Plantage

3 minutes de lecture

« Red, as the burning sun over the sea.

Red, as the blood I spilt for you.

Red, as the glowing sky over the city.

Red, as my heart which beat for you. »

 

                                                                                    ***


C’était une journée normale. Je m’étais levé tôt et cela avait suffi à me mettre de bonne humeur. J’avais l’assurance de ne pas rater l’Heure Rousse en arrivant tôt au travail pour en partir tôt. J’avais embrassé ma fille avant de partir et surtout, surtout, je l’avais entendue dire « papa » pour la deuxième fois. Ma petite Lyra.

Puis j’ai marché dans la rue quelques instants et je suis passé dans cette ruelle. Et c’était comme un coup de poing en pleine poitrine. Plié en deux, je me suis souvenu. Mon sang. La fille. Son flingue. Ma fille. Eve ? Lyra ?

Tout m’est revenu et dans un geste désormais familier, je suis tombé à genoux et me suis pris la tête entre les mains. Geste qui ne changerait rien. J’étais mort. Je le savais. J’étais bel et bien mort. Elle avait visé le cœur et mes yeux s’étaient fermés pour de bon. J’étais mort ignoré de tous, ma vie se répandant à flots sur un trottoir crasseux, étendu dans la ville où je vivais depuis quinze ans. La vieille a même sûrement nettoyé mon sang par la suite comme s’il s’agissait d’une saleté quelconque.

Devrais-je me réjouir d’être vivant ? Comment en suis-je arrivé là ? Je n’ai même pas souvenir d’avoir été soigné et d’avoir repris le travail. Déjà des informations commencent à me manquer et des visages refusent de s’afficher.

Je ne peux plus vivre ce cauchemar.

J’ai encore attendu quelques jours pour essayer de comprendre, pour voir si des choses avaient changé. Mais la boucle a repris et les barrières se sont remises en place. J’ai tenté chaque rue, chaque passage, j’ai essayé chaque maison, magasin, parc, transports souterrains, j’ai essayé de descendre dans les égouts. Tout était vide.  J’ai pris un taxi, le bus et j’ai même volé une voiture. Impossible de sortir. Et chaque matin le même refrain, le même recommencement. Au lendemain de mon crime, j’ai croisé l’homme à qui j’avais volé la voiture, au volant de celle-ci, suivant son itinéraire habituel. J’ai traversé sur le passage clouté et me suis planté juste devant lui. Il ne m’a pas reconnu.

J’ai pointé un couteau sous le nez de la vieille. J’ai essayé de répondre autre chose à l’homme à la mâchoire carré. J’ai volé son feutre à l’homme qui lui répond habituellement. Je suis resté toute la journée dans la rue pour ne pas aller au travail. J’ai essayé de retrouver la fille aux cheveux rouges. Rien n’a changé et tous m’ont ignoré.

C’est parce que j’ai tout essayé que je me tiens maintenant dans la rue, un Smith & Wesson à la main, le canon collé sur ma tempe. Je l’ai volé à un type avec des bottes de cowboy que j’avais repéré depuis quelques temps. Cela ne l’a pas indisposé le moins du monde. J’ai plongé la main dans son sac à dos sans même essayer d’être discret et ait attrapé son arme. Il a continué son chemin comme si de rien n’était.

Il n’est pas dans mon tempérament de faire ce genre de chose. J’étais bien résolu à découvrir la vérité et à profiter de cette seconde chance inexpliquée. Mais j’ai tout, tout essayé. Ce cauchemar doit cesser.

J’ai vérifié que le barillet était entièrement rempli de balles, pour être sûr de ne pas me rater. Pas de cliquetis de fausse alerte. Ce genre d’arme fait de très gros trous. Je n’en réchapperai pas.

D’un air de défi, je souris à la ville qui m’a vu naître et que j’ai aimée. Me tourne vers la vieille en train de balayer inlassablement. Crache par terre dans sa direction.

Et appuie sur la détente.

Annotations

Vous aimez lire Likia ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0