Chapitre 9

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Pays des Rêves, Utopia, 14 juillet 1990, tôt le matin

Jack se réveilla. Il n'avait jamais aussi bien dormi. Il n'avait aucune idée de l'heure qu'il était. Un rayon de soleil traversait la fenêtre pour lui arriver en plein dans les yeux. Il plaqua sa main droite sur son visage pour s'en protéger, puis se leva.

Naturia lui avait donné rendez-vous ce matin, sans préciser l'heure. Il se dépêcha d'aller se doucher. Pour cela, il ouvrit l'un de ses deux sacs, prit des vêtements propres et s'en alla vers la salle d'eau.

Alors qu'il s'attendait à y trouver une salle classique avec douche ou baignoire, la porte ouvrait sur une cascade.

— Sérieux ? se dit Jack à lui-même. C'est avec ça qu'on se lave ici ? Comment est-ce qu'on peut avoir une cascade chez soi ? C'est n'importe quoi... Là aussi Olympe aura du mal à me croire.

Il ne comprenait même pas comment c'était possible. Même si la cascade n'était pas très impressionnante, avec un débit d'eau assez modéré, techniquement parlant, s'en était une. Il avait une fois encore l'impression d'être plongé dans un rêve. Il se souvient d'une nuit où il avait rêvé que la porte de sa chambre donnait sur le vide. Pour lui, une salle donnant sur une cascade était tout aussi improbable.

— Ok... cet endroit est vraiment étrange, comme l'a dit Kesselius. Magnifique certes, mais très étrange.

Quelques minutes plus tard, Jack descendit au rez de chaussé de la maison. Il vit, préparé sur la table, une corbeille de fruits, des jus de fruits, et une sorte de pain local. Au même moment, Naturia entra dans la maison.

— Salut, dit-elle avant de constater que Jack n'avait pas touché à ce qu'il y avait sur la table. Tu n'as pas faim ?

— Si... bien sûr, répondit Jack. Je ne suis debout que depuis une demi-heure environ. Je ne sais d'ailleurs même pas quelle heure il est...

— Et bien il est pratiquement huit heure du matin.

Jack s'installa à table. La protectrice des lieux s'installa en face de lui.

— Donc, commença Jack en se coupant une tranche de pain, aujourd'hui tu veux commencer à m'apprendre à maîtriser mes dons ?

— Oui.

— Et qu'est-ce que je devrais faire ?

L'Elfe n'était pas du tout étonnée par cette question. Elle sourit à Jack avant de lui dire de ne pas s'inquiéter. Qu'il allait bientôt le savoir et qu'il n'avait rien à craindre. Sur ces paroles, Jack se servit en jus et en fruits puis commença son petit déjeuner. Après quoi, Naturia invita le jeune homme à la suivre.

***

Elle emmena Jack dans à la clairière où ils s'étaient rencontrés la veille, à quelques minutes de marche à peine de la maison. ils étaient entourés par la forêt.

— On va commencer par quelque chose de simple... lui dit-elle.

— Ok, répondit Jack.

— Tu vois cet énorme rocher ? demanda la jeune elfe en le pointant du doigt.

— Oui, bien sûr, lui répondit Jack.

Le rocher était assez gros et devait peser plusieurs tonnes. En le voyant, Jack savait déjà ce que Naturia allez lui demander de faire.

— Soulève-le, dit-elle, confirmant ce que Jack craignait.

— Quoi ?! Je savais que tu allais me demander ça mais... comment veux-tu que...

— Avec tes dons... soulèves-le, l'interrompit la jeune elfe.

— Mais... C'est impossible, reprit Jack. Il est bien trop gros, bien trop lourd.

D'un simple geste de la main, Naturia le souleva avec ses propres dons, montrant alors à Jack que c'était tout à fait possible, puis le reposa délicatement au sol. Jack était impressionné. Elle n'avait pas montré le moindre signe de difficulté et ne semblait aucunement épuisée par l'effort qu'elle venait de fournir.

— Il est plus petit et plus léger que la parabole que tu as déplacé à Dalkia.

— Oui mais la parabole... je l'ai juste fait pivoter. Je ne l'ai pas soulevé. Et rien que la faire pivoter, ça m'a prit un certain temps.

Naturia oscilla la tête montrant qu'elle comprenait ce que Jack lui disait.

— Très bien... Essaie donc de faire pivoter le rocher alors, dit-elle en s'asseyant au sol.

Jack se tourna vers la pierre et tendit son bras droit. Il se concentra pour essayer de faire pivoter la pierre comme il l'avait fait avec la parabole de la tour REGIS lors de la guerre. Mais en vain. Il recommença, tendant cette fois-ci les deux bras et réessaya durant quelques dizaines de secondes avant de se résigner.

— Je... je n'y arrive pas... Je ne comprend pas. J'ai pourtant réussit avec la parabole... Peut-être parce qu'elle avait un système de rotation... Peut-être que c'est ce qui m'a aidé... Je... J'en sais rien.

Jack était désespéré. Il voulait tant ressembler à Hal. Hal qui arrivait à maîtriser ses pouvoirs et à les utiliser de manière fluide et efficace sans donner le moindre signe de fatigue. Comme venait de la faire Naturia il y a à peine deux ou trois minutes.

Naturia regardait le rocher. Il n'avait effectivement pas bougé d'un millimètre.

— Racontes moi comment ça s'est passé ? demanda t-elle toujours assise. Le moment où tu as réorienté la parabole.

— J'étais avec trois de mes amis sur le toit de la tour REGIS... Il y avait du vent et la commande de la parabole était endommagée. Elena, qui était ingénieure, nous a dit que c'était irréparable. Ou du moins irréparable en peu de temps et avec les moyens dont nous disposions. Sur le coup on a cru qu'on avait fait tout ça pour rien... Et puis une navette efdéème a déposé des soldats sur le toit. Pendant que Zack et Olympe les occupait, je les ai contournés et j'ai... j'ai utilisé mes pouvoirs pour pousser l'un des soldats par dessus le toit. Puis j'ai essayé d'utiliser mes pouvoirs pour la faire tourner. Et ça a fonctionné.

Naturia commençait à comprendre ce qui n'allait pas. Mais elle voulait en être certaine.

— Racontes moi d'autres situations dans lesquelles tu as fait usage de tes dons.

Jack ne comprenait pas pourquoi ces questions. Mais il décida d'y répondre.

— Pendant la reprise de Seed par le Efdéème, peu de temps après que la Résistance réussit à récupérer la ville, j'ai réussi à nous sauver, moi, Olympe et Zack d'une équipe de soldats ennemis qui s'apprêtaient à nous capturer. Puis il y a eu la fois où j'étais coincé avec Elena à l'extérieur de la base résistante. Le Efdéème attaquait la base et le reste de mes amis étaient coincés à l'intérieur. J'était en colère contre le Efdéème, je voulais à tout prix rejoindre mes amis. Puis une escouade ennemie est apparue derrière nous. Si je n'avait pas réussi à envoyer des éclairs, ils nous aurait surement tués, moi et Elena.

— Je vois... reprit l'elfe en se relevant. La majeure partie du temps, tu utilises tes pouvoirs lorsque tu en es obligé, lorsque tu es en danger... ou lorsque tu es en colère. Tes dons se sont développés par la colère.

Jack regarda Naturia dans les yeux. Il n'avait jamais remarqué mais en y repensant, elle avait raison. Il avait déjà réussit à les utiliser dans d'autres circonstances mais ça n'était jamais aussi spectaculaire aussi efficace que lorsque sa vie en dépendait, ou lorsqu'il était en colère. La colère et l'instinct de survie décuplait sa puissance.

— Tu sais Jack... Utiliser ses dons, ça n'est pas une question de colère, mais de maîtrise de soi... et de concentration. Le rocher derrière toi, celui que je t'ai demandé de soulever. Tu y arriverais sans doute si tu étais en colère... Mais le souci avec la colère, c'est que pour la plupart des gens, ça ne se commande pas. Tu ne peut pas être en colère pour rien, si tu vois ce que je veux dire.

— Oui, je comprend... Mais alors qu'est-ce que je dois faire ?

— Tu dois apprendre à te connaître. Connaître ton potentiel, tes limites. Tu dois apprendre à être en paix avec toi-même. Moi par exemple, lorsque j'ai soulevé la pierre tout à l'heure, tu as bien vu que je n'étais pas en colère...

— Oui mais toi tu... tu dois probablement être plus puissante que moi... Je veux dire, tu dois avoir un énorme potentiel... Plus important que le miens.

— N'en soit pas si sûr.

— Le capitaine Kesselius m'a raconté la période où tu était dans son équipage... Tu sais faire des choses incroyables. Avant qu'il ne me les racontent, je ne savais même pas que c'était possible. Ces dernières semaines j'en ai appris plus sur les paranormaux que sur les dix dernières années. Entre toi qui sait contrôler la nature et Hal qui sais produire du feu et... et voler... et moi qui arrive lorsque je suis en colère, à produire des éclairs... Il y a encore un mois, je croyais que les paranormaux savaient juste déplacer des objets, des personnes par la pensée... Je ne savais pas qu'ils pouvaient faire plus.

Naturia se rapprocha de Jack. Puis elle tendit sa main au dessus de sa tête.

— Je peux ? demanda t-elle.

D'un signe de tête, Jack approuva. Bien qu'il n'avait aucune idée de ce que voulait faire la jeune elfe. Cette dernière posa sa main sur la tête du garçon, puis ferma les yeux. Elle y ressentit tout un tas de chose : La compassion, l'amitié, l'amour, le courage... Mais aussi la peur, la colère et par dessus tout ça, une puissance extraordinaire. Tout ça ne dura que quelques secondes, pendant lesquelles Jack se sentait en paix avec lui-même. Kesselius avait raison, Naturia était apaisante. Il l'avait déjà ressentit lorsqu'elle était venu dans sa tente l'autre jour durant la guerre, lorsqu'il croyait rêver. Il en avait encore la preuve. Tout semblait bien aller lorsqu'il était avec elle. Au bout de ces quelques secondes, Naturia rouvrit les yeux.

— Tu as un énorme potentiel Jack. J'ai rencontré des dizaines de personnes dotées de dons comme les nôtres. Mais je n'avais jamais rencontré quelqu'un qui avait un potentiel comparable au tiens. Si tu arrivais à maîtriser ce potentiel, tu serais capable de réaliser de grandes choses. Plus grande que ce que personne d'autres ne pourrait réaliser... Pas même Hal. Tu es loin d'être un monstre Jack... J'ai ressenti le bien en toi. Tu es proche d'Olympe pas vrai ? Tu l'apprécie beaucoup ?

— Oui, répondit Jack timidement. C'est ma meilleure amie.

Naturia le regarda avec un air malicieux.

— Pour toi elle est plus que ça...

— Bon peut-être... et alors ? Qu'est-ce que ça change ? demanda Jack gêné.

— Tu pourrais t'en servir pour canaliser ta puissance. La colère ne se commande pas. Mais l'amour, oui.

Jack était stupéfait.

— Et comment je fais ?

— Retournes toi... Fais face à la pierre. Concentres toi sur la pierre... dit-elle pendant que Jack s'exécutait. Tu la ressens ?

— Oui, comme tout à l'heure... Mais...

— Fermes les yeux, le coupa Naturia. Restes concentré sur la pierre. Ressens-là et penses à ce que tu as de plus précieux... à un bon moment que tu aurais passé par exemple... N'importe quoi qui ait pu te rendre heureux.

Jack repensa au jour où il avait rencontré Olympe. Puis à celui où il avait quitté Dalkia pour entamer sa route vers le Pays des Rêves. Le jour où il prit Olympe dans ses bras. Il repensait à tout ça en gardant sa connexion avec la pierre.

— Ouvres les yeux maintenant... reprit Naturia.

Jack les ouvrit et constata avec surprise que la pierre lévitait à quelques décimètres du sol. En pensant à tout ces événements et bien qu'il gardait contact avec la pierre, il n'avait même pas remarqué qu'il avait réussi à soulever la pierre. Il la garda ainsi quelques secondes encore avant de relâcher. La pierre retomba au sol. Jack s'agenouilla au sol, fatigué.

— Je... J'y crois pas...

Naturia s'agenouilla à côté de lui et posa la main gauche sur son épaule.

— Tu vois... il n'y a pas que la colère... Aujourd'hui tu as réussi à faire léviter quelques secondes cette pierre... Demain tu feras mieux. Et de jour en jour tu t'amélioreras jusqu'à atteindre ton potentiel. Tu arriveras, en travaillant tes dons, à les utiliser de plus en plus, de mieux en mieux sans te fatiguer.

Elle sortit quelque chose d'un petit sac qu'elle portait en bandoulière et le tendit à Jack.

— Qu'est-ce que c'est ? Demanda ce dernier.

— Une pâte de fruit... Après ce que tu viens de faire, tu dois être épuisé... Tu as besoin de sucre. Tu n'es pas...

— Diabétique ? Non, répondit Jack en prenant la pâte de fruit encore emballée. Merci.

Il l'ouvrit et commença à manger quand soudain lui vint une question.

— Je ne comprends pas, dit-il. Tu disais tout à l'heure que j'avais un "immense potentiel" Comment c'est possible ? Pourquoi j'ai ce potentiel ?

— Ton père avait d'incroyables dons lui aussi... Même s'il ne les utilisait pas forcement pour faire le bien, il faisait parti des êtres les plus puissants de ce monde. Tu as hérité de certains de ses dons... et de son potentiel.

— Tu connaissais mon père ?

— Non... Pas personnellement mais j'ai entendu des choses sur lui.

— Quels genres de choses ?

— Suis moi... je dois te montrer quelque chose.

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