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La créature était comme dans son rêve. Ses cornes immenses brillaient dans la lumière des esprits ancestraux, renvoyant la même lueur bleue que celle de sa peau. Assis en tailleur, il tenait son sexe en érection à deux mains, qui suffisaient à peine à en contenir la moitié.

Effrayé par l’apparition de la créature ni homme ni orisha, autant que par son immense verge, Kimoudi s’approcha avec précaution pour ne pas déranger sa méditation.

— Qu’est-ce que tu fais ? cria l’orisha en ouvrant les yeux en grand.

— Je m’approche, dût admettre Kimoudi. Avec beaucoup de respect et d’admiration.

— Qu’admires-tu ?

— J’admire… tes grandes cornes ?

— Et puis ?

— Ta peau brillante comme l'eau pure d'une source.

— Et puis ?

— Ton sexe, avoua Kimoudi mal à l’aise.

— Oui ! Tous les hommes de ta tribu qui l’ont vu l’ont admiré ! Les femmes de ta tribu plus encore !

— Il est énorme.

— Il l’est ! Que viens-tu faire ici ?

— Je suis venu te rencontrer parce que j’ai rêvé de toi.

— Est-ce suffisant pour me déranger ?

Perturbé, Kimoudi douta pour la première fois depuis son départ.

— Je croyais que c’était toi qui m’avais appelé, se défendit-il.

— Tu croyais ? Tu crois toujours ce que te disent tes rêves ? Si tes rêves te disaient d’aller nager avec les crocodiles, tu le ferais ?

— Je pense que non.

— Si tu pensais plus, tu croirais moins. Pourquoi croire ce rêve plutôt que les autres ?

— Parce qu'il m'est apparu la nuit avant mon épreuve et qu'il me m'appelait jusqu'au grand Eshu. Tu me disais que tu me guiderais vers le plus beau des trophées, afin que je devienne un homme.

— Tu voudrais prendre un trophée à la forêt des orishas ? Que donneras-tu en échange ?

— Ce qu'il faudra. Que désires-tu grand Eshu ?

— Je ne veux rien de toi, mais prends garde ! Dans la forêt des orishas, un vœu a autant de réalité qu’une lance ou un rocher dans ton monde. Il peut te transpercer ou t’écraser si tu n’y prends pas garde.

— Je souhaite trouver le plus beau des trophées et devenir un homme grâce à lui, insista Kimoudi d’une voix assurée.

— Alors, ton sort est scellé, toi qui n’es plus un enfant mais pas encore un homme. C’est l’instant de tous les dangers, car tu n’es rien encore, tu pourrais donc devenir n’importe quoi. Vas-tu continuer sachant cela ?

— Oui grand Eshu, me montreras-tu le chemin ?

— Je suis là pour ça, ni-enfant-ni-homme.

Le doigts d’Eshu pointa dans une direction et la végétation s’ouvrit. Kimoudi voulut remercier le messager des orishas, mais la clairière était vide ; seul planait l’écho d’un rire lointain. Eshu aimait se moquer des hommes et leur jouer des tours, mais il n’était jamais méchant. Et c’était un bon guide.

Kimoudi emprunta le chemin, qui se transforma rapidement en tunnel végétal encombré de lianes épineuses qu'il écartait à l'aide de son bouclier. Sa lance et sa sagaie se prenaient sans cesse dans la végétation et il dut plusieurs fois se contorsionner pour échapper à ses pièges. Un rire de femme le poussa à se retourner. Une orisha ? À cause de son mouvement soudain, sa lance s’était prise dans une épaisse frange de lianes. Kimoudi tira dessus mais c’était difficile en tenant sa sagaie en même temps.

Un feulement familier l’obligea à se figer. Avec lenteur, il tourna la tête pour apercevoir le léopard approcher lentement dans son dos. Kimoudi n’avait pas assez de place pour utiliser sa sagaie, qui s’était prise à son tour dans les lianes. Paniqué, il tira de toutes ses forces, mais la lance refusa de venir. Finalement, il abandonna ses armes et s’enfuit à toutes jambes muni de son seul bouclier, le félin sur les talons.

On ne pouvait pas gagner à la course contre un léopard, même un jeune enfant le savait. On ne pouvait pas non plus se cacher dans un arbre, ils y montaient plus vite qu’un singe. Pour survivre face au prédateur, il fallait une sagaie ou du feu, mais Kimoudi n’avait ni l'un ni l'autre.

Le chemin se divisa. D’un côté il s’enfonçait dans une grotte, de l’autre dans un lac. Il opta pour l’eau. Les léopards savaient nager, mais ils n’aiment pas ça. Le sentant se rapprocher de lui, Kimoudi espéra que celui-là n’avait pas trop faim. Il sauta bouclier en avant et glissa longuement sur la surface avant que sa petite embarcation ne prenne l’eau. Il ne fallut que quelques secondes pour qu’il rejoigne la petite île au milieu du lac minuscule.

Le léopard ne l’avait pas suivi. Kimoudi se frictionna pour se débarrasser de l’eau. Pour sa plus grande peine, il était interdit de faire du feu dans le monde des orishas.

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