Chapitre 1

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Près de Seed, Dalkia, Utopia, 12 juillet 1990, à peu près 8h10

Jack marchait depuis deux jours déjà, afin de regagner la frontière. En la traversant, il rejoindrait le territoire de Katalonia. Bien sûr, il aurait pu y aller en bus ou en train. Mais toutes les infrastructures dalkiennes ou presque, étaient paralysées. Et puis il avait besoin de marcher. Ça l'aider à réfléchir sur lui-même.

Ces derniers jours ont été particulièrement difficiles pour lui. De simple Paranormal anonyme, il était passé à Paranormal résistant et combattant. Il s'était battu pour la libération de la nation qui l'avait accueilli lorsqu'il n'avait que quelques jours : Dalkia. Il avait aussi combattu pour ses amis. Pour Olympe, la fille qu'il aimait. Même s'il éprouvait encore des difficultés à se l'avouer. À cause de ce qu'il ressentait pour elle, il avait du mal à quitter Dalkia. Mais il fallait qu'il découvre qui il était... Qu'il apprenne à maîtriser ses dons. Il ne voulait plus se cacher et avoir peur de ce qu'il était.

Dans les tout derniers jours de la guerre, il vécut quelque chose d'étrange. Il était incapable de dire s'il s'agissait de quelque chose de réel... ou s'il ne s'agissait que d'un simple rêve. Mais pour lui, ça avait l'air tellement réel qu'il avait décidé d'y croire. De croire cette fille, cette elfe plus précisément qui l'invita à la rejoindre dans ce curieux pays qui n'était censé exister que dans les histoires que l'on racontaient aux jeunes enfants: le "Pays des Rêves"...

L'ennui, c'est qu'il n'avait aucune idée de l'endroit exact où il pouvait se trouver. D'après les histoires, il se trouverait quelque part à l'intérieur de Pacifia, le plus grand état du monde. Et pour y aller, il lui fallait prendre le train. Car oui, les Elfes étaient, technologiquement parlant, inférieurs aux Humains et à d'autres espèces, mais ils en acceptaient tout de même certaines innovations. Le train par exemple, constituait pour eux un excellent moyen de maîtriser leur vaste territoire. Et la gare opérationnelle la plus proche de là où se trouvait Jack, était à Katalonia.

Au début de la guerre dalkienne, Katalonia avait militarisé sa frontière commune avec Dalkia. On racontait qu'au moment de l'invasion de Dalkia par le Efdéème, les kataloniens avaient signé un pacte de non agression avec ce dernier. Si c'était vrai, cela ne leur avait pas enpêché de sécuriser leur frontière. La guerre étant finie, beaucoup de monde pouvaient à présent la passer. Et nombreuses étaient les personnes voulant entrer à Dalkia, notamment des commerçants elfes ou des réfugiés qui avaient eu le temps de fuir Dalkia avant que le Efdéème ne bloque les accès aux pays limitrophes. Jack était l'un des rares à vouloir en sortir. Il se dirigea vers l'un des nombreux poste frontières.

— Papiers s'il vous plaît... demanda un garde.

— Oui... oui attendez, répondit Jack en cherchant ses papiers d'identité. Les voilà..

Le militaire prit les papiers que lui tendait Jack. Il les regarda avec insistance.

— Jack Lorage... Dalkien ? À ce que j'ai cru comprendre, le Efdéème a déserté votre territoire...

— Oui.

— Que voulez vous faire à Katalonia ?

La question effraya Jack qui pensa un instant qu'il ne pourrait pas passer.

— Rien... je suis venu pour y prendre le train pour Pacifia. Les trains ne sont pas en service à Dalkia. Pas encore.

Le militaire releva les yeux vers Jack et lui rendit ses papiers.

— Ouais... J'imagine... Allez, circulez.

— Merci.

Une fois le garde passé, Jack poussa un soupir de soulagement. Pendant un moment, il crut qu'il n'allait pas y arriver. Mais il y était. Il était à Katalonia, dans la ville de Keliz plus précisement.

***

Keliz, Katalonia, Utopia, 12 juillet 1990, vers 9h00

Bien que limitrophe avec Dalkia, Katalonia était très différent. Pas du tout la même architecture. Alors que celle de Dalkia était moderne, ou futuriste selon que l'on soit dalkien ou autre, à Katalonia, ça semblait plus... ancien... traditionnel. On pouvait sentir l'influence des pays voisins : Pacifia, Mextria et Amal'Gur, aussi appelé "Empire de l'ombre".

Jack avait l'impression d'être à Dalkia il y a deux cent ans. Ça lui rappelait en effet, les photos et les représentations des cités dalkiennes au XIXe siècle. Des clichés et des peintures qu'il avait vu dans les livres d'Histoire. Autre caractéristique de Katalonia, il s'agissait tout comme Dalkia, d'un pays fortement boisé. À l'image de Dalkia, les frontières des villes kataloniennes étaient parfaitement bien dessinées. De toute manière, il fallait aller vers les pays humains les plus développés : Véerème, Efdéème, Empire et Nord-Véerème pour voir apparaître d'immenses aires urbaines. Même si pour le Nord-Véerème, on pouvait en discuter. Ensuite, il y avait Mextra. Mais ce n'était pas la même chose. Mextra était un pays cosmopolite à dominante Komitose et surtout industriel... Mextra ressemblait à l'Empire et au Véerème lors de leur période Industrielle, c'est à dire le XIXe et début XXe siècles.

Jack avançait dans une rue de la ville. Maintenant qu'il était à Keliz, il ne lui restait plus qu'à trouver la gare.

— Excusez moi monsieur... dit-il en accostant un homme d'une cinquantaine d'années. Je cherche la gare. Vous savez où elle est ?

— Bien sûr. Vous voyez le bâtiment tout droit, à deux cent mètres, avec la coupole ? C'est la gare...

— Merci.

Elle n'était donc pas loin. Jack savait qu'il y avait une gare à l'endroit où il se trouvait. Avant l'invasion de Dalkia par les troupes efdéèmes, une ligne ferroviaire reliait Seed à Pacifia, en passant par cette ville. Mais une fois Dalkia envahi, le Efdéème avait empêché tous les trains extérieurs d'entrer à Dalkia.

Il n'avait plus qu'à traverser ce grand boulevard et atteindre la gare. En chemin, il croisa des dizaines de personnes. Beaucoup d'humains, mais aussi des elfes, quelques léonéens qui étaient sans doute des marchands et quelques Komitoses. Les Komitoses étaient physiquement semblables aux humains. Tellement semblables que certains les surnommaient les "humains bleus". Leur peau était effectivement bleue. Mais mis à part cette caractéristique, il fallait regarder de très près un Komitose pour voir des différences physiques majeures avec les humains. Leur peau était différente. Celle des femelles pouvait quelque fois légèrement briller au contact de l'eau. Les Komitoses étaient également plus fragiles que les humains. Plus sensibles aux changements de températures. D'où le fait qu'ils ne s'établissaient que très rarement dans les régions chaudes ou froides. Les humains étant l'espèce intelligente ayant la plus grande faculté d'adaptation au climat et à l'environnement, ils étaient donc les seuls à être équitablement répartis sur l'ensemble d'Utopia. C'est l'une des raisons pour lesquels, les Humains étaient l'espèce dominante d'Utopia.

Jack arriva en gare. L'intérieur était immense. Le hall devait être haut de plusieurs dizaines de mètres. Il y avait les quais, quelques boutiques, un restaurant et un bar. À peine entré, il entendit un homme crier. Apparemment, il s'agissait d'un vendeur de journaux. Un humain.

— Achetez la gazette des mondes lointains ! Dalkia libéré ! Doit-on craindre une nouvelle guerre contre le Efdéème ?

"Nouvelle guerre" faisant référence au fait que Katalonia avait particulièrement souffert il y a trois décennies lors du dernier conflit global, celui qui avait opposé principalement le Véerème au Efdéème. Les kataloniens avaient peur d'une éventuelle nouvelle guerre contre le Efdéème, car ils étaient très loin d'être préparés. Peu de nations étaient capables de rivaliser avec la puissance militaire du Efdéème. Le Véerème venait de prouver qu'il en faisait parti. Quant à l'Empire, même s'il a participé à la libération de Dalkia, il était très probable que sans le Véerème, il n'aurait pas réussi à remporter la victoire. En partie du fait de leurs faibles effectifs militaires et de leur équipement parfois vieillissant, excepté dans le domaine de l'aviation.

Jack se dirigea vers le crieur. Il acheta un exemplaire du journal puis l'ouvrit. La gazette des mondes lointains était un quotidien katalonien qui reprenait l'actualité étrangère plus que locale.

Tout un article parlait du dénouement de la guerre de Dalkia. Il était intitulé « La libération dalkienne : début d'une nouvelle guerre globale ? ». C'est en effet ce que craignait la population et ce que craignaient les véerèmois.

La guerre aurait probablement duré encore longtemps si Émilien, l'empereur du Efdéème n'avait pas ordonné le repli des troupes. Dalkia n'était plus rentable pour eux. Le pays leur coûtait plus cher que ce qu'il rapportait. Jack entama la lecture de l'article.

"Suite à la libération de Dalkia, le capitaine Moriano, ancien chef de la Résistance dalkienne, se dit prêt à assumer le rôle de président par intérim, le temps que de nouvelles élections soient organisées et qu'un nouveau gouvernement soit formé.

Le Véerème et l'Empire ont de leur côté confirmé le maintien sur place à titre provisoire, d'une garnison afin de participer à la défense dalkienne et à la formation de nouvelles troupes locales. Après quoi ils quitteront définitivement le sol dalkien.

Le gouvernement véerèmois a également mis en garde ses alliés et les autres pays du continent Pacifique contre une éventuelle déclaration de guerre de la part de l'empereur Emilien du Efdéème et s'est dit prêt à défendre ses alliés en cas de conflit".

L'article était bien entendu plus long que ça. Mais il n'y avait rien sur les Commandos MOCH ayant pourtant joués un rôle crucial dans la libération. Rien non plus sur les fameux "Héros dalkiens", ceux qui prirent le contrôle de la tour REGIS pour appeler le Véerème à l'aide. C'est à dire Jack lui-même, Olympe et son frère : Zack et une jeune ingénieure appelée Elena.

"Tant mieux" pensa t-il. En cas de futur contrôle d'identité, personne ne pourrait l'identifier comme étant l'un de ces héros.

Son attention fut attirée par un autre individu.

— Approchez mes amis ! criait l'individu debout sur un tabouret, entouré d'une vingtaine de personnes. Venez expier vos pêchés ! L'arrivée de nos seigneurs est proche.

Jack y reconnut un adepte chlorophylle du culte des Anciens visiteurs, l'une des rares religions utopiennes, reconnaissables à leur longue toge grise, parfois verte kaki, qu'ils portaient par dessus leurs vêtements. Les hommes faisant partis du clergé de ce culte avaient également le crâne rasé. Les femmes quant à elles, avaient le crâne partiellement rasé. Elles n'avaient qu'une longue tresse partant du sommet et tombant généralement jusqu'au bas du dos.

Cette religion croyait en l'existence des légendaires Chlorophylliens. Selon eux, il y a près de deux mille ans, les Chlorophylliens seraient venus sur Utopia et seraient responsables de la fin de la guerre entre les Humains et les Elfes avant de repartir sans jamais être revenus. On raconte qu'à la même période, ils seraient intervenus sur Exotis, la planète voisine, débouchant alors là bas à la création d'une religion similaire et d'un calendrier synchronisé sur celui d'Utopia. D'où le fait que les deux planètes se disaient être en "1990" car selon les religions ces évènements se seraient déroulés il y a mille neuf cent quatre-vingt-dix ans.

Comme on pouvait le voir dans les illustrations des textes des adeptes chlophylles, ces fameux Chlorophylliens étaient des êtres légèrement plus grands que les Humains ayant des espèces de tentacules à la place des cheveux. Ils avaient la peau apparemment verte. C'est en partie ce qui leur aurait valus ce nom. Ça et le fait qu'il vénéreraient, selon les adeptes, le soleil de qui ils tireraient leur énergie vitale. Autre particularité, les Chlorophylliens seraient asexués.

Pour les croyants, leur retour n'était qu'une question de temps. Ils détenaient également des dizaines de récits évoquant des guerres encore plus anciennes ayant opposées ces êtres légendaires à une espèce de Géant humanoïde ainsi qu'aux Komitoses, mettant d'ailleurs fin à l'hégémonie Komitose.

Mais même les Komitoses, ayant perdu selon eux, toute trace de leur glorieux passé, ne pouvaient certifier avec exactitude l'existence ou même l'inexistence de ces êtres. Du moins officiellement. Aux yeux des gouvernements, les Chlorophylliens appartenaient donc aux légendes. Tout comme les Géants dont parlait la Religion, ainsi que les Anges ces fameux êtres humanoïdes ailés également mentionnés dans les textes.

Jadis, des centaines de millions de personnes à travers le monde croyaient en cette religion. Elle avait même provoqué quatre grandes guerres. On les appelait les Excursions. Elles visaient à attaquer tous les endroits du monde qui détenaient des "reliques" de l'Ancien temps. C'est à dire des objets datant de la période de l'Hégémonie Komitose, ère où les humanoïdes bleus étaient beaucoup plus avancés technologiquement qu'ils ne l'étaient aujourd'hui et où ils régnaient en maître sur Utopia. Une période où selon les sources, Humains et Elfes n'existaient pas encore. Ou du moins pas sur Utopia. La dernière Excursion datait d'il y a cinq-cent ans et représentait un cuisant échec pour la religion. C'était durant cette campagne qu'ils se rendirent en Mortalie et à Mandalia où ils se frottèrent aux MOCH. Les MOCH qui les surclassèrent assez aisément. Aux cours des quatre Excursions, très peu de reliques furent découvertes. Petit à petit la religion des adeptes avait décliné.

Aujourd'hui, les fidèles étaient rares. On estimait à moins de cinquante millions leur nombre, sur les sept milliards d'habitants toutes espèces intelligentes confondues que comptait officiellement Utopia.

"Tout ça c'est un ramassis de conneries. C'est n'importe quoi..." pensa Jack qui continua son chemin. Pour lui, la religion n'était qu'un moyen trouvé par les utopiens pour expliquer tel ou tel phénomènes qu'ils n'arrivaient pas à expliquer. Ou tout simplement pour se rassurer.

Il fit le tour des quais. Il regardait toutes les destinations. Bien entendu, aucune ligne n'allait au Pays des Rêves. Et il ne savait pas quel train prendre pour arriver au plus près. Et il ne se voyait pas demander aux agents, de peur de passer pour un imbécile.

— Putain, je fais comment moi pour rejoindre le pays des Rêves ? se dit-il à lui-même. Si toutefois il existe, ajouta-t-il.

— Tu recherches le Pays des Rêves ? demanda un homme portant un chapeau et une tenue vestimentaire qui faisait croire qu'il pouvait s'agir d'un vagabond, d'un homme errant. Je t'ai entendu parler tout seul... Tu veux t'y rendre c'est ça ?

— Euh... oui, répondit Jack en s'approchant de l'individu. Vous savez où il est ?

Jack parlait doucement pour pas que les dizaines de personnes présentes dans la gare ne l'entendent parler de ce "pays des rêves".

— Je sais comment y aller, répondit l'homme.

— Vraiment ? demanda Jack, incitant l'homme à poursuivre.

— C'est un pays entouré de montagnes hautes et ultra fermé sur lui-même si tu vois ce que je veux dire... C'est pourquoi mis à part quelques rares explorateurs, personne ne connait son existence.

— Mais justement, ces explorateurs... ils n'ont jamais révélé sa position ? Pourquoi ?

— C'est ça la bonne question petit... Si tu veux mon avis, les grandes puissances de ce monde connaissent son existence et cherchent à le protéger. Une espèce de sanctuaire si tu vois ce que je veux dire... Mais ça n'est que mon avis... Quant aux explorateurs bah ils racontent ce qu'ils y ont vu sous forme de contes pour enfants.

— Donc pour vous, les histoires qu'on raconte aux enfants sont vraies ?

L'homme au chapeau se mit à rire.

— Vraies ou inspirées de faits réels... oui. Probablement.

— Bref, donc ce pays existe réellement... Je fais comment pour y aller ? reprit Jack revenant à ce qui l'intéressait.

— Prends le train en direction de Sylvestria, la capitale Pacifienne. Une fois sur place, tu te rendras dans la taverne des oubliés, dans le quartier cosmopolite, où tu demanderas à voir le capitaine Nathaniel Kesselius. Il t'y conduira...

— Nathaniel Kesselius, répéta Jack pour lui-même.

— Oui...Dépêche toi, le train pour Sylvestria doit partir dans une quinzaine de minutes tout au plus.

— Oui... merci beaucoup, dit Jack avant se se dépêcher pour acheter son billet et rejoindre son train.

— De rien petit, se dit l'homme à lui-même...

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