Je rentrai chez moi directement. L'esprit léger, le corps comblé. Et l'appétit sustenté. Je n'avais pas la tête à me remettre au travail et j'entamai ma journée dont la matinée était quand même bien avancée par un petit peu de décoration. Si j'avais refusé le t-shirt de Snoog (vraiment, qu'en aurais-je fait ?), j'avais gardé précieusement mon billet dédicacé. Il était un peu chiffonné, mais ce n'était pas bien gênant. C'était la preuve du vécu. Je trouvai aisément un petit cadre photo et l'y plaçai. Puis je l'accrochai au mur de ma salle, non loin de la chaîne hi-fi.

Lorsque j'étais partie de chez mes parents, que j'avais commencé à travailler, j'avais aussi cherché un logement. Il était situé dans un quartier résidentiel de Newcastle, à deux pas du centre ancien. L'immeuble n'était pas récent non plus, mais l'appartement était bien orienté, plein sud. Non loin se trouvaient un petit square et une école. J'entendais souvent les enfants jouer dès que j'ouvrais les fenêtres, à la belle saison.

Cet appartement me convenait très bien. Il comptait deux belles pièces : ma chambre et une salle de vie que j'avais transformée en bureau. J'y avais une grande table avec ordinateur, imprimante, téléphone. Des étagères pour mes dossiers et pas mal de documentation conservée de mes années d'études. Cela prenait tout un pan de mur. J'avais juste disposé dans un coin un petit meuble avec ma chaîne hi-fi, un sofa à deux places et une table basse. Il m'arrivait de m'y installer pour me détendre, mais très rarement pour manger, ou alors juste pour grignoter. Le coin repas était dans la cuisine aménagée, très pratique bien que petite. En revanche, je disposais d'une salle de bain d'assez belle taille dans laquelle j'avais pu y glisser ma machine à laver, car il n'y avait pas de place pour l'installer dans la cuisine. J'y vivais depuis plus d'un an et demi maintenant. J'avais même imaginé que Dylan et moi nous aurions pu y commencer notre vie commune, mais lui avait eu d'autres projets...

Je reportai mon regard vers le cadre et les dédicaces. J'avais fait une promesse à Snoog. A un homme que je ne reverrais jamais. Mais c'était une promesse et j'avais bien l'intention de la tenir. Alors je laissai un franc sourire s'afficher sur mes lèvres.

Puis je me mis au travail.

Pas bien longtemps, car cela faisait à peine une petite demi-heure que je m'étais replongée dans mon projet que mon téléphone sonna. C'était Stacy.

- Aloooooooooooooors ?????? La reine de la soirée ?????? Raconte !!!!!!

- Salut, Stacy. Ca va, toi ? Vous êtes bien rentrées ?

- Non, mais tu déconnes là ? Tu me demandes si les filles et moi nous sommes bien rentrées, alors qu'on s'en tape total ! Mais bon, je veux bien être gentille avec toi et te répondre : oui, nous sommes bien rentrées. Mais je peux te dire que les filles étaient totalement scotchées de te voir partir avec Snoog. Lisbeth a failli en tomber à la renverse, heureusement que les autres l'ont retenue.

Je souris et imaginai bien la scène : Lisbeth était parmi mes amies la plus émotive, mais aussi la plus expressive et même si Stacy mettait souvent de l'emphase dans ses propos, je pouvais me douter qu'elle n'était pas loin de la vérité.

- Allez, raconte ! C'est vraiment un dieu du sexe ?

- Stacy... Ecoute, dis-toi que tout ce que tu peux imaginer, c'est encore en-deça de la réalité.

- Oh putain, la vache !

Je voyais très bien sa surprise, ses yeux tout ronds et sa bouche grande ouverte.

- Hum, hum, fis-je simplement, un léger sourire au coin des lèvres.

- Tu vas le revoir ? Tu lui as laissé ton numéro de téléphone ?

- Non, mais t'es dingue, là ? Tu crois quoi ? C'est une femme dans chaque port, ce marin-là...

- Pff... Ouais, c'est vrai. Alors, ça non plus, c'est pas galvaudé comme réputation ?

- Je ne pense pas. Mais sinon, sympa.

- Ah ? Sympa comment ?

- Ben, simple aussi. Il m'a offert le petit déjeuner et on a discuté. Il m'a posé plein de questions sur ce que je faisais, si je vivais à Newcastle depuis longtemps, etc...

- Non ? Et tu lui as vraiment pas laissé ton numéro de téléphone ? Loren, t'avais p't-être un ticket, là ?

- Stacy, sois un peu sérieuse deux minutes, tu veux ? J'étais juste son coup du jour. Ou plutôt de la nuit. Et c'est très bien ainsi.

- Ouais, ouais... Bon, moi à ta place, je lui aurais quand même donné mon numéro de téléphone. On sait jamais. La prochaine fois qu'il repasse dans le coin... Tu me montreras ton billet dédicacé ?

- Tu le verras la prochaine fois que tu viendras chez moi. Je l'ai encadré pour qu'il ne s'abîme pas. C'est quand même la première fois que je me fais dédicacer mon billet de concert. Et par le groupe au grand complet en plus. Tu as eu toutes les signatures, toi ?

- Tu crois quoi ? Que j'ai laissé les pétasses me griller mon tour ? Quand t'es partie comme une fleur, j'en ai profité que tout le monde criait pour toper Stair, puis les deux autres. N'empêche que Stair, dommage qu'il soit maqué et que sa copine veille au grain comme une poule sur ses poussins, parce qu'il est sacrément beau mec aussi. Il m'a dit : "Ta copine, elle a tiré le gros lot". Et il s'est marré. Et Treddy a ajouté : "J'espère qu'elle va bien profiter de son cadeau d'anniversaire...". Sympas, les gars, tu vois ?

- Je vois...

Stacy allait poursuivre, mais je la coupai :

- Ma belle, c'est sympa de discuter, mais j'ai du taf'. Je sais que je ne vais pas être aussi productive que d'habitude, j'arrêterai certainement plus tôt, mais faut quand même que j'avance.

- T'as raison. J'vais pas t'embêter plus longtemps. J'te fais la bise et bon courage.

- Salut et... Merci encore pour le cadeau d'anniversaire.

Elle éclata de rire et raccrocha.