Chapitre 6 : La cour des grands

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 Puis septembre revint. Ce jour, Samuel eut un coup de cafard. Il eût aimé être accompagné par ses parents. Mais quand il arriva dans la cour de l’école élémentaire de la Musau, il aperçut Mme Karlsson. Elle venait de déposer Anders à l’école maternelle à côté, et prenait son poste pour l’accueil avant le début de la classe.

 « Bonjour, Samuel, lui dit-elle en souriant. Tu as passé de belles vacances ? »

 Samuel hocha la tête, la mine un peu penaude.

 « Ooooooh , ça n’a pas l’air d’aller fort. Qu’est-ce qu’il y a ? Tu penses à tes parents ? »

 Le jeune garçon acquiesça de nouveau. Mme Karlsson lui adressa un sourire plein de douceur.

 « Je comprends. J’ai perdu mon père il y a deux ans… Tu peux aller voir Daniel, il doit être dans la cour. Et tu veux une bonne nouvelle ? Vous êtes dans la même classe ! »

 La mine de Samuel s’illumina. Il accourut dans la cour, retrouver le grand frère d’Anders. Seule avec Éloïse, elle lui demanda :

– Comment ça s’est passé pour lui, cet été ?

– Bien, très bien, répondit la jeune femme…

– Vous êtes sûre ? Je ne vous sens pas très convaincue.

– Si, si, je vous assure ! Il a vraiment profité de son voyage dans la Forêt-Noire. Il en est revenu enchanté. J’étais avec lui.

– Qu’est-ce qu’il y a, alors ?

– Bah… je ne saurais pas vraiment l’expliquer. Il se passe des choses bizarres avec lui…

– Ça a continué cet été ? demanda Mme Karlsson.

– Oui.

– Et vous avez eu l’impression qu’il perdait pied avec le réel, et vous avec ?

– Oui, c’est ça, mais comment vous…

– C’est juste l’histoire de ma vie. Ça m’apprendra à épouser un Suédois. Mais au bout de quelques années, ça devient plus clair pour moi. Et je ne doute pas que le moment venu, ça le sera aussi pour vous.

 Éloïse esquissa un sourire.

– Samuel aime beaucoup venir chez vous. Et il s’entend très bien avec Anders et Daniel.

– Oui. Et nous, on est toujours très heureux de l’accueillir,… et sa sœur aussi. Je pense que le fait qu’ils s’aient l’un l’autre les aide beaucoup à avancer, et à grandir.

– Oh oui ! Si vous saviez… il veille toujours sur elle, et il se tient prêt dès qu’elle a besoin d’aide.

 Mme Karlsson sourit.

– On va devoir fermer le portail. Je vous dis à ce soir ?

– Oui. À ce soir.

 Le premier jour d'école, Samuel fut débordant d’enthousiasme de savoir qu’il aurait Daniel dans la même classe. Cette année, comme la précédente, il serait dans une section bilingue français-allemand, comme c’était le cas de nombreuses classes en Alsace, compte tenu du nombre très importants de binationaux Allemands, Suisses ou Autrichiens qui vivaient sur place, sans compter les nombreux ressortissants européens qui vivaient déjà à Strasbourg avant la fin de l’Union Européenne, et qui y étaient restés.

 Samuel entrait donc en CP. Dans sa classe, il retrouva aussi Julie qui se rangea avec lui. C’était une bonne camarade de jeu d’Anders, et même si ce dernier n’était plus là, la petite fille avait aussi appris à apprécier Samuel. Dans le rang, debout à côté de lui, son cartable sur les épaules, la petite fille eut le visage qui s’illumina, et afficha un grand sourire, auquel il devait manquer deux ou trois dents.

 « C’est trop bien qu’on soit encore dans la même classe », dit Julie, pleine d’enthousiasme.

 Samuel lui sourit et hocha la tête. Julie présenta sa main, et Samuel lui donna la sienne. Puis ils se rangèrent deux par deux. Dans la classe, Daniel était assis avec les autres. Il était plutôt solitaire, et les autres CE1 ne parlaient pas beaucoup avec lui, mais personne ne venait lui chercher d’histoires. Sa carrure était plutôt dissuasive. Bien qu’il n’eût que sept ans, le grand frère d’Anders était plutôt massif, et suffisamment imperturbable pour décourager toute tentative de moquerie ou d’intimidation. Il était aussi aidé par Svenja, leur grande sœur, qui avait marqué les élèves des plus grandes classes par son caractère affirmé. Et bien qu’elle fût partie au collège, personne ne semblait vouloir prendre le risque que cela remonte jusqu’à ses oreilles.

 Aussi, pendant la récréation, Daniel, assis sur un banc, s’amusait à scander un rythme en tapant sur ses cuisses. Il était perdu dans sa rêverie.

– Salut, Daniel !

– Ah… Salut, Samuel. Qu’est-ce que tu veux ?

– Rien, juste rester avec toi…

– OK. En récré, j’aime bien rester un peu seul.

– Ah, zut, je te dérange ?

– Non, non… Tu peux rester, c’est juste que je ne vais pas parler beaucoup.

– OK.

 Puis après un bref silence, pendant lequel les deux jeunes garçons se regardèrent fixement, Daniel recommença à scander un rythme, en tapant des mains sur ses cuisses et en tapant aussi des deux pieds.

« Qu’est-ce que tu fais, en fait ? » s’étonna Samuel.

Daniel adressa un sourire à son voisin de banc.

– Je suis en train de travailler un rythme. Cet été, mes parents m’ont offert une batterie pour mes sept ans.

– Whooaaaaaah ! Trop cool !

– Tu joues de la musique, toi aussi ?

– Un peu, s’enthousiasma Samuel. Parfois, avec Louise, on va chez le Doc le vendredi soir. Il nous emmène écouter son groupe.

– T’as un ami qui a un groupe ?

– Ouais, enfin… Il a au moins le même âge que mon papa. C’est le docteur du foyer.

Daniel sourit.

– Et qu’est-ce qu’il joue ?

– De la guitare. Il m’a laissé un peu jouer avec…

– La chance ! Et tu as essayé d’autres instruments ?

– La batterie, c’était chouette, mais j’étais un peu petit pour bien en jouer. Ce que j’ai bien aimé, c’était la basse de Romain. Et il dit que je joue bien.

 Daniel le regarda fixement, avec un grand sourire.

 « Samuel, mon pote… il va falloir qu’on monte un groupe. »

 À ce jour, les deux garçons devinrent inséparables. Samuel était devenu très proche d’Anders l’année précédente, il allait être très proche de Daniel cette année.

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