Chapitre 6 :

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Iris restait encore la tête contre l'oreiller et ne savait même plus si c'était ses larmes ou ses cheveux dégoulinants d'eau qui le mouillaient. Elle pleurait à s'en faire tousser, et le pire, c'est qu'elle comprenait tout désormais. En plus d'être triste, elle avait la haine. Elle n'arrivait même pas à cibler sa colère, et c'était la raison principale pour laquelle elle ne sortait pas de sa chambre. Elle tapa contre son matelas sans que cela ne l'apaise pour autant. Elle se redressa et sécha ses larmes mais ne ressentit aucun soulagement après avoir pleuré. Pire, elle avait encore envie de pleurer à chaudes larmes. Elle poussa un cri guttural et s'avança près du mur où elle cogna. Elle cogna encore et encore et fit abstraction de la douleur qui se répandait partout dans sa main, des bleus qui se formaient sur ses phalanges ainsi que de la structure dangereusement dure sur laquelle elle tapait. Se rendait-elle compte du nombre de fois qu'elle tapait ? Sûrement que non, sauf que cette fois, ce n'était pas un punching-ball sur lequel elle déversait sa colère et elle n'avait pas de gants pour se protéger. Elle continuait malgré tout, comme entrée dans une sorte de transe. Puis, à un moment, la douleur fut trop forte. La jeune surdouée laissa pousser un cri de douleur et prit sa main blessée avec son autre main.

Elle s'appuya contre le mur et examina un peu sa main. Elle ne fit pas attention à la personne qui rentrait dans sa chambre même si quelques larmes tombèrent rapidement sur ses joues. Samuel la rejoignit en quelques enjambés et prit sa main blessée avec précaution. Son regard passa de sa main au mur et du mur au visage de la jeune fille, comprenant très bien ce qu'il s'était passé avant qu'il débarque. Il toucha légèrement sa main mais remarqua qu'un simple petit geste lui procurait de la douleur. Il se pinça la lèvre et chercha un anti-douleur dans la table de chevet de la jeune fille.

— Je n'en ai pas, révéla-t-elle en s'asseyant sur son lit.

— Je t'en passerai. Tu vas avoir le droit à un mois de plâtre, répliqua Samuel en s'installant à ses côtés. Pourquoi t'es-tu fait cela ?

— Laisse-moi Sam, murmura la jeune fille. J'ai tellement de haines en moi que je ne dois pas faire ressortir sur les autres. Sors de ma chambre. S'il-te-plaît...

— Non, fit-il en se levant ce qui força Iris à lever la tête. Non. Je t'interdis de me fuir comme cela. Pas moi. Tu peux me hurler dessus, me déverser ta colère dessus, pleurer sur mon épaule ou me reprocher d'avoir été idiot. Mais je refuse que tu m'ignores ou que tu me fuis.

Iris resta de marbre face à sa répartie. Elle comprenait totalement ce que pouvait ressentir Samuel mais de son point de vue, ce n'était pas un rejet qu'elle lui infligeait mais sa colère qu'elle voulait lui faire épargner. Elle ne voulait pas le blesser injustement par des mots ou des coups. Et lui, il l'aimait tellement qu'il s'en fichait qu'elle le massacre. Elle se trouvait vraiment chanceuse. Le jeune homme s'agenouilla près d'elle et essuya de son pouce une larme sur la joue de la jeune fille.

— Parle-moi, intima-t-il à voix basse.

— Pourquoi ne m'as-tu rien dis ? Et pourquoi n'as-tu pas essayé de les empêcher plutôt que d'adhérer à ce qu'ils comptaient faire ?

— C'est que j'allais te le dire avant l'annonce, quand tu es venue me parler alors que je sortais tout juste de la douche. Mais Marianne est arrivée, et je n'ai plus eu le temps, ni trouvé le courage pour te le dire. Mais quand j'étais sur le point de te le dire, j'étais vraiment prêt. J'en avais marre de te le cacher... mais je ne voulais pas te perdre, Iris.

— Mais... pourquoi avoir accepté de faire partie de tout cela ? Tu n'avais pas besoin de cela Sam, lamenta Iris.

— Je n'ai rien organisé, rétorqua Samuel froissé. Comment peux-tu croire que j'ai voulu la tuer de mon plein gré ? J'étais juste au courant. Et même si je ne l'étais pas, cela se serait tout de même passé. C'était décidé bien avant que je sois mis au courant.

— Alors pourquoi étais-tu au courant ?

— Cela faisait partie de mon marché avec Amanda. C'était pour cela que je le savais. Je n'avais que deux choix. Soit je rentrais chez moi et je ne te voyais plus. Toi, et les autres. Soit je remplissais une mission pour elle et je restais. Elle m'a confiée cette information et cela m'a influencé.

— Attends... Amanda était au courant ? Mais, Sam... comment cela aurait pu influencer ton choix.

— C'était une vieille dame, et elle était malade. Mais ce que je veux dire, c'est que je n'aurais pas pu rester si je la voyais tout le temps.

— Pourquoi ?

— À cause de la même chose que toi il y a quelques instants. Je ne prenais pas encore assez de recul par rapport à Peter. J'étais tellement en colère contre elle. Pour moi, tout était de sa faute car Peter n'aurait jamais dû sortir d'Opartisk. Est-ce que tu sais combien de fois je lui ai reparlé après notre départ pour la Dheas ? Zéro. Et si je l'aurais vu, je sais que ma colère aurait explosé. Beaucoup trop violemment en plus. Je n'aurais pas pu prendre le risque.

Un silence apparut dans lequel, ni Iris, ni Samuel ne parlaient. Le jeune homme regarda sa petite-amie, anxieux et soucieux. Il se focalisa sur sa main et la posa sur sa cuisse pour mieux la regarder. La jeune fille ne s'était vraiment pas ratée, il le craignait bien malheureusement. Alors qu'il allait embrasser sa main blessée, il ne fut pas préparé à ce qu'elle le prit dans ses bras et le serra fort qu'il en devint rassuré. Il s'en serait voulu si la surdouée ne lui aurait pas pardonné ses cachotteries.

— Je te comprends, souffla-t-elle. Et je suis désolée d'avoir été dur et insistante avec toi. Je n'aurais pas dû. Je ne sais même pas ce que j'aurais fait à ta place. Je suis tellement dure avec toi en ce moment, je devrais plus de soutenir. Et je ne le fais même pas. Je suis une pitoyable petite-amie.

— Bien sûr que non. Nous avons tous les deux des choses à régler de notre côté. Ce sont des choses qui arrivent. Tu es perturbée, je suis perturbé, c'est comme cela. Mais tu sais quoi ? Maintenant on va parler, et on avancera à deux, et cela sera plus simple.

— Je t'aime, souffla la jeune fille avant que Samuel l'embrasse. Mais sans vouloir casser l'ambiance, j'ai des comptes à régler avec Amanda.

En effet, si Amanda et lui avait passé un marché, c'est qu'elle en savait beaucoup sur le meurtre de Mme. Keys. Beaucoup plus que Samuel. Iris voulait absolument tirer cela au clair. Elle ne voulait pas devenir plus folle qu'elle l'était déjà.

— Elle sera disponible dans une heure, la prévient Samuel alors qu'elle posait sa tête sur son épaule. Veux-tu toujours rendre un service a l'association ?

— Oui, cela ne change pas mes envies. C'est Mme. Keys qui a créé cette association. Jamais je ne laisserai tomber cela même si c'est Amanda qui le reprend. Pourquoi ?

— Eh bien, tu vois, quand j'étais en mission pour Amanda dans la capitale, c'était juste pour faire des échanges de lettres avec ses parents à qui elle ne pouvait plus prendre de contact. La dernière fois que j'y suis allée, son frère avait laissé une lettre à sa destination.

— Son frère... mais il n'est pas dans l'armée ?

— Si justement.

— Je ne vois pas ce que je peux faire.

— Dans sa lettre, continua Samuel en plongeant sa main dans les cheveux de la jeune fille pour tenter de lui faire oublier la douleur de sa main. Il disait qu'il avait créé un organisme dans l'armée qui se rebellait un peu contre les conseillers. Le chef, donc le frère d'Amanda voulait rencontrer sa sœur pour allier les deux parties.

— Comment savoir si cette lettre a véritablement été écrite par son frère ? s'interrogea Iris en serrant les dents.

— Amanda est pratiquement certaine qu’il s’agit de l'écriture de son frère. Malheureusement elle n'est pas sûre à cent pour cent.

— Sam, je ne vois toujours pas ce que je peux faire pour vous aider, marmonna Iris en gardant sa tête posée contre l'épaule du jeune homme.

— Tu es toujours en contact avec Kilian. On espérait donc que tu puisses l'appeler pour qu'il fasse confirmer au frère d'Amanda sans le faire punir.

— Je peux essayer de faire cela, confirma Iris. Mais je ne promets rien. Je ne voudrais pas que cela impacte sur Kilian par rapport aux autres conseillers.

— Oui, bien sûr, je comprends totalement. Moi non plus je n'aimerais pas que cela lui porte préjudice pour plus tard ou dans l'immédiat... avant allons voir un médecin pour ta main, je vais essayer de te retrouver un anti-douleur.

Iris hocha la tête. Alors qu'ils se levèrent pour partir, le téléphone de la jeune fille vibra. Samuel se contorsionna pour attraper le téléphone et le tendit à Iris qui devait utiliser sa main faible pour répondre. C'était Kilian. La jeune fille se demandait pourquoi il l'appelait, mais cela tombait pile poil. Samuel décrocha à sa place et lui donna le portable. La jeune fille le colla à son oreille sans mettre le haut-parleur. Il ne put cacher son inquiétude. Ce n'était jamais lui qui l'appelait, mais elle. Quelque chose s'était forcément passé pour qu'il l'appelle, et elle le ressentait même avant qu'il ne parle.

— Ça va ? débuta la jeune fille en serrant un peu plus le téléphone.

— Iris, je... demain, on sera dans notre ville, et je sais que tu y es aussi en ce moment. Écoute, les autres conseillers ne te feront rien, j'ai réussi à les convaincre que tu avais le droit de venir. De toute manière, s'ils tentent quoi que ce soit, c'est une embrouille avec moi qu'ils risquent. Alors soit là, au cimetière, à quinze heures.

— Attends... de quoi parles-tu ? demanda Iris, incertaine.

— Cass... Cassandra est morte, révéla Kilian alors que sa voix défaillait.

Elle savait qu'il essayait de ne pas pleurer à l'autre bout du fil et devinait directement que ses pleurs étaient étouffés dans les bras de Fred. Elle ne voulait pas le croire, elle était face à la réalité. Elle ne pouvait pas le croire. Mais elle savait aussi que ce n'était pas une blague. Jamais Kilian n'oserait faire cela, encore moins sur la vie de Cassandra qui comptait encore plus pour lui que pour elle. La mâchoire de la jeune fille se décrocha pendant qu'elle essayait de marmonner une phrase. Cela lui paraissait infaisable, aucun son ne sortait de sa bouche.

— Viens... il faut que tu viennes. Elle aurait aimé te voir une dernière fois. Alors viens.

— Je serais là, murmura la jeune fille.

La communication fut coupée, et Iris ne peut contenir ses émotions. Tout cela la bouleversait. Elle se mit à pleurer devant Samuel qui n'avait pas pu entendre la conversation et qui ne comprenait donc pas ce qu'il se passait. Néanmoins, il la prit dans ses bras et tenta de lui souffler des mots réconfortants sans savoir. La douleur de sa main se mêlait à la douleur de la perte et la jeune fille ne faisait même plus distinction entre les deux. Il finit par prendre le visage de la surdouée entre ses deux mains pour la regarder.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? fit-il d'une voix inquiète.

— Cass... Cassandra... elle est morte, sanglota Iris en enfouissant sa tête dans la nuque du jeune homme. Elle est morte, et je n'ai même pas pu la voir une dernière fois.

Samuel la laissa pleurer dans ses bras en traçant des cercles dans son dos sans un mot. Il connaissait que trop bien la frustration de ne pas avoir été plus présent pour quelqu'un qui était décédé.

— Je crois que j'ai quelque chose qui pourrait t'apaiser pour le moment. Et je ne parle pas de la douleur de ta main, mais celle de ton cœur, annonça-t-il.

Iris s'écarta un peu pour lancer un regard interrogateur à Samuel alors qu'elle séchait ses larmes avec sa main valide.

— Quand j'ai vu ta main, je pensais que je te la donnerais après. Mais maintenant, je pense que s'est le bon moment, avoua Samuel en sortant une enveloppe de sa poche. Je ne l’ai pas ouverte, mais je suppose que c'est une lettre de Mme. Keys. Je l'ai retrouvée dans les affaires que tu avais laissés, et je savais que tu l'aurais voulu un moment et que tu aurais eu la haine de la perdre. Alors je l'ai.

— Merci ! souffla la jeune fille en se jetant dans ses bras.

Ce n'était peu dire qu'ils avaient eu leur dose de câlins de la journée. Samuel rigola en lui assurant que tout allait bien et que cela se passerait bien. Les dernières larmes d'Iris coulèrent sur ses joues avant qu'elle se détache de son petit-ami.

— Lis-la-moi, implora-t-elle en le fixant dans les yeux.

— C'est de Mme. Keys. Ne veux-tu pas garder tout cela que pour toi ?

— Je ne veux plus que l'on se cache quelque chose ! Et je te parle de tout et n'importe quoi. J'aimerais vraiment que tu me lises la lettre que Mme. Keys.

Iris se rassit sur son lit, les mains sur ses cuisses en grimaçant à cause de la douleur de sa main blessée et leva la tête vers Samuel. Le jeune homme s'assura qu'elle ne voulait vraiment pas d'anti-douleur et sortit la lettre et la déplia sous ses yeux en laissant l'enveloppe tomber à terre.

— Es-tu sûre ? insista Samuel.

— Oui, je veux vraiment que tu me la lises. S'il-te-plaît.

Cher Iris, j'espère que tu liras cette lettre qui t'es adressée et que tu ne m'en voudras pas trop. J'aimerais que tu convins Kilian de lire la sienne. Je crois bien qu'il rechignera à garder celle qui lui est destinée. Malheureusement c'est la plus importante. Ce que je veux dire, c'est que j'ai la conviction que cela pourra me pardonner des actes passés et que cela l'apaisera au plus profond de lui-même. Je compte sur toi pour le lui expliquer.

>> Ma grande. À cette heure-là, je ne suis sans doute plus de ce monde, et je sais que tu es triste. Dis-toi que cela me touche avant même que je ne puisse plus penser, mais sèche tes larmes, et bats-toi. Je sais que tu en es capable, et ne laisses pas le poids de la tristesse, de la haine et de la rancœur t'habiter jusqu'à influencer tes choix. Ce n'est pas cela qui te fera avancer, et je pense que tu en prendras conscience si tu ne l'es pas déjà. Pense à ceux en quoi tu crois, à ce que tu veux faire, ceux que tu veux sauver, les batailles que tu veux gagner, les personnes que tu veux garder. N'oublie pas tout cela, et surtout, encore mieux, réalise-les.

>> Au moment où je t'écris cette lettre, je sais que je vais me faire tuer. Depuis déjà quelques semaines je m'y prépare. J'ignore toujours qui en est le commanditaire exact, et qui sont les personnes impliquées, mais ne t'énerves pas contre eux. Cela ne mènera à rien à part te causer des ennuis. Fais attention à toi car je ne serais plus là pour te protéger dans l'association même s'il reste Amanda en qui tu peux avoir confiance. Néanmoins, tu peux toujours chercher qui m'a tuée (je ne sais toujours pas de quelle manière d'ailleurs) et pour quelle raison exacte ils ont décidé cela puisque je suis toujours restée secrète sur ma vie. Néanmoins, je ne veux pas que cette personne soit punie. Ayant découvert que j'étais condamnée par une tumeur au cerveau et que je contractais la maladie, j'allais demander à Amanda de m'achever avant d'être perdue pour de bons.

>> J'aurais voulu avoir le temps de te le dire tout cela en face. Sauf que je ne sais pas si j'en aurais le temps. C'est d'ailleurs pour cela que je t'écris. Je ne sais pas quand je mourrais, mais je ne veux pas avoir de regrets, alors je confis ses informations dans cette lettre pour que ses dernières soient lues et connues d'au moins une personne. Relève-toi, et garde en tête tes objectifs. Je sais que la guerre est celle que tu veux plus que tout, mais tu dois faire confiance à Kilian, et laisser cette partie entre ses mains. Occupe-toi de la maladie.

>> Tu peux avancer Iris, tu es forte, et tu as Samuel et Kilian. Je ne serais peut-être pas là pour le constater, mais j'espère qu'un jour, le monde deviendra calme, et qu'au moins, les conflits internationaux n'impacteront pas sur les conditions de vies, et la vie de l'humanité. Iris, reprends l'association avec Amanda. Donne des idées, prévoit tes plans, implique-toi et explique pourquoi tes objectifs doivent être pris la peine d'être réalisés. Crée-toi une place, et n'oublie pas d'où tu viens et qui tu aimes. Tu deviendras une femme merveilleuse, douée et déterminée, j'en suis certaine. Ne te décourage pas et ne doute pas de toi. Je ne verrais pas cela, mais je te souhaite de réussir lorsque cette guerre se terminera, et je te souhaite de construire une vie et de t'épanouir comme n'importe quel être le mérite.

Avec mes sincères excuses et au revoir

Andréa Keys.

Samuel venait tout juste de terminer sa lecture, et il se laissa tomber à côté d'Iris. Elle aussi était sous le choque de ce qu'elle venait d'apprendre. Aucun des deux ne s'attendait à de telles révélations. Ils pensaient que cela devait juste être une lettre qui narrait la vie et les ressentis de la défunte. Sauf que ce n'était pas le cas, c'était beaucoup plus que cela. C'étaient des conseils, des derniers vœux, et des révélations qui expliquaient beaucoup de choses et qui soulageraient certaines personnes.

— Ça va aller ? demanda Samuel à Iris.

— Ça fait mal de savoir qu'elle ne veut pas avoir de justices, répondit la jeune fille.

— Ouais, je sais... viens, il faut aller soigner ta main.

— Sam, es-tu certain que l'on puisse faire confiance à Amanda ?

— Iris, commença Samuel en la prenant par les épaules. Ce n'est pas parce qu'Amanda faisait partie de ces machineries qu'elle n'est plus digne de confiance. Elle veut toujours notre bien Iris. Le tien aussi. Ne doute pas d'elle.

Iris fixait le plâtre sur sa main droite. Elle était partie pour apprendre à écrire de la main gauche. Finalement, cela avait été une très mauvaise idée de taper contre le mur. Elle attendait devant la porte du bureau d'Amanda. Cela faisait déjà un quart d'heure qu'elle patientait et elle toquait toutes les cinq minutes. Alors qu'elle regardait les minutes s'écouler beaucoup trop vite à son goût. La jeune fille redoutait un peu la confrontation à cause de sa propre réaction. Elle se questionnait. Serait-elle calme et posée ? Ou alors en colère et explosive ? Elle soupira et resta appuyée contre la porte.

— Qu'est-ce que tu t'es fait à la main ? questionna timidement une voix aiguë à ses côtés.

Iris se tourna et baissa la tête pour sourire à Kendra. La petite fille avait un peu grandi depuis les quelques semaines qui avaient suivi l'explosions des bâtiments. La petite fille aidait ses amis du désert à s'immiscer dans la population d'Opartisk à la suite de la perte de toute leur tribu. Ils allaient devoir se reconstruire une vie, s'ils en étaient capables. Mais Iris savait que Kendra était déterminée à les aider.

— J'ai cogné un peu trop fort, lui confia Iris.

— Je ne savais pas que l'on pouvait se faire cela à la boxe...

— Moi non plus pour tout te dire.

Kendra hocha la tête et s'installa sur la chaise de libre qu'Iris ne voulait pas occuper. Peut-être avait-elle un rendez-vous avec Amanda, ou peut-être qu'elle attendait ses amis qui parlaient avec Amanda. Ce qui expliquerait le pourquoi du fait que la scientifique n'ouvrait toujours pas la porte depuis un quart d'heure. Iris remarqua que la petite surdouée paraissait assez préoccupée voire perturbée. Malgré son plâtre, elle prit une des mains de la petite fille entre les siennes.

— Kendra... Est-ce que tout va bien ? s'intéressa l'adolescente.

— Oui, souffla la petite blonde. C'est juste que... j'ai encore l'image de la scène dans ma tête, et les morceaux qui s'éclatent et le sang partout. Je n'étais pas proche d'elle Iris, mais cela me hante quand même, c'est atroce. Jamais les images n'auraient dû être rediffusées où disponibles sur les portables ou ordinateurs.

— Écoute, fit Iris d'une voix apaisée. Le truc, c'est que je ne peux pas vraiment t'aider car il n'y a pas de remèdes miracles. Mais je sais, qu'avec le temps, tu arriveras à ne plus y penser. C'est comme cela que cela se passe Kendra. Il faut que tu évites les médias et les réseaux sociaux pour que les images soient moins présentes. Puis tu verras, au fil du temps, tu commenceras à y penser de moins en moins. Essaye de penser à autres choses aussi. Des choses joyeuses ! Même si ce n'est pas forcément la bonne période pour.

— Je sais...

Iris se leva et la serra contre elle. Elle croisa le regard compatissant de Samuel qui venait d'arriver dans le couloir. Il voulait sûrement lui parler avant sa discussion avec Amanda. Cependant, il se focalisa sur la petite fille. Les deux adolescents essayaient de la rassurer comme ils le pouvaient. Iris pensa que si Marianne aurait été là, elle aurait sorti une réflexion du style "regardez donc comment ils remplissent déjà leur tache de parents avant l'heure !". Iris fronça les sourcils. Depuis quand est-ce qu'elle pensait devenir maman ? Ce n'était absolument pas dans ses projets. Samuel proposa à la petite fille de faire un tour pour lui changer les idées.

— Je ne peux pas, déclina Kendra. Alma et les autres m'attendent.

— Eh bien, je leur dirais que vous rentrerez au grand salon, l'encouragea Iris. Ils comprendront Kendra.

— Bon d'accord, j'arrive !

— Et toi, commença Samuel à l'adresse d'Iris. Essaye de ne pas déverser tes nerfs sur Amanda. Je comprends ce que tu ressens, mais pour le moment, elle n'a pas besoin de cela. Elle est aussi désorientée que toi mais elle est obligée de faire face aux responsabilités de l'association.

— J'essayerai Sam. Mais je ne sais pas comment je vais réagir. Tu sais, Amanda s'est un peu s'est comme... comme la grand-sœur que je n'ai jamais eu. Franchement je n'arrive pas à mettre un mot sur ce que je ressens vis-à-vis d'elle. Je ne sais même pas si j'arriverais à lui parler de tout ce que je sais sur Mme. Keys.

— Iris, déclara Samuel en encadrant son visage de ses mains. Je ne dis pas cela pour te dissuader de parler à Amanda. Au contraire, c'est important que vous ayez une discussion toutes les deux. Je te préviens juste, qu'elle aussi a ses propres problèmes, et ses réflexions qui la tracassent tout autant. C'est un être humain quand même.

— Je m'en souviens, rappela Iris.

Le jeune homme lui déposa un baiser sur les lèvres avant d'accompagner Kendra pour une balade, histoire de la requinquer et de lui faire penser à des idées moins noires qu'un cadavre à la tête explosée. Iris les regarda partir jusqu'à ce qu'ils tournent dans un autre couloir. Elle resta appuyée contre le mur, dos à la porte. Cinq minutes passèrent encore et alors qu'elle se levait de la chaise pour s'en aller cette fois, la porte s'ouvrit sur Angelo. L'homme qui avait sauvé Kendra d'une mort certaine dans le désert ou d'un emprisonnement dans des conditions horribles, inadaptées et profondément injustes. Iris lui expliqua un peu ce qu'il venait de se passer en attendant que ses compatriotes sortent du bureau. Angelo comprenait totalement et n'en voulait pas des moindres à Samuel et Kendra de s'être éclipsés. Ces anciens habitants du désert étaient des personnes très compréhensives. Le changement ne leur semblait pas compliqué alors que cela devait vraiment être le cas pour eux. Tout ce qu'ils avaient connu : les personnes et les endroits s'étaient effondrés. Ils étaient admirables selon beaucoup de personnes. Iris se demandait si quelques fois elle en faisait partie, elle n'en avait pas l'impression. Le groupe sortit donc du bureau pour rejoindre le grand salon, et elle, attendit immobile devant la porte ouverte du bureau d'Amanda.

Cette dernière semblait totalement débordée comme l’avait prédit Samuel. Elle l'observait aussi à cause de ses cernes sous les yeux et de son regard fatigué. Finalement, Amanda lui faisait tout de même de la pitié. Cette dernière la fit entrer même si la jeune fille ne l'avait pas prévenue de sa visite. Iris espérait que la scientifique s'attendait au sujet qu'elle allait aborder, elle ne voulait pas non plus aggraver son état. La jeune fille resta debout, immobile. Amanda aussi, appuyant ses mains sur le rebord de sa table. L'adulte baissa les yeux sur ses dossiers en cours avant d'interrompre le silence.

— Je sais pourquoi tu es là, déclara Amanda en relevant les yeux. Samuel m'a dit qu'il allait te parler. C'était ce qu'il devait faire de toute manière.

— Pourquoi avoir décidé cela ? questionna Iris en s'approchant du bureau. Ne me dis quand même pas que c'est toi qui l’as tuée ?

Amanda sentit comme une boule dans sa gorge et elle détourna le regard, incapable de faire face à sa petite sœur de cœur. Habituellement, elle se fichait totalement de décevoir des gens, même des individus auxquels elle tenait. Sauf que beaucoup de choses avaient changé depuis. C'était la guerre en ce moment, et certaines personnes prenaient conscience de l'importance des autres dans ces moments-là. Amanda en faisait partie. Et à force de réfléchir, son silence donna sa réponse à Iris avant même qu'elle n'ouvre la bouche.

— Attends... C'est toi qui l’as tuée ? s'exclama Iris choquée. Mais comment as-tu pu décider cela ? Elle te faisait confiance ! Elle te pensait digne de confiance et moi aussi.

— Je sais... Et je sais aussi que j'ai perdu la tienne au passage, mais cela ne s'est pas décidé par bonté de cœur. Je n'étais pas ravie de la tuer, et je n'oublierais jamais ce moment de ma vie. Cela me hantera toujours.

— Encore heureux que tu t'en veuilles et que tu n'étais pas remplie de joie à l'idée de la tuer. Cela s'appelle un psychopathe dans ce cas, s'offusqua Iris en pensant aux parents de Kilian. Mais je t'en prie, raconte-moi tous les détails, et dis-moi combien de personnes ont organisé cet assassinat.

— Iris, soupira Amanda en restant levée contrairement à la surdouée. La personne qui a dû la tuer a été choisie par un tirage au sort. Selon des personnes plus importantes dans l'association, je faisais partie des personnes qui auraient le moins de mal à s'en remettre. La suite, c'est le hasard qui s'en est chargé, et j'aurais bien voulu que la vie ne me désigne pas. Sauf que si, et c'est comme cela. J'aurais aimé que cela se passe autrement.

Amanda s'accorda quelques minutes avant de poursuivre son récit. Iris remarquait son regard assombrit par la tristesse et la culpabilité dès qu'elle parlait. Iris tentait de ne pas y prêter attention, mais elle tenait beaucoup trop à Amanda pour que cela ne la chiffonne pas. Malgré une colère mesurée envers elle, la jeune fille lui laissa le temps qu'il lui fallait.

— Samuel t'a sûrement dit que l'on avait découvert qu'elle était malade. Elle contractait la maladie et on remarquait que cela impactait déjà sur ses choix qui n'étaient pas en la faveur de l'association sans même qu'elle s'en rende compte. On savait qu'elle ne lâcherait rien et que personne ne pouvait la persuader de se retirer de sa place dans l'association, pas même toi. La décision était radicale, certes, mais c'était la seule que l'on avait.

— La seule ? Parce que la mort de quelqu'un est la seule solution ? cracha Iris. Vous auriez pu l'interné dans un hôpital, ou je ne sais quel endroit.

— Andréa avait beaucoup de contact, et aussi suffisamment de sous pour être libre de faire ce qu'elle veut. Personne ne pouvait l'arrêter Iris, personne, à part la mort.

— C'est injuste.

— Je suis d'accord.

— Au final, elle a eu ce qu'elle voulait. C'est peut-être mieux comme cela, murmura Iris.

Iris expliqua donc à Amanda que Mme. Keys lui avait écrit qu'elle souhaitait que la scientifique la tue, ce savant condamnée. Elle rajouta aussi qu'elle avait une trace écrite au cas où Amanda se ferait arrêter alors que la défunte ne voulait pas que l'assassin soit puni. La concernée resta aussi surprise qu'elle. Iris se leva, prête à partir, et Amanda fit de même. L'adulte la prit dans ses bras et l'adolescente ne rechigna pas. L'étreinte était différente des précédentes, mais Iris savait qu'avec le temps, elle pardonnerait à la nouvelle cheffe de l'association. Elle avait le sentiment qu'elle en était capable. Amanda lui annonça la date de l'enterrement de Mme. Keys auquel elle serait sûrement une des seules à venir. La date collait bien puisque cela se déroulait en même temps que celle de Cassandra. Iris la prévint donc que tout autre membre de l'association mise à par elle ne devait pas venir. Après cette révélation, Amanda hésitait à accepter à ce qu'Iris aille à l'enterrement de son amie, mais cette dernière lui assura que Kilian ne la laisserait pas entre les mains des autres conseillers et qu'au cas contraire, il serait toujours là pour elle et pour l'aider. Cela ne changeait pas qu'Amanda ne lui faisait pas confiance. Alors qu'Iris se tournait pour sortir, Amanda l'interpella :

— Une mission, hors de l'Opartisk. Cela te plairait-il ?

Iris se retourna immédiatement. Elle ne souriait pas car les circonstances l'en empêchaient mais une pointe de satisfaction se faisait ressentir dans son cœur. Peut-être qu'elle avait enfin l'occasion d'être utile. Puis, comme l'avait écrit Mme. Keys, elle laisserait soin à Kilian de stopper cette guerre. Il était mieux placé qu'elle pour le réaliser. Néanmoins, il y avait plein de choses à faire dans le monde.

— De quoi s'agit-il exactement ? se renseigna Iris en se rapprochant du bureau.

— D'une mission en Dheas. Cela concerne la maladie et la politique, ajouta la jeune femme. Je sais que la Dheas ne te rappelle pas de très bons souvenirs, mais j'espérais que tu puisses passer outre cela. Je pense que tu fais partie des personnes les plus qualifiées pour remplir cette mission.

— Et Samuel ? Je veux dire, est-ce qu'il viendra avec moi si j'accepte ?

— Pas pour le moment Iris. Pour le moment j'ai besoin de lui avec l'affaire de l'organisation de mon frère. Il voulait aller à leur rencontre une fois que leur existence ait été confirmée. Mais après, s'il veut te rejoindre, je lui laisserai le choix. Tout dépend de lui, s'il est capable d'y retourner après le drame qu'il s'y est passé. Mais pas de paniques, je te laisse le temps.

— Combien de temps ?

— Le temps que tu me fournisses ta réponse. Je ne te presse pas. Prends le temps d'y réfléchir. Mais sache, que de toute manière, si tu acceptes, tu seras accompagnée par quelqu'un qui y partira bientôt.

— De qui vous parlez ? s'intéressa la jeune fille.

On toqua à la porte, et Amanda autorisa la personne à entrer. Iris fronça les sourcils et pour cause, la cheffe ne l'avait pas laissé entrée pendant son entretient avec les amis de Kendra. Elle ne se retourna pourtant pas quand la personne entra.

— Alors ça alors ! Iris Smarta qui a grandi ne serait-ce que d'un seul centimètre ! Quel exploit ! Tu n'as pas changé à ce que je vois !

Cette fois la jeune fille fut désarçonnée pour de bon. Elle fit volte-face et examina la personne en face d'elle. Il avait mué depuis la dernière qu'elle l'avait vu. Ses cheveux étaient plus roux que les siens, ses yeux vairons, un vert et un marron la fixait alors que ses lèvres s'étiraient en un sourire qui soulignait ses nombreuses taches de rousseurs parsemant ses joues et son front. Lui non plus n'était pas bien grand : il était plus petit que Samuel et devait faire maximum dix centimètres de plus qu'Iris. Sa voix avait trompé Iris mais son visage restait toujours le même avec une pointe enfantine.

— Damien ! s'exclama la surdouée. Mais qu'est-ce que tu fais là ?

— Salut cousine ! Content de te voir, cela faisait longtemps !

— Attends... Tu n'es pas dans les bâtiments ?

— Bah, et toi alors ? Est-ce que tu as l'impression d'être dans les bâtiments ? Mes parents ont connu l'association, puis, de toute manière, personne ne soupçonnerait les riches de ne pas obéir aux conseillers, donc à part si les voisins te dénoncent, c'est plutôt simple.

— Attends... c'est toi le gars qui va aller en Dheas ?

— Tu sais bien que j'ai toujours voulu voyager ! C'est une opportunité grandiose pour moi. J'ai tellement hâte ! Tu n'imagines même pas.

— C'est une très mauvaise idée ! protesta Iris en pivotant vers Amanda. La dernière fois qu'une personne non-surdouée y est allée, les contestations de Samuel n'ont pas été prises en compte et Peter est mort ! Je refuse catégoriquement à ce que Damien s'embarque là-dedans.

— Tranquille cousine ! Je suis en très bonne santé, je pète la forme !

— Comment ça se fait que tu parles comme cela ? Il y a des moins riches maintenant dans la partie nord ?

— Non, mais j'ai des amis de la partie sud même si mes parents n'acceptent pas mes fréquentations.

— Iris, cela dépend des personnes, commença Amanda. Peter est tombé malade parce que son corps était plus susceptible de contracter la maladie, ce n'est peut-être pas le cas pour ton cousin. Regarde, tous les enfants de Dheas que tu as pu voir ne sont pas forcément malade, les agents de l'association non plus. Ce n'était juste la faute à pas de chance.

— Je ne veux pas que la faute à pas de chances vole la vie de mon cousin.

Le ton sec d'Iris ne dissuadait pour rien au monde son cher cousin. Damien entraîna Iris hors du bureau et passa sa main autour de ses épaules en souriant alors qu'ils marchaient pour aller, ils ne savaient pas où.

— Tout va bien se passer cousine ! Alors, qu'est-ce que tu deviens ? Cela fait quoi... Plus d'un an que l'on ne sait pas vu ?

— Ouais c'est ça... et bien, comme tu as dû déjà l'entendre, je me suis échappée des bâtiments et je fais tourner les conseillers en bourrique et je me suis fait remarquée pendant la réunion des conseillers à cause de Mme. Keys.

— Cela va d'ailleurs ? Cela doit être choquant de voir une personne se faire exploser la tête juste en face de soit.

— Je ne te le fais pas dire, soupira la jeune fille. Disons que je vais m'y faire, le fait d'avoir déjà vécu des trucs m'aident à être moins choquée, cela le reste toujours, mais cela me tourmente juste un tantinet.

— Un tantinet ! C'est que madame parle comme une bourge ! On devrait inverser les rôles. Cela te dirait de supporter mes parents qui veulent que j'aie des bonnes notes et qui m'ont déjà tracé un avenir ?

— Sans façon ! Pour me retrouver dans les amis proches des conseillers en qui ils demandent de l'aide ? Sans façon !

— C'est-à-dire que tu l'aies déjà si je m'abuse ! Kilian conseiller... Il a fait fort ! Jamais je ne l'aurais imaginé à la tête du pouvoir du pays. Je veux dire, qui aurait imaginé une personne du sud au pouvoir ? Un adolescent en plus...

— Tu te souviens de Kilian, il t'a marqué on dirait. On a traversé des périodes de crises, mais on reste amis tout de même. Il reste la personne que je connais depuis un moment. Bon... et toi ? Qu'as-tu fais à part de cacher et exaspérer tes parents ?

— Eh bien, je me suis fait des potes qui eux non plus ne sont pas partis. Des amis tellement plus sincères que ce que mes parents me forcent à côtoyer auparavant. Cela fait du bien de rencontrer des personnes qui ne sont pas absorbées dans le moule de la société des riches comme si cela pouvait les sauver d'une existence qu'ils jugent pitoyables. D'ailleurs, ils te passent le bonjour, à toi et tes parents. Je ne pense pas qu'ils viendront les voir... cela fait tellement longtemps, et ils ont tellement des a priories sur la partie sud comme le reste de la famille. Et toi alors ? Tu t'es fait des amis aussi mégas intelligents ?

— Oui, oui, on peut dire cela comme cela, répondit vaguement Iris en souriant.

Les deux cousins continuèrent de discuter en marchant dans le quartier général. Ils avaient beaucoup de choses à se dire depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus et avec tous les événements qui s'étaient déroulés pour Iris. Damien essayait d'en savoir plus sur les fréquentations d'Iris alors que cette dernière s'intéressait à la vie de son cousin. Ils finirent par tomber nez à nez avec Samuel qui sortait du grand salon dans lequel il avait sûrement déposé Kendra. Le jeune homme lançait un regard noir à Damien alors qu'Iris lâcha un rire en s'écartant de son cousin pour s'approcher du surdoué.

— Alors, je crois que je vais faire les présentations avant que tu me fasses une crise de jalousie. Je ne te connaissais pas comme cela ! rigola la jeune fille

— Comment ? Amoureux, tu veux dire ? fit-il en se détendant.

— Non. Possessif, rectifia la jeune fille alors qu'il passait son bras sur les épaules de la rousse. Damien je te présente Samuel mon petit-ami, et Samuel je te présente mon cousin Damien.

La jeune fille ne s'étonna absolument pas de la réaction de son cousin qui s'écria un "toi" en la pointant du doigt comme si elle était un objet. Il avait vraiment perdu de la politesse dans son attitude, ce n'était plus le garçon strict qui obéissait à tout ce que ses parents disaient et qui les craignait presque. Ces derniers devaient sûrement s'en mordre les doigts de ne pas l'avoir mieux surveiller. Néanmoins, la jeune fille avait la preuve que sous leur air hautain et strict, son oncle et sa tante étaient aimants.

— Cousine, je ne vais pas te lâcher ! Je vais de soûler tous les jours tu voudras même plus me voir devant toi !

— Cela, je le sens bien, affirma la surdouée en passant son bras dans le dos de Samuel.

— Et pour la mission ? Tu comptes venir me rejoindre en Dheas finalement ?

— Il faut que j'en parle avec Sam, affirma Iris en jetant un coup d’œil au jeune homme qui ne semblait visiblement pas au courant de l’initiative d'Amanda.

Ils allaient devoir encore parler tous les deux, mais cela ne la dérangeait pas du tout. Elle ne comptait pas le lui cacher de toutes manières.

Iris n'était pas souvent allée au cimetière de sa ville. N'ayant pas de famille qui y habitaient mise à par ses parents, elle n'avait aucune raison de venir se recueillir sur une tombe. Depuis déjà quelques semaines, ce n'était plus le cas, mais elle n'y était pas allée, ne se sentant pas prête. Ce jour-là était un jour qui forçait les choses. Il fallait bien que cela arrive. Comme si elle allait rester éternellement sans devoir faire un deuil de quelqu'un. La guerre était présente en plus. La jeune femme marchait dans l'allée centrale en observant les tombes avec leur pierre tombale et les urnes. Cela lui donnait des frissons et les larmes aux yeux alors qu'elle avait juste envie de sortir de cet endroit. Cela ne la rendait pas bien. La jeune file ne pensait pas autant prendre conscience qu'elle avait peur de la mort. Qu'elle avait peur de ne plus exister tout court. Le pire, c'était de penser qu'elle avait connu des personnes qui ne se réduisaient plus qu'à ça : rien du tout. Elle se concentrait sur le bruit des graviers qui s'écrasaient sous ses pas, puis tourna et leva la tête. Le nom de Cassandra n'avait pas à se trouver sur une tombe aussi tôt. La jeune fille fut prise d'un mélange de regret et elle sentit ses yeux la picoter. Kilian la prit dans ses bras et elle s'accrocha à cette étreinte pour cacher ses larmes.

— Cela va aller, murmura-t-il. La douleur se fera sourde avec le temps.

— Ce n'est même pas de la douleur. Ce sont des regrets.

— Ne pense pas à cela. Cassandra a dit qu'elle te pardonnait, et qu'elle ne t'en voulait pas. Tu as choisi ce qui te semblait être le plus juste sur le moment. Tu n'as pas à regretter. Tu ne pouvais pas savoir que cela allait se finir de cette façon.

— Elle a vraiment dit cela ? fit Iris en relevant la tête.

— Oui, et elle m'a aussi demandée de te faire promettre de trouver un remède à la maladie.

— Je ne sais pas si je serais en mesure d'être capable de faire cette promesse et de l'accomplir. C'est complexe Kilian, on n'a même pas de laboratoire ou quelque chose du genre...

— Je sais, mais c'est important pour nous tous. Alors, je ne te demande pas de le promettre, mais juste de faire ce que tu peux pour faire avancer le combat.

— Bien sûr, murmura Iris.

Elle lança un regard noir aux autres conseillers qui l'observaient d'un œil mauvais. Kilian lui conseilla à voix basse de les ignorer pour qu'ils ne se sentent pas provoqués, que c'était mieux pour sa sécurité. Il n'avait peut-être pas tort. Elle fit la bise à Fred qui semblait en pleine forme. Elle salua au passage les parents de Cassandra avec qui elle avait déjà échangé quelques mots auparavant. Elle se plaça à côté de Kilian et fixait la tombe alors que la mère de leur amie prenait la parole, soutenue par son mari. Iris aurait préféré ne jamais à avoir à assister à cela. Est-ce qu'un jour, ses parents, ses amis, Samuel, assisteraient à son enterrement si elle mourrait ? Iris s'était déjà imaginée son enterrement, un moment où il y aurait peu de personnes, mais des personnes qui s'aimaient et se respectaient entre eux. Un petit comité habillé comme ils le souhaitaient et qui passeraient en boucle ses musiques de son groupe préféré. Elle se trouvait égoïste de penser à cela alors que s'était l'enterrement de Cassandra qui se déroulait. L'adolescente fixait le portrait de sa meilleure amie : un visage qu'elle n'aurait plus l'occasion de voir en vrai. Elle jeta brièvement un regard sur Liam qui avait les yeux rougis et gonflés. Il tremblait et elle pouvait voir quelques larmes coulées alors que la mère de Cassandra commençait à parler. Elle se demandait s'il arrivait à tenir le coup. Si Samuel mourait, elle en serait absolument incapable.

— Plus jeune, ma fille avait déjà eu des problèmes de santés, débuta la mère de Cassandra d'une voix plaisante mais triste. Elle ne s'était pas laissée abattre. Elle gardait même le sourire et elle m'avait même dit que redoublée son année avait été la meilleure chose de sa vie car elle avait rencontré des personnes formidables qu'elle continuerait de côtoyer jusqu'à sa mort. Cela a été une terrible épreuve de nous séparer d'elle lorsqu'elle devait suivre les autres enfants dans le désert. Je me demandais si elle n'allait pas se sentir différente avec tout ce qu'elle avait vécu. Puis, je l'ai revue, et elle semblait toujours de plus en plus épanouie à chaque fois que je la voyais. Aujourd'hui, c'est une maladie qui l'a fait partir. Ce n'est pas sa personne en elle-même qui ne l'a pas supporté, mais son corps qui en avait marre de souffrir. Je sais que si cela n'avait tenu qu'à elle, elle se serait battue de toutes ses forces pour rester avec nous. Aujourd'hui, j'ai perdu ma fille, ma progéniture, ma propre chaire et mon propre sang. Je ne suis pas la seule. D'autres ont perdu une petite-amie, une amie ou une confidente. Ma fille vous aimait énormément et d'une puissance que vous connaissez sans doute. Elle aurait été flattée qu'on la pleure aujourd'hui. Néanmoins, je sais aussi qu'elle aurait voulu que vous remontiez la pente et que vous repreniez vos vies même si vous pensez toujours à elle. Elle n'est plus là, mais elle s'éteindra réellement lorsque le dernier d'entre nous qui l'aime s'éteindra.

Les conseillers applaudirent poliment pendant que Fred épaulait Liam en pleurent. Iris et Kilian restèrent sans voix. Ils se jetèrent un regard avant de saisir des roses rouges qui se trouvaient sur un vase à côté de la tombe, et les déposèrent délicatement sur la tombe de leur amie au même instant. Fred effectua le geste à son tour, et tout le reste fit de même, finissant par Liam. Les conseillers sortirent du cimetière alors que Liam se rapprochait des parents de Cassandra et que Fred rejoignit Kilian et Iris qui s'étaient écartés du trio pour leur laisser un moment d'intimité.

— Vous attendez Liam, releva Iris en rangeant ses mains dans ses poches.

— Oui, concéda Kilian. Mais je voulais aussi chercher la tombe de Marin. Camille m'a informée qu'il en avait une, mais j'ignore où elle se situe exactement.

— Je n'étais même pas au courant qu'il avait une tombe, reprit Iris en secouant la tête. En attendant, nous pouvons aller la chercher, après, je ne sais pas si on n'y arrivera. Ce cimetière est vraiment très grand.

— Tu n'as pas dû voir beaucoup de cimetières pour dire cela, constata Fred. Je peux t'assurer que j'en ai déjà vu qui faisait le triple de celui-ci. Et je mettrais ma main à couper qu'il y en a encore des plus grands que cela dans le monde entier. Ce n'est pas comme s'il n'y avait pas beaucoup de morts en ce moment.

Ce que venait de dire Fred était glauque mais malheureusement vrai. Fred prit la main de Kilian et le couple commencèrent à chercher. Iris leur laissa une longueur d'avance et se focalisa un moment sur la tombe de Cassandra. La jeune fille s'accroupit et examina les objets qui s'y rattachaient. La surdouée aurait bien voulu lui faire graver quelques mots à son tour, mais elle n'avait pas assez d'argent pour, heureusement que Kilian l'avait rajouté sur le sien. Elle n'aurait plus qu'à le remercier.

— Je suis tellement désolée de ne pas avoir été là lorsque c'était ta fin, murmura la jeune fille. Je suis tellement désolée d'avoir été une meilleure amie pitoyable et égoïste. Je ferais tout ce que je peux, je te le promets, mais je ne suis pas certaine d'y arriver.

Elle sentit de l'eau couler sur ses joues et elle baissa la tête pour que cela ne se remarque pas, au cas où on l'observerait. Elle en doutait, mais elle ne voulait pas qu'on la voie dans un moment de faiblesse. Elle essuya rapidement ses larmes et se releva et partit avec des pas déterminés à la recherche de la tombe de Marin. Elle passerait sur celle de Mme. Keys plus tard. Elle nota la position du couple pour ne pas passer sur des tombes qu'ils avaient déjà vérifiées et se mise à les regarder. Certaines étaient plus vieilles que d'autres alors que certaines semblaient neuves. Iris examinait chaque nom et chaque date avec attention, même celle qui était trop vielle pour l'être. Cet endroit faisait froid dans le dos, et cela ne lui donnait absolument pas envie de reposer dans un tel endroit. Et si ses parents reposaient là-dedans ? Accepterait-elle que le rien qu'elle deviendrait reposerait ici ? Finalement, quitte à ne rien être, elle préférait ne rien être où Samuel n'était rien. Elle se sentait plus proche de son petit-ami que de sa famille. Ce n'était sûrement pas normal sauf que c'était ce qu'elle ressentait.

— Iris ! J'ai trouvé sa tombe !

La jeune femme rejoignit Kilian et Fred qui se tenaient devant une tombe aussi récente d'une couleur bordeaux. Marin ne reposait pas avec ses parents, mais à côté. Iris ignorait qu'il avait fait un souhait. Les jardiniers municipaux avaient dû déposer des fleurs, car Iris ne voyait pas qui d'autre aurait pu le faire. Ses parents étant morts, la jeune fille aurait pensé qu'il n'y aurait aucune gravure déposée sur sa tombe. Ce n'était pas le cas. Les cousins, les oncles, et les tantes avaient fait le déplacement. La jeune femme se sentait en colère de ne pas avoir été prévenue que son ami avait eu un enterrement. Elle y serait allée. Elle remarqua que Kilian eut la même réflexion puisqu'il fronçait les sourcils et reconnus une pointe d'agacement dans son regard. Cependant, une gravure se différenciait énormément des autres et surprenaient Iris. Une gravure de la même couleur que la tombe, l'écriture en lettre dorée très belle inscrivait quelques phrases avec une signature : À jamais dans mon cœur et dans ma vie. Repose en Paix. Je te rejoindrais mon amour, E.K.

— Pendant sa détention, Marin t'avait-il parlé d'une copine ? s'étonna Iris.

— Non, répondit Kilian tout aussi surpris. Mais tout le monde ne révèle pas tous ses secrets à ses amis. Peut-être que c'était tout récent et qu'il ne souhaitait pas nous en parler. Ou qu'il ne souhaitait pas nous en parler tout court. Mais cela ne devait pas dater d'avant notre départ, sinon je pense que l'on aurait su.

— E et K... E et K, répéta Iris. Ce sont des initiales. Je ne connais personne avait un prénom commençant par E et un nom par K...

— Je ne crois pas que cela soit utile de faire des recherches, souligna Fred en balayant l'endroit d'un œil dépité.

— Je sais, mais cela me perturbe.

— Ce qui me perturbe le plus, c'est que personne ne nous ait prévenu de l'enterrement de Marin, s'agaça Kilian en s'agenouillant pour fixer la photo de son ami.

— Est-ce que tu comptes faire graver quelque chose ? se renseigna Iris.

— Bien sûr, je rajouterai ton nom si tu le souhaites. Je sais que tu aurais aimé mais que tu n'as pas forcément les moyens pour le moment.

— En effet... en faites, merci de me l'avoir fait graver pour Cassandra.

— Je vous laisse, les parents de Cassandra sont partis et Liam va avoir besoin de soutiens, prévint Fred avant d'embrasser Kilian.

Kilian et Iris restèrent un moment silencieux en observant la tombe de Marin.

— Jamais je n'aurais pensé, qu'avant tout cela, dans notre groupe de quatre, ils ne resteraient que nous deux, lâcha Iris d'une voix triste.

— Moi non plus, poursuivit Kilian. Je ne pensais pas non plus que l'on se disputerait, que l'on s'éloignerait, que je retrouverais Fred et tout ce qu'ils se passent... personne ne l'auraient pu imaginer. Mais on ne décide pas ce qu'ils se passent dans la vie malheureusement.

Iris confirma d'un signe de la tête. Elle partit voir la tombe de Mme. Keys. Kilian la suivit, ne sachant pas vraiment où elle se dirigeait. La tombe de Mme. Keys était simple : grise foncée sans gravure. La surdouée savait que cette fois, Kilian ne risquerait pas de lui proposer son nom sur une gravure. C'était Mme. Keys, donc il ne comptait pas en faire. Malgré tout, la jeune fille demanderait à ses parents d'acheter des fleurs pour son ancienne nourrice. En effet, cette fois-ci, les jardiniers municipaux n'étaient pas encore passés par là.

— C'était quand son enterrement ?

— Aujourd'hui, révéla Iris. Mais comme il y avait les conseillers, je préférais que personne ne vienne. Cela aurait été mieux pour leur sécurité.

— Oui, tu as raison.

— Est-ce que... as-tu lu sa lettre ?

— Non, répondit franchement Kilian en contemplant la tombe. Je ne sais pas si je la lirais un jour.

— Dans ma lettre, Mme. Keys me demandait de te convaincre de la lire. Tu es le seul maître de ce choix et il t'appartient. Sache que je ne tenterais pas de t'influencer, tu en fais ce que tu veux.

— Fred aussi pense que cela serait mieux que je la lise, avoua Kilian mal à l'aise.

— Alors cela veut peut-être dire que c'est la chose à faire, tenta Iris.

— Je ne sais... tu sais, pour le moment, je n'ai pas envie de m'embêter avec cela. Je n'ai pas envie de penser à elle. Cela fait remonter trop de rancœur.

— Ne la réduis pas à néant. J'ai comme le sentiment après avoir lu celle qui m'était adressée qu'il y a des choses importantes qu'elle a laissés dans la tienne. D'ailleurs... je ne sais pas si vous continuez l'enquête, mais elle m'a écrit qu'elle ne voulait pas que son assassin soit puni.

— Et tu sais qui s'est ? s'inquiéta Kilian surpris.

— Oui... mais je ne peux pas te le dire. Et j'ai un service à te demander, ce n'est pas pour moi. Mais si tu ne peux pas le réaliser ils comprendront très bien.

— Dit quand même.

— M. Klimb, le chef militaire, frère d'Amanda. Serait-il possible que tu lui parles en tête à tête sans les autres ?

— Oui, je pense. Pourquoi ?

— Écoute-moi bien. Une assemblée de soldats s’est créée dont certains soldats sous l'ordre de M. Klimb apparemment. Nous devons organiser une rencontre mais avant, nous voulions vérifier que ce n'est pas un piège.

— Je te tiens au courant, mais je suis conseiller. Si cela se trouve, il pourra me dire que ce n'est pas vrai alors que si. Mais je vais voir ce que je peux faire s'en m'attirer les soupçons et les foudres de mes collègues.

— Merci ! souffla Iris en le prenant dans ses bras. D'ailleurs, mon cousin est impressionné par ce que tu es devenu.

— Je croyais que tu ne voyais pas Damien.

— Je viens tout juste de le revoir !

— Bon, il va falloir que je parte. Pour Klimb, je te tiens au courant. Fait tes recherches sur la petite-amie supposée de Marin si tu veux mais concentre-toi sur la maladie, je t'en prie. Passe le bonjour à Samuel d'ailleurs.

— À la prochaine, dit Iris alors qu'il s'éloignait en lui faisant un geste de la main.

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