Chapitre 14

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Songe, Pays des Rêves, Utopia, 15 juillet 1990, après-midi

Comme il le lui avait demandé, Naturia était en train de lui faire visiter le Pays des Rêves. Il ne s'en lassait pas. À chaque merveille qu'il voyait, Jack avait l'impression de voir quelque chose d'impossible. Il avait l'impression d'être en plein rêve. Jamais un pays n'avait, pour lui, si bien porté son nom.

Actuellement, ils étaient dans le petit village appelé "Songe". Il s'agissait de l'un des rares villages du Pays des Rêves à être situé à l'extérieur de la forêt. C'était donc dans ce genre d'endroit que Jack pouvait contempler les fameux "nuages cotons", ces célèbres nuages sur lesquels on pouvait se poser ou encore, ces fameux chemins qui traversaient les collines en respectant leurs courbes.

Mais ce qui l'étonnait le plus était ces arc-en-ciel. Depuis son arrivé au Pays des Rêves, il savait que ces choses n'étaient que des arches construites par les habitants, et non pas des arc-en-ciel magiques comme on pouvait le lire dans les contes. Ils étaient tellement magnifiques. Ils rendaient le paysage "féerique".

— À quoi servent les arc-en-ciel ? demanda t-il.

— Ce sont des ponts allant d'un endroit à un autre. En fait, il s'agit plus d'un tube que d'un pont... A l'intérieur il y a une nacelle qui conduit les passagers d'un endroit à l'autre. Tous les arc-en-ciel que tu vois là sont reliés les uns aux autres.

— En somme, il s'agit d'une espèce de... ligne de métro ?

— C'est un peu ça, oui. Sauf qu'il est plus souvent dehors que sous terre.

Les deux amis s'arrêtèrent devant ce que Jack identifia comme étant un marchand de glace. C'est du moins ce que l'enseigne lumineuse disait. Car l'endroit en lui-même ne ressemblait pas du tout aux marchands de glaces qu'il pouvait y avoir ailleurs comme à Dalkia. Il s'agissait d'une espèce de sculpture réalisée dans un matériaux que Jack n'arrivait pas à identifier. Ça ressemblait à de la glace sans en être.

— Viens ! lui dit Naturia en le prenant par le bras. Je t'en offre une... Il y en a une que tu dois à tout prix goûter avant de quitter cet endroit... après tout, ça serait dommage que tu sois venu juste pour apprendre à contrôler tes dons...

— Ok... bah je te suis, répondit le paranormal qui n'y voyait rien à redire.

Arrivés devant l'entrée, un gnome leur tendit deux manteaux.

— Mais qu'est-ce qu'il veut qu'on fasse avec ça, dit Jack. Il fait bon, on est en été...

— Oui, mais ici dans les glaciers il fait froid.

— Ouais... Quoi de plus logique, répondit le jeune paranormal. Décidément, cet endroit est vraiment unique en son genre.

Les deux amis enfilèrent leur manteau. Dans le Pays des Rêves, le bleu était associé aux garçons et le rose, aux filles. Ainsi, la boutique proposait aux garçons d'enfiler des manteau bleus tandis que les filles se voyaient en mettre des roses.

— Ah oui... Il fait vraiment froid ici, dit Jack en entrant chez le glacier.

Un immense panel de parfum s'offrit alors à Jack.

— C'est laquelle que je dois "absolument goûter" ?

— Celle-ci, répondit l'elfe en montrant de son index, une barquette contenant une glace de couleur bleu.

— C'est à quoi ? Nan parce que franchement, le bleu, ça ne me parle pas...

— À la pomme.

— À la pomme ? Tu me moques de moi, c'est ça ?

Naturia se mit à rire pendant que le vendeur, un gnome assez corpulent arriva devant lui.

— Dites donc... apparemment le monsieur ne connait pas les pommes bleues ?

— Bah non, répondit Jack.

— Il n'est pas d'ici, ajouta Naturia.

— Oui, je vois ça, un Humain au Pays des Rêves, ce n'est pas courant. D'où tu viens petit ?

— Dalkia.

— Je vois... Tu viens de loin, répondit le vendeur avant de s'adresser à la protectrice du pays.

— Qu'est ce que je vous sert ?

— Deux glaces à la pomme bleue.

Pendant que Naturia attendait la commande, Jack observait à travers les fenêtres. Il avait du mal à croire ce qu'il voyait. Un Faune... Il connaissait leur existence mais c'était la première fois qu'il en voyait un. Il était en train de charger une charrette avec des tonneaux. Les Faunes n'étaient plus aussi nombreux qu'ils avaient pu l'être autrefois. À vrai dire, ils étaient même en voie de disparition. Il en resterait moins de deux millions sur toute la planète alors qu'ils étaient près d'un milliard il y a quelques milliers d'années.

— Bon alors, on y va ? lui demanda Naturia en lui tendant sa glace. Qu'est-ce que tu regardais ?

— Non rien... C'est juste que... c'est la première fois que je vois un Faune. Merci pour la glace.

En sortant du glacier, Jack pouvait enfin commencer à déguster cette fameuse glace à la pomme bleue. Il n'en avait jamais mangé d'aussi délicieuse que celle-ci. Naturia avait raison, il n'aurait pas pu quitter cet endroit sans y avoir goûté.

— C'est délicieux... Mais...Où ça se trouve ça, des pommes bleues ?

— Ici, au Pays des Rêves...

— Bah oui, j'suis con...

L'Elfe se mit à rire.

— Ça te prends souvent l'autodérision ?

— Seulement ici... répondit ironiquement le jeune homme. Dans ce pays, j'ai vraiment l'impression de ne rien savoir... D'être un véritable enfant. En fait, ça doit sûrement être pour ça qu'il apparaît dans les contes. Les explorateurs n'auraient jamais pu décrire cet endroit dans des histoires pour les grands... enfin je veux dire... Ah mais c'est dingue... Voilà que je me met à parler comme un bébé... "Pour les grands"... N'importe quoi. Je voulais dire...

— Ça va, j'ai compris, t'inquiètes, l'interrompit Naturia en riant. C'est vrai qu'ici on à vite l'impression d'être... sur un autre monde. Pourtant on est bien sur Utopia.

Pour Jack, lorsqu'il était dans le Pays des Rêves, c'était comme si le monde extérieur n'existait plus. C'était tellement différent. Tellement atypique. Il avait l'impression que tous les problèmes du monde disparaissaient. Comme si les tensions entre le Véerème et le Efdéème n'avaient jamais existé. D'ailleurs, s'il demandait à un habitant du pays s'il était au courant de la situation actuelle entre les deux puissances, il était fort probable qu'il n'en saurait rien. Comme si le Pays des Rêves n'était pas sur la même planète, comme venait de le dire Naturia.

— Jack, reprit cette dernière. Je n'avais jamais eu d'ami comme toi. Je sais que ça peut paraître bizarre dit comme ça mais, même si je me suis toujours senti bien ici au Pays des Rêves, il manquait quelqu'un comme toi. Quelqu'un avec qui je peux partager ce que je suis. Je veux dire, quelqu'un qui ait un pouvoir comparable au mien. La plupart des paranormaux n'ont pas notre potentiel... et ne savent pas ce que c'est de l'avoir. Toi si.

Jack était touché par ce que venait de lui dire l'Elfe. Lui aussi se sentait mieux depuis qu'il avait fait sa connaissance. Il avait moins peur de ce qu'il était et il apprenait aussi à se contrôler... à s'accepter.

— Ça fait plaisir d'avoir quelqu'un comme toi, répondit Jack. Et ça me fait plaisir également d'avoir pu venir ici, dans un endroit qui est pour beaucoup de personnes au monde, une légende. J'ai d'ailleurs cru comprendre qu'ici, on voyait très rarement des Humains...

— Oui en effet. C'est rare, répondit l'Elfe après avoir avalé une cuillère de glace. Mais l'avantage de cet endroit, c'est justement le fait qu'il relève pour beaucoup, de la légende... Ici, tu peux apprendre à maîtriser tes dons tout en étant à l'abri des problèmes, des tensions... Comme la guerre. Personne ne sait que tu es ici.

— En parlant de guerre... ça fait un moment que je ne suis plus l'actualité... La dernière fois que j'ai tenu un journal, le Véerème et le Efdéème s'étaient déclaré la guerre. Est-ce qu'elle a finalement lieu cette guerre ? Je veux dire... Est-ce qu'en ce moment, ça se bat ?

Jack craignait que la situation sur Utopia ne dégénère. Il était bien trop jeune pour avoir connu la dernière guerre entre le Véerème et le Efdéème. Mais il savait que celle-ci avait fait des ravages. Certains pays avaient d'ailleurs mis du temps à s'en remettre. Et aujourd'hui, il avait peur que ce nouveau conflit touche Dalkia qui se remettait à peine de sa dernière guerre. Jack avait peur pour ses amis... Pour Olympe. Il lui avait promis de retourner la voir. Mais il était trop tôt. Il voulait maîtriser pleinement ses capacités avant d'honorer sa promesse. Et puis, il se sentait si bien là, au Pays des Rêves, que ça ne le dérangeait pas de rester jusqu'à ce que son objectif soit pleinement atteint.

— Les nouvelles arrivent difficilement au Pays des Rêves. Tu te doutes bien pourquoi... Je n'ai aucune idée de l'état actuel du conflit. Mais je sais que si ça avait tourné en affrontements directs, les MOCH seraient venu m'en informer.

— En parlant des commandos MOCH... je me suis toujours posé une question à propos d'eux... Je ne sais pas si tu pourrais y répondre... parce que je crois que beaucoup de monde se posent la même question sans avoir eu le courage d'aller leur demander tellement ils sont intimidants et parfois, froids.

— Vas-y, je t'écoute...

— Il veut dire quoi l'acronyme "MOCH" ? Je suppose que ce sont des initiales, non ?

Naturia se doutait que Jack lui poserait cette question un jour ou l'autre. Et il avait raison... Peu de gens savaient ce que ça signifiait car peu de gens avaient osé approcher l'un de ces guerriers pour le lui demander. Naturia faisait parti des rares individus non MOCH à l'avoir osé et à en connaître la signification.

L'acronyme datait de la création de l'organisation qui avait des valeurs assez proches de celles de l'Empire. Du moins celles qu'il avait depuis la Révolution Impériale. La ressemblance était d'ailleurs très troublante au point que certains se mirent à croire que le leader de la Révolution Impériale était lui-même un commando MOCH.

Depuis leur création, les MOCH avaient toujours été considérés comme les soldats les plus dangereux et les plus efficaces d'Utopia. Plusieurs armées avaient tenté de créer des unités d'élites pour égaler leur efficacité, mais toujours en vain. L'une des tentatives les plus connues était la Force Ecarlate efdéème. Cette dernière était redoutée par toutes les armées utopiennes mais restaient largement en dessous des célèbres commandos. L'efficacité de ces derniers résidait dans une formation qui commençait dès le plus jeune âge. MOCH signifiait en réalité :

— Mouvement Chevaleresque.

— "Chevaleresque" ? Pourtant, leur armure les rend froids et effrayants.

— Il ne faut pas toujours se fier aux apparences. Même s'ils sont froids et intimidants, ils sont toujours-là pour protéger les plus démunis et pour combattre les ennemis de la liberté.

— Les ennemis de la liberté ? Comme le Efdéème ?

— Entre autre...

— Tu penses à qui lorsque tu dis "entre autre".

— Principalement Amal'Gur et la Mortalie.

— Mais je ne comprend pas... Ce sont deux pays autoritaires, deux dictatures oui... Mais ils restent fermés sur eux-même...

— Oh ça c'est ce que tu crois... C'est vrai pour Amal'Gur, même si ça ne l'a pas toujours été. Mais pour la Mortalie, c'est tout autre.

— Je sais qu'ils détestent Mandalia, leur voisin.

— Oui enfin c'est plus que "détester", corrigea Naturia. En fait, ils veulent carrément envahir et raser Mandalia.

— Pourtant ils ne bougent pas de leurs frontières.

— Actuellement non. Mais ça n'a pas toujours été le cas et je crois que ça ne le sera plus pour longtemps. En fait, le roi Morog est assez modéré. Ce qui n'est pas le cas de son fils, le prince Yamog. Je peux donc te dire que lorsqu'il succédera à son père, il reprendra sûrement la guerre. Et là on entendra à nouveaux parler d'eux.

— Mais d'où tu sais tout ça ? demanda Jack. Une amie m'a dit récemment que la Mortalie était trop dangereuse pour les femmes. Tu y ait quand même allé ?

— Je sais me faire discrète, lui répondit l'Elfe. Et puis j'étais accompagnée.

— Par Kodyn ?

— Oui. Il partait en mission de reconnaissance. Et il a jugé qu'il était trop dangereux pour le moment de s'attaquer à la Mortalie. En fait, ça serait comme donner un coup de pied dans la fourmilière. Là ils savent se tenir. Et avec le Efdéème qui reprend ses ambitions colonialistes, les MOCH ont décidé que "réveiller" la Mortalie serait ajouter un problème. Et le Véerème est tout à fait d'accord avec eux.

Jack était impressionné par son amie. Elle n'avait que quinze ans mais connaissait déjà énormément de choses sur le monde. Des choses que la plupart des utopiens ignoraient. Très peu de gens connaissaient le nom du roi mortalien par exemple. Et encore moins celui du prince. La Mortalie était un pays tellement fermé ces dernières décennies, que quasiment plus personne ne savait quoi que ce soit sur eux, mis à part le fait qu'ils étaient dangereux.

— Est-ce qu'ils sont si dangereux que ça ? demanda t-il. Je veux dire technologiquement parlant...

— C'est justement pour ça que j'y suis allé avec Grant. Technologiquement ils sont largement en dessous des puissances comme le Efdéème ou le Véerème tu vois. Mais ils sont fanatiques. Avec Grant, on est tombés sur une école qui apprenait aux enfants à se battre dès le plus jeune âge pour en faire des guerriers experts en arts martiaux et au combat à l'arme blanche. Ils s'injectent des drogues pour ne pas ressentir la douleur. Leurs guerriers sont impitoyables et sanguinaires. Ils sont prêts à n'importe quoi pour leur roi.

— Bref j'ai compris... la Mortalie c'est le pire endroit du monde. Je le savais déjà... Mais là, c'est encore plus clair.

Tout ce que venait de dire Naturia avait renforcé l'envie qu'avait Jack de développer ses pouvoirs. De les maîtriser. Naturia lui avait parlé du "Mal". Il voulait à présent faire tout son possible pour être suffisamment fort pour l'éradiquer et empêcher qu'il ne revienne.

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