Chapitre 4 : Loren

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Un délicieux parfum vint chatouiller mes narines. J'entendis Snoog dire quelques mots, une porte se refermer. Puis le lit s'enfonça à mes côtés, une main se posa avec douceur sur mon épaule.

- Loren, le petit déjeuner est servi. Si tu veux en profiter, c'est bien chaud et je peux t'assurer que c'est très bon.

Je n'eus pas le temps d'ouvrir les yeux qu'il s'était déjà éloigné, passant dans mon champ de vision pour s'approcher de la table et commencer le service. Je me redressai, frottai mes paupières.

- Je prends une douche vite fait et je te rejoins, dis-je.

- Ok.

Quelques minutes plus tard, rhabillée, je prenais place à table à ses côtés. Il me servit une grande tasse de thé et je commençai à piocher sous les diverses cloches posées devant moi : petites crêpes, fromages, œufs brouillés, beans... Ce n'était plus un petit déjeuner, mais un vrai festin. Moi qui avais peu d'appétit ces derniers temps, je sentis l'eau me monter à la bouche. Snoog s'était lui aussi servi copieusement. Sans doute que le sport en chambre lui creusait l'estomac.

- Alors, dis-moi, Loren, tu fais quoi dans la vie ?

Il m'avait posé la question simplement, avec une certaine curiosité.

- J'ai fini mes études il y a deux ans, ingénieur en sciences de l'environnement. J'ai suivi aussi un cursus pour être chef de projet, en parallèle.

- Ah oui ? fit-il d'un ton vivement intéressé. Et ça consiste en quoi ?

- Et bien, je contacte des communes ou même de grosses entreprises - les petites sont rarement dans ce genre de démarche - pour des projets en faveur de l'environnement. Les normes évoluent, beaucoup doivent s'adapter. Et ça touche à tout : la gestion des déchets, la protection d'un site, l'étude de l'impact d'un projet immobilier ou d'infrastructures sur l'environnement, l'installation d'un parc éolien, etc...

- Wha, c'est vaste ! Et tu trouves du boulot facilement ?

- A la fin de mes études, je suis entrée dans un cabinet de conseil. J'étais simple employée et comme je débutais, je ne travaillais pas sur des dossiers très intéressants ni très conséquents. Mais ça m'a permis de commencer à monter un réseau de contacts, de me familiariser aussi avec l'application concrète des normes. J'ai cependant rencontré un souci avec un des chefs de projets, il y a trois mois, et j'ai préféré partir. J'aurais pu contacter un autre cabinet, mais cette expérience m'avait fait réfléchir et même si ce n'est pas facile, j'ai décidé de me lancer en free-lance.

- C'est courageux, fit-il avec un brin d'admiration tout en se resservant une tasse de thé. Et là, tu bosses sur un projet ?

- Oui. Je travaille pour la ville voisine de Durham qui monte un projet d'aménagement touristique dans la ville et principalement autour du château. Il s'agit de pouvoir respecter à la fois le site patrimonial, tout en proposant un parcours le plus écologique possible, avec ce que l'on appelle des cheminements doux - sans voitures, sans bus ou alors électriques -, des stands d'activités qui se fondront dans le site. Et cela amène aussi des réflexions sur les déchets, est-ce qu'on installe des poubelles à tri ou pas, les sanitaires, etc...

- Ah ouais, c'est complet...

- Assez oui, c'était ça qui était intéressant pour moi, pour un premier contrat à mener seule.

- Et tu as l'impression de t'en sortir ?

- Pour l'heure, je suis dans les temps et l'équipe municipale semble plutôt contente de ce que je propose, donc c'est positif pour moi. Mais je suis loin d'en avoir terminé, si tout va bien, j'en ai pour encore quatre à cinq mois de travail. Ensuite, je verrai...

- Et tu habites à Newcastle, alors ?

- Oui. Mes parents sont originaires de la région. J'y ai fait mes études.

- C'est vrai que l'université ici est réputée, fit-il remarquer.

J'acquiesçai.

- Et tu aimes le hard-rock en prime.

- Oui, ris-je en réponse. Ce n'est pas incompatible.

- Je dirais même que c'est compatible avec tout.

Je souris et repris :

- C'est la troisième fois que je vous voyais en concert.

- Ah ouais ? dit-il, étonné en levant les sourcils. Tu nous connais depuis longtemps, alors.

- Oui, après la sortie de votre premier album. Mais j'aime beaucoup les deux disques. Je dirais que je n'ai pas de préférence entre l'un ou l'autre. Je les écoute autant.

- Et tu aimes quels autres groupes ?

Je lui citai alors quelques noms d'artistes qui tournaient actuellement et qu'il connaissait, bien entendu.

- Et parmi les "dinosaures", tu as des préférences ?

- Scorpions, répondis-je sans hésiter et sans savoir que c'était son groupe de prédilection, que chacun des musiciens des Dark était influencé plutôt par un des grands groupes de hard-rock des années 70 et 80. J'aime beaucoup la voix du chanteur et je trouve qu'ils ont de très belles chansons, même s'ils se sont tournés vers un style plus "ballades". Ca reste de la très bonne musique, de très bons musiciens. J'aimerais les voir sur scène un jour, mais je n'ai pas encore eu l'occasion.

- Dis-toi que tu as vu le futur meilleur groupe de hard-rock du monde déjà trois fois.

Je le fixai et il éclata de rire. Je ris de même.

- La modestie ne t'étouffe pas, lui lançai-je, espiègle.

- Modestie ? Connais pas ce mot, répliqua-t-il avec un grand sourire amusé, puis il ajouta : tu veux encore quelque chose ? Je peux redemander du thé, si tu veux ?

- Volontiers. Il est très bon. Pour le reste, je suis repue. Je n'avais pas autant mangé depuis longtemps...

Il ne releva pas, et j'appréciai : je n'avais pas envie de reparler de Dylan avec lui. Ce que je lui en avais confié dans la nuit était suffisant. Et je voulais rester sur un bon élan, sur une belle impression. J'avais passé une nuit extraordinaire, je pouvais échanger avec le chanteur d'un de mes groupes favoris, et en plus, j'avais droit à un petit déjeuner plantureux. Alors, autant en profiter.

**

- Tu veux partir avec ?

Je venais de récupérer mon blouson que j'avais posé su r un des fauteuils en me rhabillant avant de déjeuner. Sur la table demeuraient encore les restes de notre repas. Je tournai la tête vers Snoog, me demandant bien de quoi il voulait parler. Au bout de son bras, il me tendait son t-shirt de la veille. J'écarquillai les yeux et dis :

- Non, pourquoi ? Qu'est-ce que j'en ferais ?

Il éclata de rire. Sa joie était communicative et je ris aussi.

- Bah, fit-il, c'est juste que d'habitude, les filles se battent pour le prendre. J'veux dire, que certaines n'osent pas le demander, et le fourrent dans leur sac espérant que je ne m'en rendrai pas compte. Du coup, j'propose. C'est plus simple.

Je ris encore. Même si je n'avais pas le comportement des groupies habituelles, je n'étais qu'une fille de plus, pour lui. Et lui, juste un gars qui m'aura fait oublier Dylan durant quelques heures. Bon, ok, pas n'importe quel gars. Juste le chanteur des Dark Angels. Mais en-dehors des groupies et du monde du métal, personne ne savait qui il était et tout le monde s'en balançait. Et lui devait bien s'en balancer du monde aussi. C'était de bonne guerre.

Je renfilai mon blouson, un sourire au coin des lèvres. Il attrapa un sweat noir à capuche, l'enfila par-dessus un t-shirt d'AC/DC, passa devant moi et ouvrit la porte. Nous sortîmes, il verrouilla soigneusement et nous gagnâmes l'ascenseur. Une fois à l'intérieur, il caressa doucement ma joue et m'embrassa une dernière fois. Comme un dernier cadeau. La belle bougie bien brillante de mon vingt-cinquième anniversaire.

Il m'accompagna jusqu'à l'entrée de l'hôtel. Je descendis les quelques marches alors qu'il restait sur le seuil, le visage un instant tourné vers le ciel comme pour en capter les nuées à venir. Ou l'éclaircie. Lorsque j'arrivai sur le trottoir, il me héla :

- Loren !

Je me retournai, un peu étonnée.

- N'oublie pas de tenir ta promesse, me fit-il dans un sourire.

Je lui souris en retour :

- Promis.

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