Chapitre 2

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Nous voilà donc arrivés au village de Pont-Rocaille. Pour vous le décrire en quelques mots, il s’agit de l’un de ces hameaux d’une banalité affligeante et sans intérêt aucun, dont l’existence n’est connue que de ses propres habitants et dont l’histoire n’a jamais été retranscrite par aucun scribe, pour la simple raison qu’il n’y aurait littéralement rien à raconter. Le monde est en grande partie recouvert de ce genre d’endroits. Quelques fermes plus ou moins délabrées disposées dans un ordre tout relatif, et dans tous les recoins une puissante odeur de fumier. Seul élément notable, un petit pont de pierre qui enjambe un ruisseau boueux et dont est tiré le nom du village : Pont-Rocaille. L’être humain est un monstre d’inventivité.

Tandis que nous progressons au pas, nous sommes dévisagés par des villageois visiblement surpris. Ce n’est pas tous les jours qu’ils reçoivent la visite de cavaliers aux atours luxueux (au moins pour l’un d’entre eux), c’est certain. Sur leurs faces torves de paysans mal dégrossis, se lit la méfiance instinctive des gueux envers le noble seigneur, lui qui tantôt les protège, tantôt les massacre, selon le sens dans lequel souffle le vent de la politique. Leurs vêtements sont des loques, la crasse recouvre tout autant leurs visages que leurs corps, et je commence à comprendre d’où vient ce fumet de déjections fermentées. A mes yeux, ils sont tout simplement répugnants. Ce qui n’empêche pas le valeureux Thomas de s’adresser à eux d’une fois forte.

  • Oyez, gens de peu ! Je suis Thomas, fils du Comte de Boisvert, votre seigneur. Je me suis lancé dans une quête de bravoure afin de démontrer au monde l’étendue de ma force et de mon courage, et prouver à tous que je suis digne d’appartenir à la glorieuse et prestigieuse lignée des Boisvert. Je suis donc ici à votre service, prêt à porter secours aux gens pauvres et misérables, tels que vous.

Les villageois semblent interloqués. Peut-être certains se demandent-ils qui je suis et pourquoi j’accompagne ce nobliau qui vient de les insulter en leur proposant ses services. Ils n’auront jamais la réponse.

L’un d’eux, un vieux bedonnant et dégarni, s’avance timidement.

  • J’ai tout un tas de fumier à épandre, et je serais point contre un petit coup de main !

Le jeune chevalier ne s’attendait pas à une telle réponse. Il reste silencieux quelques instants, interdit, avant de se reprendre.

  • Quelqu’un d’autre ?

Le vieux fainéant ayant ouvert la brèche sans dommage, ses acolytes se sentent désormais confiants, et les requêtes se mettent à fuser de toutes parts.

  • Baissez les impôts !
  • Le gel a bousillé la moitié de mes récoltes ! Qu’est-ce que vous pouvez faire contre ça ?
  • J’ai une fille bonne à marier dont j’aimerais me débarrasser, si ça vous intéresse !
  • Moi j’ai un fils qu’est un bon à rien, vous pouvez le prendre à votre service ?
  • J’ai froid le soir, toute seule sur ma paillasse. Viens donc me réchauffer, blondinet ! s’écrie la vieille fille du village, une matrone aux cheveux gris dont la mâchoire ne comporte que trois dents.

Thomas les arrête de la main.

  • Non, non ! Vous n’avez pas compris. Quand j’ai proposé de vous porter secours, je parlais d’une aventure. Comme de combattre un dragon, ou affronter quelque vilain sorcier qui vous terroriserait, par exemple.

Les villages se regardent alors, dubitatifs. Le vieux, celui avec le fumier à épandre, reprend la parole. Il doit être leur chef, ou quelque chose dans le genre.

  • Il y a un vieil ermite qui habite dans une cabane dans la forêt et qui prétend être un magicien. C’est pas très loin d’ici. Vous pouvez peut-être aller lui péter la gueule.

Le visage de mon compagnon s’illumine. La suggestion lui semble tout à fait satisfaisante. Quelques explications sur le chemin à suivre pour atteindre notre destination, et nous voilà partis à la chasse au sorcier, quittant enfin Pont-Rocaille. Quelle joie, je sens que je peux respirer à nouveau !

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