser. J'ai fait le choix de le quitter, même si ce sera dur.

Il hocha la tête, pensif, puis passa lentement un doigt sur ses lèvres, avant de se redresser dans son fauteuil et de me dire :

- Si je vous laisse le loyer à 600 livres, charges incluses, que je ne vous demande pas de caution, est-ce que cela vous irait ?

Je le fixai, bouche bée. Je ne m'étais pas attendu à cela. Il poursuivit :

- Ecoutez, jeune fille. Je désespérais un peu de trouver un ou une locataire pour l'appartement, l'étudiant auquel nous l'avions loué ayant dû interrompre ses études. Une fois les premiers mois qui suivent la rentrée universitaire passés, ça devient plus difficile de trouver quelqu'un. Je n'ai pas besoin de cet argent pour vivre. J'ai surtout besoin que l'appartement soit occupé, que le locataire en prenne soin. Je le garde pour mes petits-enfants, s'ils viennent faire leurs études à Edimbourg, un jour. Voilà mon objectif.

- Je comprends, fis-je. Je... Je vous remercie pour le geste. Cela m'ira très bien.

- Si vous rencontrez des difficultés, dans quelques mois, quand votre projet sera terminé et que vous vous retrouvez en recherche d'un autre, que ça prend un peu de temps, dites-le moi. Nous trouverons un arrangement. Et surtout, si un appareil tombe en panne ou que vous avez un souci de plomberie, d'électricité... vous me le signalez aussi.

- D'accord, lui souris-je. C'est vraiment très gentil à vous...

Il se pencha un peu vers moi et je vis bien qu'il se retenait de me prendre les mains.

- Ma belle-fille s'est retrouvée dans une situation assez similaire à la vôtre, avant de rencontrer mon fils. Je ne peux qu'être sensible à ce que vous vivez. Et avoir envie de vous aider.

- Et... Et j'imagine qu'elle est heureuse, maintenant ?

- Oui, sourit-il franchement. Donc gardez confiance en vous, surtout. Il vous arrivera le meilleur.

L'agent frappa discrètement à la porte et Monsieur Graham lui fit signe qu'il pouvait entrer. Nous nous engageâmes donc pour le loyer et les différentes modalités, puis je pris les clés.

Dès demain, April et moi dormirions dans notre nouveau "chez nous".

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