Avenel

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 Les jours se succédaient. Le marchal les passait dans le cabinet du médecin qui avait été réaménagé pour l'accueillir. Ils passaient leur journée à s'occuper du blessé et a chercher tout ce qu'ils pouvaient trouver sur les écorchés, maintenant que Rodald avait accepté leur existence. Mazin avait toujours été calme, au point que la présence du marchal paraissait injustifiée ; nul n'était inquiet de son absence. En revanche, et cela inquiétait Avenel, les rumeurs progressaient plus vite que la rémission de son patient. Les volets fermés en permanence de son cabinet n'empêchaient pas les curieux d'affluer, au contraire. Il arriva un moment où la question de dévoiler la vérité sur le blessé se posa. Rodald était contre, ce qui causait des disputes qu'Avenel faisait son possible pour limiter. La version officielle était simplement qu'un pêcheur avait été retrouvé presque mort et qu'on cherchait d'où il venait. Cela ne convenait pas à la population, toujours avide de mystère, qui hésitait entre un criminel attendant d'être convoyé à la grande ville voisine pour y recevoir la peine capitale, une personnalité importante dont la mort devait être cachée ou une aristocrate locale qui se serait noyée avec son amant, un pêcheur, et dont le père serait trop craint par le marchal pour que celui-ci lui avoue la vérité. Bien qu'il n'y ai qu'un seul corps, cette dernière théorie remportait l'adhésion du plus grand nombre.


 — C'est la fille Mordiern, hein, Avenel ?

 Le médecin revenait du marché, son panier plein à la main.

 — Non, Merin, et ce n'est pas non plus la jeune De Rais. Ce n'est qu'un pêcheur...

 — Avec tout le mal que vous vous donner pour la cacher ? ironisa le marchand. Ne nous prends pas pour des idiots, Avenel ! Ça ne m'étonne pas du jeune marchal, mais toi, quand même... Depuis le temps qu'on se connaît...

 — Je te l'ai dit, si nous vous empêchons de voir le blessé c'est parce qu'il a besoin de calme et que de toute façon, ce n'est pas une attraction !

 — C'est pas ce qu'a dit Arnalt.

 — Vraiment ? s’alarma Avenel. Qu'a-t-il dit ?

 — Que vous lui aviez dit de rien dire ! On l'a beaucoup questionné, pour finir par avoir cette réponse.

 — Dois-je prévenir le marchal que vous harcelez ce pauvre homme ?

 — Non, non ! De toute façon je ne pense pas qu'il en dise plus... Enfin, notez que je ne contrôle pas les autres...

 — Merin, lorsqu'il sera remit sur pieds, vous le verrez bien. Soyez patient ! Et ne vous imaginez rien de fantasque, vous serez déçu.

 — On verra bien, rit le marchand. On verra bien...


 En entrant chez lui, Avenel posa son panier et s'effondra sur une chaise. Il était fatigué par les curieux et lassé de mentir. Merin avait raison, cette ville était la sienne depuis des décennies. Il avait confiance en ses habitants. Rodald disait peut-être vrai, révéler la vérité pourrait causer des problèmes, mais seraient-ils plus graves que l'agitation permanente aux fenêtres de son cabinet ? Il décida de remettre le sujet sur la table, argumentant que les rumeurs les plus folles circulaient déjà, qu'il ne pouvait être tranquille lorsqu'il sortait de chez lui et qu'Arnalt avait déjà bien aidé, ils devaient s'assurer qu'il ait la paix. Comme à son habitude, le marchal resta sourd à son raisonnement. Il le menaça de l'enfermer, avec le pêcheur, pour outrage à l'ordre public si l'information fuitait. Avenel s’énerva, Rodald plus encore. Finalement, le marchal claqua la porte et poussa sans ménagement les badauds qui voulaient entrevoir le moindre indice.

 — Dégagez ! N'avez vous donc rien de mieux à faire de vos journées ? leur hurla-t-il avant de partir.

 Avenel soupira. Il jeta un œil à sa pendule et constata qu'il était temps de changer les bandages du blessé. Il faudrait aussi le nourrir, mais cela attendrait le retour de Rodald. La guérison était en bonne voie, meilleure que tout ce qu'avait espéré le médecin. Pourtant, il se demandait parfois si l'écorché se réveillerait un jour. Sa respiration se stabilisait, ses plaies cicatrisaient, ses os se réparaient, mais ses yeux restaient clos. Avenel percevait parfois un léger tremblement lorsqu'il s'occupait des fractures ouvertes et devait les désinfecter, mais peut-être ne voyait-il que ce qu'il espérait voir. Il avait tant de questions à poser à son blessé dont la seule existence mettait en doute ce qu'il savait ou croyait savoir. Contrairement à Rodald qui méprisait les légendes locales, lui avait toujours aimé la façon dont l'imagination comble les lacunes de la compréhension ; mais de là à voir ces légendes se confirmer... Devait-il avoir peur du renfoncement, dans une falaise, où les mouettes faisaient leur nid et où l'on racontait qu'un dragon se cachait, enfermé dans la pierre ? Avenel se ressaisit. Il aurait ses réponses, mais la patience était de mise. Il changea les bandages, resserra les attelles et, puisque Rodald n'était pas revenu, assis le blessé pour lui faire boire du bouillon. Le faire à deux était bien plus aisé, mais Avenel se débrouilla pour ne pas en renverser. Il recoucha délicatement l'écorché, lorsque celui-ci émit un faible gémissement.

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