Il y a bien longtemps, en Martinique, dans une partie enchantée de la forêt du nom de Cœur Bouliki, un phénomène magique se produisit. Des étoiles filantes tombèrent du ciel pour changer la vie d’êtres vivants.

Il s’agit d’animaux de la race des bovidés, dotés de deux yeux globuleux, un nez allongé et une large bouche. Avez-vous deviné de quel animal il s’agit ? Un petit indice, elles marchent à quatre pattes, fournissent du lait et se déhanchent en ruminant « Meuuuhhhh ».

Et oui ! Notre héroïne est une vache. Vêtue d’une robe ordinaire et d’un losange noir sur le front, elle déambule dans les prés avec nonchalance au côté de ses trois sœurs Rougette, Jaunette et Bleuvette.

Rougette est la plus curieuse des quatre vaches.

— Je ne suis pas si fouineuse ! marmonna Rougette toute rouge. Mais le jour où les étoiles filantes sont tombées sur Cœur Bouliki, je mangeais des cerises. Depuis j’admire tout ce qui est rouge autour de moi ! Les pommes d’eau, les prunes, les fraises ! Mais mon fruit préféré ce sont les cerises. Qu’est-ce que c’est beau le rouge des cerises ! s’exclama-t-elle en soupirant.

La plus discrète d’entre elles s'appelait Bleuvette car elle est à la fois bleue et verte. C’est une sacrée gourmande qui connaît les meilleurs endroits où brouter de la bonne herbe.

— Je ne suis pas si gourmande déclara Bleuvette. Mais le jour des étoiles filantes, j’étais dans mon jardin secret près de la rivière ! chuchota-t-elle en faisant un clin d’œil. Je savourais de l’herbe fraîche, arrosée de gouttelettes d’eau tout en scrutant le ciel.

La troisième vache, la plus intelligente portait le nom de Jaunette. Sa robe jaune brillait comme le soleil. Elle était si éclatante, que certaines fois, il était impossible à ses sœurs de la regarder à moins de s’équiper de lunette de soleil.

La dernière vache à la fois curieuse, gourmande et réfléchie débordait d’imagination. Notre héroïne sans couleur s’appelait la « vache sans nom ». —Étrange nom n’est-ce pas ? Je vous explique — Rêveuse, le jour du phénomène, elle dormait tranquillement sous un arbre. À son réveil, elle fut surprise par la couleur de la robe de ses sœurs. Elle aussi aurait voulu avoir une couleur exotique. Elle était triste de voir que sa robe n’avait pas changé de couleur.

Assise à contempler les étoiles, la vache sans nom dit à ses sœurs :

— Je vais vous dire un secret. Figurez-vous que je suis une princesse enfermée dans la peau d’une vache. Et j’attends le prince charmant qui me délivrera de mon enchantement !

— Meuuuhhhh comment te reconnaîtra-t-il ? demanda Jaunette.

— Tu as raison. Comment va-t-il me retrouver ? s’interrogea la vache sans nom.

Bleuvette mit une liane entourée de feuilles, autour du cou de sa sœur attristée.

— Maintenant, il saura que c’est toi ! répondit-elle fièrement.

— Meuuuhhhhrci grande sœur !

Un sourire qui s’évanouit aussitôt qu’elle eut terminé de manger la couronne de feuilles.

— Qui a-t-il ? Pourquoi es-tu triste ? demanda Rougette.

— Sans couleur mon prince ne meuuhhhh trouvera jamais. Je veux être rose, belle comme une fleur ! Mais si je ne deviens pas cette vache rose, il ne saura pas que c’est meuuhoi sa princesse ! Dit-elle les larmes aux yeux.

— Meuuuhhh non ! Rétorque Bleuvette pour la consoler. Un prince est un prince ! S’il vient pour teuuuhhhhoi, il te reconnaîtra !

Chaque soir Rougette, Bleuvette et Jaunette écoutaient leur sœur sans couleur leur raconter une histoire. Il était toujours question d’une princesse à délivrer.

— C’est décidé ! Demain, j’irai voir au-delà de la forêt, si mon prince ne s’est pas perdu ! dit la vache sans nom avec enthousiasme.

Tout en soupirant, alors que la nuit tombait sur cœur Bouliki, nos compères scrutèrent le ciel à la recherche de l’étoile filante qui réaliserait le vœu de leur jeune sœur.