Au-delà de mes frontières, le vent se lève.
Je l'entends gronder au loin, sur les plaines d'un pays plat où jadis les pas des premiers hommes poursuivaient ceux des premières bêtes.
La-bas, il y a peu, l'eau est venue des mers et a emmené toutes vies des terres.
Son sol en est encore choqué, et bientôt, il souffrira de l'arrachement des racines, emportant un peu de lui en ces vents si violents.
Je le sens aussi en haut de ses montagnes, éternelles, enneigées. Menaçant certains équilibristes de tomber.
Dans ses marécages, perpétuellement inondés. Troublant ainsi, le lointain calme de cet endroit maintenant en danger.
Je l'entends dans ses vastes prairies, menacer d'abattre, l'arbre solitaire, plusieurs fois centenaire.
Au-delà de mes frontières, le vent se lève, fort, violent, assourdissant.
Invisible main apposera son poids sur mes cimes couchantes.
Invisible force, emmènera dans son élan, mes dunes de trois mètres en avant.
Avec lui, la mer rugira de concert, menaçant ainsi mes côtes autant que mes plateaux.
Combien de fois nous parlerons-nous cette fois-ci ?
Autant de décharges que je hais : pour mes enfants, ces discussions seront risquées.
Pourtant, nous en avons eu ensemble. Nos bébés. Des grands, des petits. Des criards, des gaillards.
Des voyageurs et des hiverneurs.
S'en prendra-t-il aussi à eux ? Résultat de nos amours, si vite fanés.
Au-delà de mes frontières, le vent se lève.
Je n'ai pas d'yeux pour voir à quoi il ressemble.
Je n'aurais que ma peau pour ressentir les arbres tombés, les animaux terrorisés et les cadavres noyés se poser sur mes berges.
Je n'ai pas d'yeux pour les pleurer.
Je n'aurai que mes rivières pour les abreuver, les rassurer quand tout sera terminé.
Je ne peux, ni ne dois rien faire.
Futur témoin de massacres, futur endeuillé, permanent muet, c'est ma peau qui sera souillée.
Leurs sangs, leurs sèves, leurs lymphes...
J'ai peur.