Voilà bien trois jours que Dame KETY nous mettait en garde. Aujourd’hui est le jour de l’excursion dans les gorges de SAMARIA. C’est le passage obligé de tout touriste venant visiter la Crète. La merveille des merveilles. La tête d’affiche de toutes les agences touristiques.

Mais attention, ce joyau n’est pas à la portée de tout le monde. Non, il n’est pas question d’argent ici, mais de muscles. Les gorges de SAMARIA, longues de 18 kms, sont un étroit défilé qui taillade les montagnes depuis le plateau d’Omalos à 1100 m d’altitude jusqu’au village d’Agia Roumeli que baigne la mer de Libye.

Selon Dame KETY, pour venir à bout de cette randonnée de 18 kms, il faut être Rambo ou Superman et disposer d’une bonne paire de chaussures de montagne. En outre, il est précisé qu’en cas d’incident, l’évacuation ne se fait pas par hélicoptère mais à dos de mulet et que la promenade devient franchement onéreuse. C’est qu’elle n’a pas envie de se compliquer l’excursion Dame KETY. Elle ne veut pas qu’on puisse lui reprocher de ne pas nous avoir avertis sur les difficultés de l’entreprise ! Elle insiste bien sur le fait qu’une fois partis, il est impossible de faire demi-tour et que la marche dure environ 6 heures. Voilà qui refroidit le car plus que la climatisation n’en est capable. En prime, elle ajoute que pour ceux qui, malgré tout, décideraient de se lancer dans l’aventure de ces gorges profondes, le lever est à cinq heures du matin. Pour moi, c’est le coup de grâce !

Ce que Dame KETY a omis de dire, c’est qu’il existe une possibilité de découvrir cette curiosité géologique jusqu’à son point le plus spectaculaire en commençant votre marche par le bas et en remontant les gorges sur 5 à 6 kms.

Malgré toutes les mises en garde, les deux tiers du car, composés de chevaliers Bayard et de coeurs vaillants, se feront réveiller au milieu de la nuit. L’autre tiers, dont nous faisons partie, composé de cloportes et de pleutres (on finit par culpabiliser) quittera La Canée en car à 8^H15 pour se rendre dans le petit port de CHORA SFAKION au sud de l’île, et de là prendra un car ferry qui le déposera à Agia Roumeli.

Agia Roumeli, escale portuaire blottie entre la montagne et l’eau n’a d’autre accès terrestre que les gorges de SAMARIA. C’est un cul-de-sac dont il n’y a rien à dire sinon que l’on peut s’y baigner et y consommer les meilleurs jus d’oranges pressées de la terre.

Cette promenade d’environ 10 kms aller-retour dans les gorges, en commençant par la fin, nous l’avons faite et y avons pris beaucoup de plaisir. Certes, la marche est assez pénible sur les cailloux brûlants du lit de la rivière. Toutefois, rien ne vous empêche de vous rafraîchir et de vous désaltérer autant de fois que vous le souhaitez. Mais attention, l’eau étant potable, la baignade est interdite et les enfants seront rappelés à l’ordre ! L’eau de source qui serpente au fond de ces gorges désaltéraient autrefois les nymphes. Nous avons admiré des plissements de roches spectaculaires au creux de ce canyon et croisé des maisons en ruine avant d’arriver au passage le plus exigu (à peine trois mètres de large entre des murailles qui atteignent le ciel) les « Portes de fer » considérées depuis le temps de Minos comme les portes d’une autre monde.

Tout cela est exact. Nous pouvons en témoigner. Nous les avons vus revenir de « l’autre monde » nos coeurs défaillants et chevaliers braillards. Rouges, au bord de l’apoplexie, ils terminent sur les genoux leurs 18 kms de souffrances. Certains ont les pieds ensanglantés, allant jusqu’à découper leurs chaussures pour moins souffrir. Ils mettront plusieurs jours à s’en remettre mais garderont un souvenir inoubliable de leur séjour en Crète.