La boîte.

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Une boîte est posée à l’autre extrémité de la table où je suis assise.

Je suis intriguée par cette boîte. Que peut-elle contenir ? Intriguée est un doux euphémisme, je suis obnubilée par cette boîte. Je l’observe sans bouger. Que peut-elle être ? Une boîte à couture ? Non ! Une boîte à bijoux ? Non ! Suis-je idiote ? À l’évidence, ce n’est ni une boîte à bonbons, ni une boîte à thé, ni une boîte à musique !

Je suis une autrice, mais je pourrais aussi bien être un auteur ou une proie fascinée par un serpent. Qui je suis m’indiffère. Le lieu où je me trouve ne m’intéresse pas plus que savoir comment je m’y suis rendue. Seule la boîte présente un intérêt à mes yeux.

J’ignore pourquoi j’éprouve le besoin d’énumérer ce qu’elle n’est pas : boîte à chapeau, boîte à chaussures, boîte à gants, boîte à outils, boîte à gâteaux, boîte à cigares, mais je le fais. J’envisage qu’elle pourrait être une boîte à secrets ou une boîte à malice, mais elle n’est rien de tout cela et je le sais pertinemment.

J'ai dû être hypnotisée, ce n’est pas possible d’être obsédée à ce point par une boîte, je n’arrive pas à penser à autre chose qu’à cet objet, non cette boîte, car c’est une boîte ! Une logorrhée bisyllabique s’empare de moi, boîte, boîte, boîte, boîte, boîte, boîte, boîte, boîte, boîte, boîte, boîte, boîte, boîte, boîte, boîte, boîte, boîte, boîte, boîte, boîte, boîte...

Combien de temps ces mots ont-ils rebondi sur les murs ? Sur rien en fait, cette logorrhée n’en était pas une, c’est dans ma tête qu’ils ont résonné. Maudite boîte ! Que peut-il y avoir à l’intérieur de cette boîte ? Que fait ici cette boîte ? Qui est cette boîte ? Ça y est ! j’ai basculé dans la quatrième dimension, “qui ?” Je viens de me demander qui est une boîte ! Non pas une boîte, mais la boîte !

Alors, qui est-elle ? Elle est mystérieuse, elle appartient au fantastique, elle m’impressionne, me subjugue. Ce n’est pas la boîte du film de Richard Kelly – adapté de la nouvelle Button, Button de Richard Matheson – il n’y a pas de bouton au-dessus. Ce n’est pas la boîte magique de la reine Tera dans le joyau des sept étoiles de Bram Stoker, elle ne ressemble pas à un coffre. Ce n’est pas la caisse oblongue d’Edgar Allan Poe, quoique je l'aie envisagé, ce n’est pas un cercueil, bien que ce soit une grosse boîte, elle est trop petite. Vue d’ici, elle semble mesurer une soixantaine de centimètres sur une quarantaine et n’être haute que d’une trentaine. C’est un parallélépipède rectangle banal, en métal, d’un gris ordinaire, sans poignées, et sans couvercle, ce n’est donc pas la boîte de Pandore.

Il en émane néanmoins une aura étrange, elle me captive, elle me terrorise, j’ai peur de découvrir son contenu, mais j’ai besoin de savoir. Je suis une autrice, ma curiosité est plus forte que mon effroi. Je vais me lever, je veux me lever, mais je suis tétanisée, je ne peux pas plus me lever que parler ! Que m’a-t-on fait ? M’a-t-on injecté un de ces paralysants qui vous gardent conscients ? M’a-t-on ensorcelée ? M’a-t-on pétrifiée, médusée ?

Au prix d’un effort surhumain – chez nous les auteurs, avec ou sans “e”, l’effort du héros est toujours surhumain, nous laissons le harassant aux personnages secondaires. Pourquoi cette pensée maintenant ? Autosuggestion, parce que j’espère bien être une héroïne et réussir à me lever.

Ouiiii, je me lève, je suis debout. Noooon, ce n’est pas possible, non, non, je m’approche pour être certaine, mon Dieu, c’est impossible, je suis folle, je vois, non, c’est inconcevable. Épouvantée, avant de défaillir je vois…

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