Chapitre 48

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Quatre années s'étaient écoulées depuis le discours de Jack lors du Grand Prix de Véerème-City. Suite à cette intervention, il s'était mis toute la planète à dos. Le Efdéème était rassuré de voir que celui qu'il considérait comme son second ennemi après le Véerème, n'était apparemment pas rangé du côté de ce dernier. Dalkia avait tout de suite identifié l'auteur du discours comme étant Jack Lorage, l'un des Héros de la guerre de Dalkia en 1990. Une fois son identité révélée par les autorités dalkiennes, le Véerème leur a aussitôt demandé de leur transférer toutes les informations qu'ils avaient à son sujet.

Les jours suivant, ce fut au tour de l'Empire de se ranger du côté de leurs alliés dans leur lutte contre le monstre, celui qui avait assassiné en direct pas moins de onze policiers avant d'en laisser un en vie pour qu'il témoigne. Ce dernier avait d'ailleurs fait ce que Lorage lui avait dit de faire, c'est à dire, témoigner devant les journalistes, devant ses collègues, dire que Lorage était invincible que rien ne pouvait l'arrêter, avant de rejeter la responsabilité de la mort de ses onze collègues à son supérieur. Ce qui lui avait valu d'être relevé de ses fonctions. Aujourd'hui, le pauvre homme était interné dans un hôpital psychiatrique, tellement il avait été traumatisé par ce qu'il avait vécu. Il s'était mis à raconter que Lorage prendrait tôt ou tard le contrôle du monde et qu'il chercherait à s'en prendre à lui et sa famille, pour "achever ce qu'il n'avait pas pu terminer" en 1994, lorsqu'il le laissa en vie.

La petite intervention de Lorage eut d'autres effets. Dans certaines villes utopiennes existaient des justiciers, des super-héros. Lorsque le Efdéème dévoila des informations sur Jack Lorage, afin d'accentuer la peur que les gens avaient de lui, beaucoup d'entre-eux cessèrent leurs activités et se turent. Plus personne n'eut de nouvelles d'eux. Certaines légendes urbaines dirent que Jack Lorage lui-même avait entamé une grande purge pour les éliminer, eux qui constituaient une menace pour lui. Personne ne put confirmer ou infirmer ces légendes. Toujours était-il que bon nombre de justiciers avaient disparus.

Personne ne réussit à mettre la main sur Lorage. Pas même Akeba Léonas, le chasseur de prime Elfe et son équipe, qui avaient dans un premier temps décidés de ne plus le rechercher avant de s'être vu quadrupler la prime en cas d'élimination de la cible. Akeba et son équipe reprirent alors leurs recherches. Jusque-là sans succès.

Personne n'avait pour le moment découvert l'alliance entre Lorage et Desmond Wilson, le PDG de Technobot Industries. Tout comme personne avait connaissance du rôle d'Elena dans les projets du paranormal. L'ingénieure dalkienne avait d'ailleurs achevé la construction de l'armée robotique qui comptait désormais plusieurs centaines de milliers d'unités.

Concernant la guerre, elle avançait également. Le Efdéème avait fini par envahir la moitié de Katalonia et un quart du territoire Mextrien avant d'être arrêté par les forces véerèmes, nord-véerèmes, Impériales et dalkiennes, transformant alors le conflit en guerre de position. L'Empire et le Véerème inaugurèrent la station spatiale militaire AGATHE, et le Véerème, tout comme le Efdéème avaient déployé leur nouvelle génération de vaisseaux avoisinant les huit-cent mètres de long.

Jack Lorage Laissait se dérouler le conflit et attendait que le Véerème et le Efdéème soient suffisamment affaiblis pour frapper. Car selon Harmonie Freya, c'est lorsque les deux puissances se seront détruites que naîtrait le "Nouvel Ordre" qu'il voulait combattre.

Pour le combattre, Jack avait tout ce qu'il lui fallait. Mais un élément qui lui paraissait fondamental lui faisait défaut. Il avait fait le deuil de l'épée magique. Mais il souhaitait rallier une personne qui lui était chère, à sa cause : Naturia. Il fallait qu'elle comprenne pourquoi il faisait tout ça. Il fallait qu'elle comprenne et qu'elle accepte de le suivre. De l'aider. Il savait que ça ne serait pas aussi simple de la convaincre. Mais il devait essayer. C'est pourquoi, il décida de se rendre en personne au Pays des Rêves, pour y retrouver son amie. Celle qui pour lui, lui avait permis de devenir ce qu'il était aujourd'hui à ses yeux : le plus puissant paranormal.

De son côté, Naturia s'en était toujours voulu pour ce que Jack avait fait. Elle s'était toujours dit que s'il elle n'avait pas été à sa rencontre lors de la guerre de Dalkia. Si elle ne l'avait pas incité à la rejoindre au Pays des Rêves, il n'aurait jamais commis toutes les horreurs qu'il avait faites.

Ainsi, elle se consola en entamant une nouvelle activité. Celle d'accueillir et d'élever des orphelins au Pays des Rêves. La plupart étaient des enfants qui avaient perdu leur famille lors de la guerre.

***

Pays des Rêves, Utopia, 23 novembre 1998, en pleine nuit

Jack était arrivé au Pays des Rêves. Il s'était dirigé là où résidait autrefois la protectrice du Pays. Il fut surpris lorsqu'il vit à côté de la petite maison de l'Elfe, un plus grand bâtiment. Certes un bâtiment dans le même style. Mais plus grand. Un panneau sur lequel il était inscrit "Orphelinat" pointait sur lui.

"Alors elle accueille les orphelins..." pensa-t-il.

Lorage s'approcha de l'orphelinat. Il le contourna puis arriva au niveau d'une fenêtre. Il s'en approcha et utilisa ses dons pour faire sauter la fermeture. Une fois la fermeture forcée, le paranormal entra dans le bâtiment. Il n'avait plus qu'à trouver celle qu'il cherchait.

En chemin il passa devant des chambres. Toutes étaient fermées. Toutes sauf une. Jack s'y arrêta et vit un jeune garçon environ quatre ou cinq ans, allongé sur un lit, en train de dormir. Il ressentit quelque chose d'étrange. Comme s'il était lié à lui. Comme si ce garçon était important pour lui ou le serait. Il ne savait pas pourquoi, mais il entra dans la pièce et se plaça au bout du lit. Il resta à observer le garçon pendant plusieurs minutes essayant de deviner ce qu'il avait de si spécial. En vain. Il n'arrivait pas à lire l'avenir comme aurait pu le faire Harmonie Freya. C'était un don que Jack ne comptait pas parmi le large éventail de capacités qu'il possédait.

Soudain, le garçon se réveilla, surprenant Jack qui ne savait pas quoi faire. Il resta là où il était. Le garçon se redressa, s'assit dans son lit et fixa l'homme qui se tenait au bout de son lit. Jack le regarda dans les yeux. Il fit le signe de ralliement de son père, la "main cachant l'oeil", en cachant son œil droit de la main droite. Le garçon le regardait sans rien dire. Il ne comprenait pas ce que faisait ce mystérieux individu au pied de son lit, ni même la signification de son geste.

Jack de son côté était impressionné. C'était la première fois depuis des années que quelqu'un le voyait sans être terrifié. C'était la première fois depuis longtemps que Jack n'arrivait pas à "effrayer". C'était lui qui était effrayé. Il ne comprenait pas. Il ne devrait pourtant pas l'être, ça n'était qu'un garçon... Un enfant qui ne savait sûrement pas encore lire ni écrire... et pourtant, c'était bien à cause de ce petit, qu'il se sentait mal. Mais pourquoi ?

La scène fut interrompue lorsque Naturia alluma la lumière de la chambre.

—Jack ! cria t-elle. Je le savais... j'ai senti ta présence !

—Naturia... fit Jack encore déboussolé par ce qu'il venait de vivre.

L'Elfe se dirigea vers le garçon et le pris dans ses bras.

—Jo... tu vas bien ?

Le garçon répondit d'un oui de la tête.

—Vas au salon et attend moi, d'accord ?

—Oui, répondit l'enfant avant de s'en aller.

Jack le regarda quitter la pièce puis se tourna vers son ancienne amie.

—Qui est-ce ? demanda t-il.

—Ça ne te regarde pas... Qu'est-ce que tu veux ?

—Il n'a même pas eu peur, ajouta Jack ignorant la question que venait de lui poser Naturia. C'est vraiment...

—Jack ! le coupa l'Elfe. Qu'est-ce que tu es venu faire ici ?

Lorage tourna la tête vers elle.

—J'ai trouvé un moyen pour nous sauver Naturia.

—Je vois... Tu es toujours persuadé qu'un "Nouvel-Ordre" où je ne sais trop quoi s'en prendra à nous dans une vingtaine d'années...

—Tu refuses toujours de me croire pas vrai ? Tu ne veux pas voir la vérité en face !

—Jack, c'est complètement... improbable, répondit l'Elfe en cherchant ses mots.

—Il faut pourtant que tu m'aides à éviter ça... Tu serais un atout de taille pour nous. Autrefois tu disais vouloir protéger le monde du "Mal"...

—Le "Mal" dont je t'ai parlé cette année-là, je le vois en toi aujourd'hui. Il renaît à travers toi.

Lorage réfléchit quelques instants.

—Je ne t'en veux pas de ne pas me croire... Après tout, tu n'as pas vu ce que j'ai vu.

—Jack... vas t-en. Ne m'obliges pas à te faire du mal s'il te plait.

Jack lui sourit tout en s'approchant de la porte de sortie, avant d'ajouter :

—Je te considères toujours comme une amie Naturia. S'occuper des orphelins... C'est une noble cause. J'ai moi-même était orphelin si tu te souviens bien.

Lorage ouvrit la porte et s'appreta à partir, comme lui avait ordonné la protectrice du Pays des Rêves, son ancienne maîtresse.

—Fais bien attention à eux, ajouta Jack en parlant des orphelins. Et puis... je suis sûr qu'un jour tu changeras d'avis. Un jour tu me rejoindras.

—Ne comptes pas la-dessus, répondit froidement Naturia.

—Nous verrons, ajouta Jack, sûr de lui avant de partir.

Lady Naturia observa Jack s'éloigner. Elle savait qu'il ne s'en prendrait jamais à des orphelins. Du fait de son propre passé, elle savait qu'il respectait, qu'il soutenait les orphelins dans leurs épreuves. Mais elle avait senti qu'il était intéressé, intrigué par Jo. A vrai dire, elle aussi. Elle ne savait pas d'où il venait. Et lui-même ne se souvenait plus de l'endroit d'où il venait. Elle n'avait d'ailleurs pas remarqué qu'il était revenu vers elle.

—C'était qui ? demanda le petit garçon.

Naturia sursauta.

—Jo ? Mais je t'avais dit de m'attendre au salon.

—C'était qui le monsieur ?

—Personne. Viens on retourne dormir.

***

Le lendemain, après avoir réfléchit là-dessus toute la nuit, Naturia avait fini par se rendre à l'évidence. Jo était en danger s'il restait avec elle. Elle ne sait pas pourquoi, mais Lorage avait ressentit quelque chose en lui. Et il viendrait tôt ou tard le prendre. Elle n'avait donc pas le choix. Pour l'intérêt du garçon, pour sa sécurité, elle devait s'en séparer et le confier à quelqu'un de confiance. Quelqu'un avec qui il serait à l'abri de Jack. C'est pourquoi elle avait demandé à son ami Grant Kodyn de venir au plus vite. Ce qu'il fit.

Il pleuvait des cordes. Mais la pluie ne semblait en aucun cas perturber les célèbres Commandos MOCH protégés par leurs armures.

—C'est lui le garçon ? Demanda Kodyn.

—Grant, prend-le. Fais-en un MOCH. Il sera plus en sécurité avec vous qu'avec n'importe qui d'autre.

—Je ne comprend pas... pourquoi Jack s'intéresserait à lui spécialement ?

—Je n'en sais rien. Mais crois-moi... Il reviendra le chercher s'il reste ici. J'en suis sûr.

—Qui-est ce ? Où tu l'as trouvé ? Demanda le MOCH, s'intéressant alors aux origines du petit.

—C'est lui qui m'a trouvé.

Le chef des commandos MOCH fixa Naturia. Il attendait que la réponse soit plus précise. Plus détaillée.

—Je ne sais pas d'où il sort. Il vadrouillait dans les prairies du Pays des Rêves et il a fini par tomber sur moi.

—Il serait originaire d'ici ?

—Je ne sait pas... Je ne pense pas. Personne ne l'a réclamé. Personne n'a signalé la disparition d'un enfant. Ni ici ni ailleurs dans le monde. Je veux dire... Personne n'a signalé la disparition d'un enfant dont la description lui corresponde. Je crois qu'il est lié à ce "crash".

—Quel crash ?

—Il y a à peu près un an, la veille du jours où je l'ai rencontré, la nuit j'ai fait une sorte de cauchemar dans lequel je voyais ce que je croyais au départ être une météorite, s'écraser au Pays des rêves dans un vacarme terrifiant au point de me réveiller. Je suis sortie de chez moi et j'ai vu plusieurs gnomes venir vers moi affolés en me disant qu'ils avaient vus quelque chose s'écraser. Je me suis rendu sur les lieux du crash. Il n'y avait rien du tout excepté des traces au sol. Quoi que ce soit, ça n'était pas une météorite.

—Donc il viendrait... d'Exotis ?

—Je n'en sais rien. Mais si c'est le cas, pourquoi Exotis enverrait-il un enfant sur notre monde.

Naturia avait raison. Si on exceptait les voyages clandestins ou à l'initiative d'utopiens comme c'était le cas pour Hal Damon qui était venu sur Utopia à la demande des efdéèmois, lors de la guerre de Dalkia, Exotis n'était pas du genre à envoyer des visiteurs depuis la seule fois qu'ils l'ont fait, il y a de cela plus de trente ans. Alors pourquoi enverraient-ils un petit garçon seul, sur Utopia ? Grant était d'accord avec l'Elfe, tout cela n'avait aucun sens.

—Et lui ? Il ne sait pas d'où il vient ? Demanda-t-il.

—Peut-être l'a t-il su... Certainement même. Mais il a perdu la mémoire. Et selon notre médecin, tous ses souvenirs datant d'avant ses trois ans sont perdus à jamais.

—Je vois, dit Kodyn en regardant le garçon. Ce n'es pas la première fois que je dois m'occuper d'un enfant à cause de Jack.

Naturia regarda le MOCH d'un air interrogateur.

—Une jeune femme dalkienne, reprit Kodyn qui ignorait que Naturia la connaissait également, a eu un enfant avec Jack. Elle m'a demandé de la conduire sur Exotis pour la mettre hors de danger.

—Tu parles de Olympe McNamara ? Oui j'étais au courante qu'elle attendait un enfant.

—Une petite fille oui. Leslie. Je l'ai envoyé sur Exotis à sa demande. Chez Hal Damon, le paranormal exotien.

—Est-il fiable ?

—Olympe a confiance en lui.

Naturia fit un signe de la tête, montrant qu'elle comprenait la décision de la jeune dalkienne, avant de revenir au cœur de la conversation.

—S'il te plait Grant. Promet-moi que tu prendras soin de lui. Je n'aime pas me séparer de l'un de mes enfants. Promet le moi...

La protectrice du Pays des Rêves considérait tous les enfants qu'elle recueillait comme les siens. Se séparer de l'un d'entre eux c'était comme se détacher d'une partie d'elle.

Le commando MOCH pouvait lire dans les yeux de l'Elfe. Elle était terrifiée. Terrifiée à l'idée que Jack pourrait un jour vouloir retrouver le garçon... Comme il aurait pu vouloir enlever sa propre fille s'il en connaissait l'existence.

—Il sera en sécurité avec nous. Je te le promet. Je veillerais personnellement à ce qu'il devienne l'un des nôtres, un MOCH.

Naturia s'agenouilla puis déposa ses deux mains sur les épaules de Jo. Ce dernier ne comprenait pas ce qui était en train de se passer. Pourquoi devait-il quitter le seul endroit qu'il connaissait ? Ou du moins le seul endroit dont il se souvienne.

—Jo... Tu vas aller avec ces messieurs. Ne t'inquiètes pas, ça se passera bien. Il t'apprendront à être quelqu'un de fort. Tu comprends ?

—C'est à cause du monsieur ? demanda Jo en référence à l'homme qui avait fait irruption dans sa chambre la veille.

"C'est dingue qu'il comprenne ça à son âge..." pensa l'Elfe.

—Oui, répondit elle. J'ai peur qu'il revienne pour te faire du mal.

—Mais tu es forte. Tu es plus forte que lui. Tu peux nous protéger...

Naturia ne savait pas quoi répondre à ça. A vrai dire, elle ne savait pas qui de elle ou de Jack était le plus puissant, même si elle craignait fort que Jack ait fini par la surpasser et atteindre le potentiel qu'elle avait ressentie en lui.

—J'ai peur qu'il vienne quand je ne suis pas là. Tu comprends ?

—Mais... reprit le petit garçon avant d'être interrompu.

—Ne t'inquiètes pas. Je suis sûre qu'on se reverra un jour.

Naturia se releva et fit un pas en arrière pour s'éloigner de l'enfant qui ne détacha pas le regard de celle qui avait pris soin de lui pendant plus d'un an.

—Viens petit, dit Grant en tendant sa main à Jo. On doit y aller.

Le petit garçon plongea son regard dans la visière rouge sang du guerrier. Nul ne sait ce qu'il ressentit à cet instant. Après quelques secondes qui semblèrent une éternité pour Naturia et Grant, il déposa sa main dans celle de Kodyn qui la referma avant de faire un dernier signe de tête à son amie du Pays des Rêves afin de la rassurer, puis ils s'éloignèrent, suivis par les autres MOCH présents.

Naturia les regardait partir les larmes aux yeux. Puis au bout de plusieurs minutes, elle finit par regagner l'orphelinat où d'autres enfants avaient encore besoin d'elle.

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