Chapitre 9 : Onirie

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 Mira Valerian guida son invité jusqu’au salon jaune, où tous deux s’assirent dans de volumineux fauteuils garnis de moelleux coussins. Norton apporta une grande carafe d’eau fraîche et deux verres, puis laissa les jeunes gens en tête-à-tête. Aaron ne voulut pas parler le premier, ne sachant où débuter. Il se remplit un verre, et rougit de son impolitesse. Il allait proposer à sa compagne de la servir, mais se ravisa. La jeune femme regardait ses genoux, le visage incliné, de profondes cernes autour des yeux. Elle releva la tête, le visage fermé.
 — Je vais te poser un certain nombre de questions, entama-t-elle, et je te prie de répondre honnêtement.
 Aaron opina, un peu intimidé.
 — Qui es-tu ?
 — Préférez-vous la version longue, ou la version simplifiée ? demanda le jeune homme, incertain du ton à adopter.
 — La plus complète possible, et pas la peine de me vouvoyer.
 — Euh... D’accord, si vous... Si tu veux ! se reprit Aaron, décontenancé par le tour que prenait la conversation.
 — Ne sois pas si stressé. Je te fais peur ? fit la jeune femme en se penchant vers l’avant.
 Aaron eut un mouvement de recul.
 — Non, non, dit-il d’un ton peu convaincant. Je m’appelle Aaron, je...
 — Pardon de t’interrompre, mais tu n’as pas de nom de famille ? s’enquit Mira en reprenant sa position initiale, au fond du fauteuil.
 — Non, juste Aaron. Je n’ai presque aucun souvenir de mon enfance. Je me rappelle vaguement avoir vécu au royaume du Taagan à une époque, mais c'est tout. Ma mémoire remonte à mon arrivée à Kelcia. J’étais seul et j’avais neuf ans, je crois. J’ai survécu comme...
 — Tu n’as aucun souvenir de tes parents ? le coupa Mira.
 — Aucun.
 La jeune femme eut un petit hochement de tête, puis poursuivit :
 — Est-ce que tu rêves ?
 Le jeune homme secoua la tête.
 — Non, non, j’attends la prochaine question.
 — Tu m’as mal comprise. La nuit, quand tu dors, est ce que tu rêves ?
 Aaron cligna des yeux devant l’incongruité de la question.
 — Euh... Oui. Assez fréquemment. Pourquoi ça ?
 Mira l’ignora.
 — As-tu une idée de ce qu’est cette poudre que Maggie l’épicière me vend, et que tu lui fournis, si j’ai bien compris ?
 Aaron avait du mal à mettre en évidence la logique de l'interrogatoire. Il prit une gorgée d’eau fraîche pour s'humidifier la gorge.
 — Oui, quand j’ai besoin d’argent, j’amène de cette poudre à Maggie. De l’onirium, je crois... Je ne sais pas à quoi ça sert. J’en tire un bon prix, c’est tout. C’est grâce à cette poudre que je suis encore en vie aujourd’hui. Merci d’en acheter, fit il avec un sourire reconnaissant.
 En guise de réponse, ce fut une nouvelle question.
 — Où la trouves-tu ? Le regard de Mira se fit inquisiteur.
 — Je la fabrique, en quelque sorte.
 La jeune femme eut un sursaut et se redressa vivement.
 — Continue, s’il te plaît.
 Elle avait les yeux grands ouverts et le fixait avec attention.
 — C’est un peu difficile à comprendre. Je ne sais pas trop comment ce genre de choses est possible. J’ai oublié tout à l’heure, mais j’ai bien un souvenir de mes parents. C’est un petit pot, qui contient une sorte de poudre rouge. Je l’avais sur moi en arrivant à Kelcia, avec un morceau de parchemin qui disait : « Mélangée à de l’eau frémissante, cette substance inhalée transformera ton rêve en réalité ». Quand j'en mets une pincée dans de l’eau bouillante, les vapeurs prennent une odeur d’œuf pourri, et je perds connaissance. À mon réveil, tout est flou autour de moi. Ensuite, je peux plonger ma main dans l’eau. Puis elle disparaît. L’eau, je veux dire, pas ma main... Elle s’évapore et il ne reste que de l’onirium au fond du récipient.
 À la fin de son explication, Aaron reprit une gorgée d’eau. Mira était immobile, figée de stupeur. Elle se laissa retomber au fond de son siège, le regard fixé vers le plafond, et se mit à marmonner :
 — Impossible, c’est juste impossible...
 Elle resta ainsi presque une minute, indifférente à la présence du jeune homme. Celui-ci, n’y tenant plus, reprit la parole :
 — Excuse-moi, Mira ? Je n’y comprends rien. Pourquoi toutes ces questions ?
 — C’est un peu long à expliquer.
 — Je ne suis pas pressé, ces fauteuils sont trop confortables.
 Le visage de la jeune femme s’éclaira d’un franc sourire. Un instant, ses cernes disparurent et son teint fut moins pâle.
 — Je comprends, dit-elle. As-tu déjà entendu parler d’onirie ?

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