Je m'installe devant mon miroir pour me préparer. J'échange des potins avec les autres danseuses. Il y a Cindy la rousse sauvage, Vicky une Afro-américaine qui fait une Pin-up léopard, Armand qui est la version gay du Candy, mais qui a beaucoup de succès auprès des femmes et mon chouchou, Violette, notre drag-queen. Moi, la petite dernière, je joue plutôt la version secrétaire ou infirmière de la bande.

En continuant de discuter avec chacun, je me maquille, en forçant bien sur le rouge à lèvre et les yeux. Je remonte mes longs cheveux blonds en chignon et je passe mon costume. Ce soir, je vais commencer par celui de secrétaire, avec des petites lunettes rondes, un tailleur sexy et des talons vertigineux. Depuis le temps, je suis toujours étonnée. Je passe, en quelques minutes, de la petite Anita coincée qui, à bientôt trente ans, vit encore chez sa mère, à une bombe atomique, faisant baver et raquer les clients du Candy. J'ai même croisé quelques clients dans la vie de tous les jours qui ne m'ont même pas reconnue. J'ai beaucoup ri, quand mon banquier que je voyais plusieurs fois par mois au Candy, m'a demandé ma profession. Pour ne pas le mettre mal à l'aise, j'ai légèrement déformé la réalité, en lui disant que je faisais du théâtre.

- Anita, en piste ma belle.

J'ai le cœur qui s'emballe tout à coup. Pour me rassurer, je prends entre mes doigts le petit A majuscule qui est toujours à mon cou. C'est le cadeau de mon père pour mes douze ans. Sa présence m'apaise et me rassure. J'avance vers la scène, je suis juste derrière le rideau, quand la musique, enfin, démarre. Les premières notes de Sexuel Healing de Marvin Gaye résonnent. J'entrouvre le rideau de velours rouge et glisse une jambe habillée de bas blanc. On peut y voir déjà mon porte-jarretelle. Je laisse un peu monter l'impatiente et jette le rideau avant de m'élancer sur la piste. L'une après l'autre, j'avance mes jambes en rythme en roulant des hanches.

Je regarde les personnes présentent dans la salle et il est là, mon petit timide, au fond de la salle, comme à chaque fois. Je souris et continue mes mouvements cadencés. Je me cambre pour mettre mes fesses en arrière. Je sens cette sensualité monter en moi. Il me regarde et ses yeux sont comme une caresse. Je passe la main dans mes cheveux et détache l'épingle qui les tient. D'un mouvement de tête, je les laisse tomber sur mes épaules pendant que je continue de danser en rythme. Sur la scène, il y a un petit bureau, avec une chaise que j'attrape et place devant moi. J'écarte mes jambes et arrache ma jupe. J'ai en dessous des jarretelles, des bas et un string blanc. Je garde encore mon chemisier légèrement transparent et m'assois à califourchon. Il me regarde toujours et je plonge mes yeux dans les siens.

Il vient depuis des mois et s'installe au fond de la salle. Il n'ose jamais glisser un billet dans mon string, ni dans ceux des autres strip-teaseuses et pourtant, je l'ai souvent aperçu en tenir un à la main.

Je continue ma danse sur la chaise. Je passe ma jambe au-dessus du dossier et m'allonge en relevant mon genou. Mes cheveux s'étalent sur le sol et j'entends les encouragements des hommes qui me regarde. Je me redresse et me dirige vers les marches au bord de l'estrade, pour descendre dans le public. Je vois leurs mains qui tiennent des billets et qui m'interpellent pour que je m'approche deux. Je me dirige vers le premier rang et les uns après les autres des doigts glissent l'argent dans ma lingerie.

Il me fixe dans les yeux, il est si séduisant. Il fait partie de ses hommes absolument magnifiques, mais qui l'ignorent. Il n'a pas cette assurance dans le regard, caractéristique des gens qui ont conscience de leur attrait sur le sexe opposé. Et c'est pour ça qu'il me plaît. Son petit look intello, avec des lunettes rondes qui contrastent avec ses lèvres pulpeuses et sexy.

Je vois, serré dans sa paume, un petit bout de papier. Toujours en dansant, je continue mon cheminement au milieu des mains qui m'effleurent, mais je n'ai qu'un objectif et il est là devant moi, mon petit timide. La musique me pénètre et je me sens chatte, sensuelle et douce. Je m'attarde auprès d'un client plus généreux que les autres, à qui j'offre l'opportunité de défaire les boutons de mon chemisier. Mais régulièrement, je plonge mes prunelles bleues dans ces yeux noirs qui ont ma préférence.

Plus je m'approche de lui, plus mon corps est en feu, je sens ma sensualité battre au rythme de la musique. Osera-t-il ce soir glisser sa main sur moi. J'aimerais voir le contraste de ses doigts noir sur ma peau blanche.

Je suis maintenant à sa hauteur, tout au fond du bar. Tout le monde nous regarde et je frôle ma paume sur son visage. Il me regarde moi et j'aime ça. Je lui offre mon chemisier et viens m'asseoir sur ses genoux. Je me cambre et retire mon soutien-gorge. Il est tétanisé, je sens son corps trembler.

Il sent bon, son corps chaud me réchauffe. Je glisse mes mains dans les siennes et lui vole le billet doux qu'il y cachait.

Je le quitte à regret et me redirige vers la scène pour finir ma danse.

Les dernières notes de musique résonnent et la lumière s'éteint.