Atelier du 1-10 sur les émotions

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Pour une fois que j’avais pu profiter d’un peu de sommeil réparateur, les cognements incessants contre ma porte étaient plus que dérangeants. Je grognai en repoussant la couverture, glissai mes pieds dans mes chaussons. Sortie du lit, j’attrapais au vol mon élastique afin de rassembler mes cheveux. Je trainais la patte jusqu’à l’entrée et ouvrit, sans retenir un bâillement disgracieux. Une impression de déjà vu se déroula devant mes yeux. Un Lieutenant de police bien connu et son agent, tous deux en uniforme. Un dossier de couleur rouge sous le bras, je compris que ma journée allait être compliquée.


— Qu’est-ce qu’il y a ? cinglais-je.


Mon premier Lieutenant déglutit. Son regard se déplaça rapidement entre le jeune policier avant de revenir vers moi.


— Excusez-nous de vous déranger, Capitaine Lanclet mais…

— Cessez de tourner autour du pot, Lieutenant Stan. Ne me faites pas perdre mon temps.


Le Lieutenant Stan et l’agent Carfield échangèrent un coup d’œil. Le nouveau baissa la tête et se retira derrière son supérieur.


— Bon, entrez, soupirais-je. Je vois bien que vous ne comptez pas repartir de sitôt.


Non sans les dévisager, j’ouvre la porte en plus grand, les invitants à rejoindre mon entre de papier, de fils rouge et de photo de scène de crime. Ignorant mes deux subordonnés envahissants, je me dépêche d’aller me refaire une beauté dans ma salle de bain, tout aussi représentatif que mon salon.


— Je ne vous pensais pas si désordonnées, Capitaine, tenta le nouveau.

— Je me passerais de vos commentaires, jeune homme.


Je n’aimais pas être importunée durant mes jours de congés, mais je détestais encore plus ne pas être à mon avantage face à mes collègues masculins. Sans un mot, je récupérais le dossier rouge, libérais la table d’un geste rapide. Les photos, les rapports de police, les carnets, tout vola en une seconde. Ce dossier était classé depuis longtemps. J’ouvris alors le document couleur sang et reconnu aussitôt le Tueur à la fleur. Meurtrier en série que mon équipe avait pourtant arrêté l’année précédente. Mes collègues m’avaient-ils vraiment importuné pour une enquête close ?


— Vous m’expliquez ?

— Un corps a été trouvé. Nous pensons à un copycat. Et comme vous…

— C’est une blague ?

— Pas… pas du tout. Voyez par vous-même.


Le regard noir que je lâchais au Lieutenant le résigna à s’éloigner de la table. Mais surtout à écarter le nouveau policier. Tous les deux, nous avions couru après le Tueur à la fleur pendant près de deux ans. Deux ans de recherche, deux ans de fausses pistes et toujours plus de femmes assassinées. Le Lieutenant avait le témoin direct de mes sautes d’humeur, de l’influence de cette enquête sur mon moral. Il essayait donc de rester calme, pour me contrer. Les ignorants à nouveau, je concentrais mon attention sur les photos de la scène de crime, les procès-verbaux mais surtout, sur le rapport d’autopsie. Il n’y avait aucun doute possible. Tout correspondait aux méthodes du Tueur à la fleur. Mes collègues lui avaient naturellement attribué ce nouveau meurtre. Seuls ceux qui avaient déjà travaillé sur ce dossier pouvaient voir une légère différence. La fleur dans la bouche de la victime avait une unique feuille au lieu de deux. Le copycat avait commis une erreur que notre vrai tueur en série, bien trop maniaque n’avait jamais fait. Posé sur la table, je serrais mes poings. Mes longs ongles éraflèrent la peau de mes mains. Mes jointures blanchirent. Mon rythme cardiaque s’accéléra alors que j’essayais de le faire ralentir avec une respiration contrôlée.


— Capitaine ?

— Et merde !


J’attrapais le verre que j’avais laissé sur la table et mon bras parti. Dans mon dos, le fracas du verre contre le mur brisa à nouveau le silence. Une légère odeur d’alcool chaud se répandit dans le salon. Je fermais les yeux, respirant calmement pour reprendre le contrôle sur mes émotions. Cette pression dans ma cage thoracique devait disparaitre avant que je ne commette des erreurs.


— Lieutenant, avez-vous vérifié que Marc Landsford est toujours incarcéré ?

— Affirmatif. Il était présent lors de l’appel matinal.

— Cette boucherie a lieu dans la soirée, marmonnais-je.

— Il était aussi là lors de l’appel d’extinction des feux, compléta l’agent Carfield.


Mon cerveau tourna plus vite que ceux de mes collègues, malgré mon réveil en fanfare. Je me remémorais toutes mes connaissances de dossier initial, du comportement de notre meurtrier, de sa personnalité. Le copycat ne pouvais être qu’un fervent admirateur. Mais qui ? Qui pouvait être assez fou pour tomber dans ces travers, pour imiter un homme emprisonné ? Les éléments étant remis en ordre dans ma tête, nous allions pouvoir commencer à travailler correctement. Le jeune Bleu devait avoir les intestins assez solides s’il voulait nous suivre dans cette affaire morbide.

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