Chapitre 14 : blessée

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Saalyn se réveilla dans un environnement inconnu. Sa première impression fut l’absence de sensation. Elle avait l’illusion de flotter sur un petit nuage, sans ressentir la moindre douleur. Pourtant, avec ses blessures, son bras aurait dû l’élancer. Puis vint la luminosité. Tout, autour d’elle était blanc, au point d’en agresser les yeux. Et ce bip lancinant qui se produisait à intervalle régulier, au rythme de son cœur.

Peu à peu, elle prit conscience de son environnement. La blancheur devint lumière, elle commençait à distinguer ce qui l’entourait. Elle se trouvait dans une tente, allongée sur un lit. La pièce était remplie d’appareils inconnus. C’était de l’un d’eux que provenait le son. Sur sa face avant, des lignes toujours changeantes se dessinaient, accompagnées de symboles. Elle ne comprenait pas ce qu’elle voyait, mais elle n’avait pas la force d’y réfléchir. Un autre système, une sorte de pochette était fixée au-dessus d’elle. Il était relié par un tuyau à son bras. Un liquide transparent s’y écoulait.

Le rideau qui fermait l’accès s’ouvrit et une femme entra. Enfin, Saalyn l’identifia comme une femme. Mais elle semblait étrange. Au niveau de la poitrine, elle distinguait des rondeurs qui pourraient bien être des seins, mais elle en présentait une plus grosse encore sur le ventre. Était-ce normal ou cette personne souffrait-elle d’une difformité. Elle n’osait le demander de peur de toucher un point sensible.

En voyant Saalyn éveillée, la jeune femme sourit.

— Vous êtes réveillée, constata-t-elle.

Elle ouvrit la bouche. À moitié endormie encore, à cause des drogues qu’on lui avait données, elle eut du mal à articuler. Elle parvint à prononcer un mot.

— Appelez…

Mais appeler qui ? Elle connaissait le matricule de celui qui les avait reçues dans sa propre langue, mais pas dans celle de ces gens. Elle ne pouvait pas leur dire qui elle voulait voir.

— Vous voulez que j’aille cherche 517 ? demanda l’infirmière.

Malgré la barrière du langage, elle avait compris. Cela rassura Saalyn. Pourtant, elle n’avait pas eu conscience jusqu’à présent d’avoir eu besoin d’être rassurée.

La jeune femme ouvrit la pochette qu’elle avait amenée. Elle en tira la tunique de Saalyn.

— J’ai essayé de la réparer, dit-elle en la montrant à la guerrière libre, mais j’ai peur de ne pas être une couturière efficiente. En tout cas, quand vous partirez d’ici, vous serez décemment habillée.

Saalyn ne pouvait lui en vouloir, elle-même n’était pas très douée avec une aiguille. Ses talents lui permettaient de recoudre un bouton ou de repriser un accroc, mais guère plus.

— Qui êtes-vous ? demanda-t-elle.

— Oh ! Excusez-moi, j’ai oublié de me présenter. Je m’appelle 868. 517 vous a certainement parlé de moi ?

Les idées de la guerrière libre s’éclaircissaient rapidement. Elle reconnut le matricule. Il en avait parlé comme de sa compagne. Elle hocha la tête. Saalyn la détailla. Elle ressemblait fortement à son compagnon, même grande taille qui l’aurait obligé Saalyn à lever la tête pour la regarder dans les yeux si elle avait été debout, mêmes cheveux blonds qui descendaient au milieu du dos, et mêmes yeux verts entourés de blanc. Mais elle était loin d’en avoir la sveltesse.

— Où est 517 ? demanda-t-elle d’une voix plus affirmée.

— Il attendait que vous vous réveilliez. Dès que je l’aurai averti, il viendra.

— Merci.

La jeune femme pendit la tunique et le pantalon dans le petit placard.

— Je ne peux pas rester plus longtemps, s’excusa-t-elle, j’ai du travail. Je préviens 517, il viendra là dès qu’il le pourra.

— Merci.

868 plaisait beaucoup à Saalyn. Elle était gentille, vive, elle dégageait une sorte d’aura de joie autour d’elle. Quand elle sortit, elle laissa un grand vide derrière elle.

Une fois seule, elle tenta de joindre Wotan. Il répondit aussitôt. Elle ressentit son soulagement à sa prise de contact.

— Enfin te revoilà, dit-il.

— Je vous ai manqué, demanda-t-elle en essayant de plaisanter.

— Je savais que tu n’étais pas morte. Mais rien de plus. Les produits qu’ils t’avaient donnés avaient comme éteint ton esprit.

— Ils n’ont pas brisé le lien au moins.

— Heureusement, mais j’ai peur qu’ils puissent en prendre conscience. Alors attention.

— Compris. Muy ?

— Elle est bien arrivée à Baltis. Même avec les pouvoirs de Panation, elle mettra du temps à se rétablir. Mais on pense qu’elle s’en sortira.

— Ces monstres étaient trop puissants et…

— Ne te fatigue pas en essayant de m’expliquer, j’ai tout vu. J’étais dans ta tête pendant la bataille et Wuq dans celui de sa jumelle.

— Bien sûr.

À ce moment, le rideau se souleva.

— Je te laisse, dit Wotan.

Elle sentit que les pensées conscientes de son pentarque disparurent, mais il restait telle une petite présence dans un coin de son esprit. Il veillait sur elle. Elle n’était pas seule.

Elle attendait 517, mais ce fut un inconnu qui entra. Il s’affairait tout en parlant dans une langue incompréhensible. Elle estima qu’il devait être une sorte de guérisseur.

— 517 ? demanda-t-elle.

— Je suis là ! lui répondit une voix hors de la chambre.

La personne qu’elle espérait arriva enfin.

— 868 m’a dit que vous souhaitiez me voir.

— Je ne comprends pas où je suis et ce qui se passe.

— On vous a retrouvé blessé sur le rivage. Nous vous avons transporté à notre infirmerie.

Elle désigna la pièce d’un mouvement de la tête.

— Ce sont ces appareils qui me soignent ?

— Non. Ils vous surveillent seulement. Mais j’ai bien peur qu’ils ne servent à rien. Vous êtes différents de nous, nous ignorons s’ils nous renvoient des données correctes.

Le visage de Saalyn dut exprimer son incompréhension puisqu’il s’expliqua.

— Votre température est très basse. Et elle l’est toujours alors que vous êtes consciente. Ce doit donc être normal. Chez nous, avec une telle valeur, on serait déjà mort.

— Vous êtes comme les gems, chaud ?

— J’ignore ce que sont ces gems. Mais notre corps est chaud en effet. Le vôtre est… On ne peut pas dire qu’il est froid. Mais il est loin d’être aussi chaud que le nôtre.

— Est-on obligé de parler de médecine ?

— Excusez-moi. Depuis quelques jours, Nertali est dans tous ses états et je crois que son excitation est contagieuse.

— Nertali ?

— Vous ne la connaissez pas, c’est vrai. Vous n’avez rencontré que Gavold. C’est elle qui s’occupe de cet hôpital.

Nertali ! Gavold ! Mais de qui parlait-il ? Des feythas ? Ceux-ci portaient-ils des noms ?

517 se tira une chaise pour se placer à côté du lit.

— Passons aux choses sérieuses, dit-il.

Il s’assit.

— Où est votre patronne ? commença-t-il.

— Elle n’est pas avec moi.

— Vous êtes entrées ensemble dans notre camp. Qu’est-elle devenue ? Comment est-elle sortie ?

— Je l’ignore. On a été séparées.

— Pourtant, elle a abordé la rive avec vous, mais quand on est arrivé, elle n’était plus là.

— Je n’ai plus trop conscience de ce qui s’est passé à ce moment.

517 lui sourit. Il arrêta ses questions. Il se leva, vérifia la fermeture du rideau et revint s’asseoir.

— Comme cela, nous ne risquons pas d’être surpris, expliqua-t-il.

Il reprit place sur sa chaise, mais il se pencha sur le visage de Saalyn.

— Je vais vous aider, dit-il à la limite de l’audible. Mais vous allez me dire ce que vous êtes réellement.

— Mais je vous l’ai dit. Je suis…

Il leva la main.

— Vous m’avez menti. Vous n’êtes pas un envoyé officiel de cet empire. Vous êtes autre chose de différent.

Saalyn hésitait.

— Vous pouvez me parler en toute confiance. Je ne dirais rien aux feythas. Vous avez ma parole.

Ne sachant que faire, elle interrogea Wotan. Ce dernier mit un moment à répondre.

« Tu peux lui faire confiance, lui répondit Wotan, dis-lui la vérité. »

Elle hocha la tête.

— D’accord, dit-elle, je vais tout vous dire.

Elle s’humecta les lèvres. 517 se leva pour lui apporter un verre d’eau.

— Je suis une guerrière libre, annonça-t-elle. Ma corporation est une sorte de service de police qui peut agir partout dans le monde, y compris hors de mon propre pays. Ma mission principale consiste à rechercher ceux des miens qui ont été enlevés et à les ramener dans mon pays.

L’étranger semblait ravi de cette nouvelle.

— Je me doutais bien que vous étiez quelque chose comme ça. Et qu’en est-il de ceux qui ne sont pas de votre pays, mais qui voudraient s’y rendre ?

— Pour immigrer ?

Il hocha la tête.

— Cela fait partie de mon rôle de les aider.

— Et votre compagne. Vous avez dit qu’elle était une reine, mais ce n’est pas dans les attributions d’une reine de partir en mission avec ses agents.

— C’est dans les miennes de réquisitionner toute personne que j’estime nécessaire à ma mission.

— Y compris votre reine ?

— Ma pentarque, plus exactement.

— Et qu’est-ce qu’une reine modèle réduit possède comme compétence unique pour que vous la preniez avec vous ?

— C’est la meilleure guerrière de mon pays.

— Vu le combat qui s’est déroulé sur le plateau et dans la rivière, je n’ai aucun mal à le croire. C’est la première fois que quelqu’un survit aux attaques d’un de nos défenseurs. Alors deux d’affilée…

Il retourna vers Saalyn.

— J’ai un problème, mais je pense que vous allez le résoudre pour moi.

— Lequel problème ?

— Plus tard, quand je repasserais. Maintenant, reposez-vous.

Elle hocha la tête.

— Un dernier conseil, méfiez vous des feythas.

— Pourquoi ? Sont-ils agressifs ? Dangereux ?

— Agressif, je ne crois pas. Dangereux, évidemment. Ils nous dépassent sur tous les plans. Je pense qu’ils vont collaborer avec les habitants de ce monde. Mais n’oubliez jamais qu’ils feront toujours passer leurs intérêts en premier.

— C’est le lot de tout être vivant.

Ce coup-ci, ce fut lui qui hocha la tête. Il quitta la chambre, laissant Saalyn seule avec ses pensées.

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