Chapitre 42

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Océane avait enfin récupéré la mobilité de son épaule et le Dr Langstone avait même validé la reprise du karaté. Il était enfin l’heure pour nous d’aller retrouver Maria, chez elle.


Alors que la semaine venait de commencer, Océane et moi étions en train de préparer nos valises pour aller retrouver Maria. J’étais impatiente, mais en même temps nerveuse. On fit une demi-heure de route pour rejoindre l’aéroport où un avion privé nous attendait ainsi que les quatre gardes qui allaient nous accompagner. Au début j’étais nerveuse à l’idée de prendre l’avion après l’accident de la semaine dernière, mais Océane, comme Emma qui était venue avec nous, me rassura très vite. Quand on arriva près du village, on déposa les valises dans un chalet que j’avais réservé et on y resta près d’une heure pendant que les gardes vérifiaient la sécurité du village. Pourtant à notre arrivée au village, je ne vis que des enfants apeurés, des parents terrifiés et sur leurs gardes.


– Qu’est-ce qu’il se passe ? Demandais-je alors à Océane.

– Je crois que la garde royale leur fait peur. Rappelle-toi que c’est ici que ta mère a exilé tous ceux qu’elle trouvait indésirables.

– Qu’avez-vous fait ici ? Demandais-je ensuite aux gardes.

– Vous devriez vite trouver votre grand-mère, Majesté. Ses gens nous on accueillit à coup de pierre.

– Bande d’idiots, vous les avez terrorisés. Ils croient qu’on est là pour les arrêter. Rentrez au chalet.

– Mais Majesté…

– C’est un ordre, soldat !

– Oui Majesté.


Quand les soldats quittèrent le village, je sentis que la tension s’apaisait, mais ils restaient toujours sur leurs gardes.


– C’est à toi de jouer maintenant, ajoutais-je à Océane. Tu es la seule à savoir qui est ma grand-mère.

– Tu ne voudrais pas commencer par enlever ta couronne ? Ça les rassurerait encore un peu.

– Tu as raison, mon amour, bonne idée.


Écoutant les bons conseils d’Océane, je la retirais et la donnais à Emma qui restait en retrait. Je sentais qu’il y avait quelque chose ici qu’elle n’aimait pas.


– Alors, c’est qui ?

– La femme qui distribue de la nourriture là-bas. Celle qui a environ cinquante ans.

– Je vois des ressemblances avec ma mère. Est-ce que…

– Et avec toi aussi. Elle ne ressemble en rien à ta mère, ne t’inquiète pas. Si ça peut te rassurer, je lui parlerais en premier, comme elle me connaît. De toute façon, elle sait que tu dois arriver et elle t’attend avec impatience.

– Merci.


Océane attrapa ma main dans la sienne et me conduisit jusqu’à Maria. Elle avait un sourire magnifique, doux. L’opposé même de celui de ma mère, machiavélique.


– Bonjour Maria, l’interpella Océane.

– Océane ? Déjà de retour ?

– Et oui, vous me manquiez déjà, rigola-t-elle.

– Tu dois être Elena ? m’interrogea-t-elle ensuite.


Face à la prestance et le charisme de cette femme, j’en restais bouche bée. Physique, elle ressemblait beaucoup à ma mère. Mais tout, dans ses manières, montrait que ce n’était pas elle.


– Elena semble intimidée, répondit Océane à ma place. Ça va, chérie ?

– Excusez-moi. C’est juste que…

– Je suis ravie de te rencontrer enfin, Elena. Océane m’a beaucoup parlé de toi, mais ta mère aussi avant.

– Si j’ai bien compris, réussis-je enfin à dire, vous étiez en contact avec elle tout ce temps ?

– C’est exact. Dans ces moments de lucidité, elle m’envoyait elle-même des personnes pour ne pas commettre l’irréparable.

– Des moments de lucidité ? Parlez-vous de la fois où elle avait oubliée que…

– En quelque sorte. Mais ça arrivait plus souvent que tu ne le crois.

– Qui avez-vous aidé comme ça ?

– Le père d’Emma entre autres.

– N’importe quoi, mon père est mort.

– Tu le considères mort, je sais, mais il ne l’est pas.

– Vous connaissez Emma ?

– Si je la connais ? Je l’ai vu, elle et toutes ses sœurs naître. Souhaitez-vous qu’on aille discuter chez moi ? Ce sera plus calme qu’ici.

– Faisons ça, répondit Océane.


Je vis le regard de Maria glisser son mon ventre arrondi, mais elle ne fit aucune remarque. Océane avait dû lui expliquer les circonstances de cette grossesse et comment je l’appréhendais. Elle attendrait sûrement que j’en parle de moi-même. Elle interpella une femme d’une trentaine d’années pour la prévenir qu’elle s’en allait avant de nous inviter à la suivre.


Après une dizaine de minutes de marche sur des dalles pratiquement neuve, on entra toutes les trois dans la plus grande maison du village. Je compris rapidement, par ce que je voyais et ce que je savais déjà sur Maria, que c’était elle qui dirigeait Kelnya, comme Océane l’avait fait avec son village. Mais si on y prenait le temps d’y réfléchir, c’était tout à fait logique. Maria avait été celle qui avait permis à des centaines de personnes de fuir la dictature de ma mère. Elle avait permis à toutes ses personnes de rester en vie, en les faisant secrètement disparaître de l’Empire.


– Antoine ! s’écria-t-elle à travers toute la maison. Descends donc souhaitez la bienvenue à nos invitées !

– On a des invitées ? Pourquoi tu ne m’as pas prévenue ? Tu ne me préviens jamais de toute façon, râla-t-il en descendant les escaliers.

– Je ne savais pas quand notre petite-fille et sa copine viendraient nous rendre visite.

– Notre petite-fille ? Tu veux dire… que tu es Elena ? m’interrogea-t-il en m’apercevant.

– C’est bien moi, oui.

– Incroyable. Tu ressembles tellement à ta mère, surtout au même âge.

– Assis-toi ma puce, enchaîna Maria et désignant la table qui trônait au milieu de la pièce. J’aimerais que tu nous parles un peu de toi. J’en sais beaucoup par ta mère, mais j’aimerais avoir ta vision des choses. On ne peut pas dire que Julie était quelqu’un de confiance.


J’appris à connaître mes grands-parents pendant le reste de la journée. Ils avaient connu la mère que j’aurais voulu avoir. Une mère aimante, qui s’occupait de moi, qui prenait compte de mes désirs et de mes mal-être. La femme dont mon père était tombé amoureux et avait épousée. Celle que j’avais rencontrée le jour de notre premier et unique pique-nique.


– Dites-moi les filles, mais j’ai l’impression de t’avoir déjà vu quelque part, Océane. Est-ce que je me trompe ? la questionna Arthur.

– C’est en effet possible. Je suis passée plusieurs fois à la télévision pendant mon adolescence.

– Mais oui, c’est ça. Tu ne serais pas la triple championne de karaté d’Eryenne ?

– Si, c’est moi. Océane Luisard.

– Tu ne me l’avais pas dit ça ! commenta alors Maria.

– Je ne m’en vante pas trop, c’est vrai. Comme ça fait longtemps. Mais j’ai repris les entraînements de karaté et je donne même des cours, grâce à Elena. C’est elle qui m’a convaincu de reprendre.

– Je n’ai pas très bien compris votre relation.

– Mais quel idiot celui-là, rigola alors Maria. Océane et Elena sont en couple, crétin.

– Vraiment ? Êtes-vous mariée ? Ou Fiancée ?

– Pas encore non, lui répondis-je. N’est-ce pas Océ ?

– Votre petite fille est la plus grande impatiente de l’Empire, renchérit Océane.

– Saleté, je me vengerais, rigolais-je.


Peu de temps avant la tombée de la nuit, on est sortie dans les rues pour observer le coucher du soleil. Maria en profita pour nous fit visiter la place principale du village, illuminée pour la nuit. Mais juste avant de rentrée, on entendit quelqu’un interpeller Emma derrière nous. Elle se retourna pour regarder qui c’était avant de continuer de marcher, l’ignorant. Pour qu’Emma ignore quelqu’un, c’est qu’il devait y avoir un problème. Elle qui cherchait toujours à aider ce qui l’entourait, ce n’était pas son genre.


– Emma s’il te plaît, je sais que c’est toi, insista-t-il tous de même, nous obligeant à nous arrêter.

– Laisse-moi. Je ne veux pas te parler.

– Je suis désolé ma grande, mais…

– Désolé ? s’énerva-t-elle subitement. Alors que tu nous as abandonnées quand Jeanne avait à peine trois ans ?


Je compris aussitôt que c’était son père. Celui qui les avait abandonnés quand Emma était jeune. Celui qu’elle croyait mort pour ne pas avoir à lui pardonner son comportement. Pour ne pas le rechercher, mais surtout pour ne jamais le retrouver ni lui parler. Elle le détestait tellement qu’elle ne m’avait jamais parlé de lui. Tout ce que je savais de son père, c’était sa mère qui me l’avait racontée.


– Je devais partir Emma. L’impératrice allait me tuer et…

– Pourquoi tu ne nous as pas emmenés avec toi ? Maman t’aurait suivie si tu lui avais demandé !

– Arthur, intervint Maria. Je crois que ça suffit pour aujourd’hui.

– Pourquoi tu ne peux pas être de mon côté pour une fois ? enchaîna Arthur.

– Rentre chez toi. Maintenant.

– Laisse-moi parler à ma fille.

– C’est elle qui ne veut pas te parler. Laisse-moi m’en occuper.

– Très bien, cracha-t-il avant de s’en aller.

– Pourquoi tu ne veux pas parler à ton père, Emma ? Ou au moins, écoutez ses explications.

– Il n’est plus mon père. Pour moi il est mort quand il nous a abandonnés.

– Ton père n’est aussi coupable que tu le crois. Quand il a su qu’il était recherché par l’armée impériale, il m’a tout de suite contacté. Il voulait que vous veniez tous avec lui, mais j’ai été obligé de refuser.

– Comment ça ? Pourquoi vous ?

– Tu te souviens que je t’ai dit que ta mère m’avait contacté plus d’une fois pour exfiltre certaines personnes avant qu’elle ne les tue ? Arthur en faisait partie.

– Je ne comprends pas, soufflais-je.

– Arthur est mon neveu. Il est le cousin de ta mère, Elena.

– Attend quoi ? Ton neveu ? M’exclamais-je

– Quand ils étaient jeunes, Arthur et Julie étaient aussi proches que des frères. Le jour où elle a commencé à dérailler, il a tout fait pour rester auprès d’elle pour la contenir. Les premiers mois après, le déclenchement de sa maladie ont été les plus compliquer pour tous le monde, mais il était là pour elle, comme Léo. Mais le jour où elle a su qu’elle ne parvenait plus à se contenir, elle a fait venir son cousin et son mari ici pour ne pas leur faire de mal.

– Et moi dans tout ça ?

– En tant que Princesse d’Eryenne, héritière de l’Empire tu devais rester auprès de ta mère. C’est pour ça qu’on a conclu un marché avec elle. Léo, elle et moi devions toujours rester en contact pour assurer ta sécurité. Mais la plus importante était que le jour où Emma aurait dix-huit ans, elle devait venir travailler au château pour s’occuper de toi. Pour que tu ne te sentes pas totalement seule.


Face à toute ses révélations, Emma et moi-même étions incapables de prononcer le moindre mot. Notre rencontre avait été organisée par notre famille et nous étions en réalité cousines. Emma, c’était toute ma vie. Sans elle, je n’aurais pas pu survire au château. Je comprenais la décision de Maria et de mon père de me laisser vivre au château, auprès de ma mère, mais j’avais aussi souffert à cause de cette décision.


– Je comprends que vous soyez un peu perdu, les filles, mais…

– Non, au contraire, la coupa Emma. Ça explique tellement de choses. Ça explique pourquoi ma mère m’a poussé à déposer ma candidature au château, pourquoi ma candidature a été acceptée si vite et pourquoi, même sans aucune expérience, j’ai été affecté à Elena.

– Et ça explique surtout notre relation, continuais-je. Quand je disais que tu étais comme une sœur pour moi, je n’avais pas totalement tort puisque tu es ma cousine.

– Je vous promets de faire un effort, Maria, et j’irais voir mon père.

– J’en suis ravie. En tout cas, n’hésitez pas à revenir demain si vous voulez. Et puis je suis sûr qu’Océane aura plein de choses à faire. Nous avons plein de bon combattant de karaté ici et demain a lieu la compétition annuelle du village.

– Reprendre la Compétition ? Je ne sais pas, répondit Océane.

– Merci de nous avoir accueilli Maria. À demain.

– À demain les filles.


On rentrait ensuite au chalet que nous avions loué, dans le silence. Nous étions encore toute sous le choc de ce qu’on venait d’apprendre. Emma, ma cousine ? Celle que j’avais longtemps considérée comme ma mère de substitution, ma sœur et ma meilleure amie. C’était juste incroyable.


– Tu devrais vraiment réfléchir à sa proposition, ajoutais-je une fois allongée dans le lit avec Océane. Ça te ferait du bien de reprendre les Compétitions. Et puis, comme tu as déjà repris le karaté avec tes cours…

– Tu es sérieuse ?

– Bien sûr. Mais as condition que tu fasses attention à ton épaule. Et puis, tu ne sais pas à quel point j’ai envie de te voir mettre une raclée à d’autres combattants.

– J’y réfléchirais pendant la nuit.

– Merci, mon amour, lui dis-je en l’embrassant.


Juste avant de nous coucher, Emma m’apporta une tasse de son thé miracle. J’avais été en mouvement toute la journée sans jamais en boire une seule goutte. Emma en profita pour ajouter deux ou trois huiles essentielles pour que je puisse dormir tranquillement. De toute façon, même sans ça j’aurais bien dormi. J’étais épuisée par cette longue journée.

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