Chapitre 10

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La semaine s'écoula au rythme qu'ils lui donnèrent. Révisant la journée, dormant ensemble, tantôt chez Martine ou chez Yanel.

Le samedi matin, alors qu'ils étaient encore couchés, Yanel se fit la réflexion qu'il n'avait pas refait de cauchemar de toute la semaine... enfin, parfois il ne s'en souvenait pas. Néanmoins, Lysandre ne lui avait fait aucune remarque, mais est-ce que cela prouvait qu'il n'en avait plus refait ?

Il se tourna un peu, observant à son ami qui dormait encore. Il ne voyait qu'une partie de son visage, celle « abîmée », l'autre était enfouie dans l'oreiller. Lysandre respirait doucement, il avait l'air si serein. Yanel lui caressa la joue, en évitant avec soin la cicatrice. Il toucha ses cheveux, du bout des doigts, puis très lentement, les enfonça complétement dedans. Il l'aimait tellement...

- Bonjour... La voix un peu enrouée de Lysandre lui parvint depuis l'oreiller.

- Bonjour ... désolé, je t'ai réveillé ? Il retira sa main et la laissa courir sur son dos nu.

- Non, ne t'inquiète pas, je suis réveillé ... Il termina sa phrase en s'étirant, puis se mis en position du fœtus pour mieux voir Yanel.

- Tu as bien dormi ?

Lysandre leva une main pour rendre sa caresse à Yanel et dit :
- Mmm .... Mieux que toi en tout cas.

Cette remarque coupa le souffle à Yanel. Alors il avait fait un cauchemar ? Voyant son trouble, Lysandre continua :

- Ça fait combien de temps que tu en fais ?

- Fait quoi... ?

- Des cauchemars.

- Je ... je n'en sais rien en fait.

Lysandre se redressa sur un coude et dit sérieusement :

- Tu te moque de moi ?

- N...non ? Pourquoi ? Yanel s'agita un peu et voulut se lever, mais Lysandre le retint en lui empoignant un bras :

- Attends une minute ! Je ne suis pas idiot tu sais ?

- Je n'ai jamais dit ça ! S'insurgea Yanel. Il commençait à se sentir acculé, pris au piège. Lysandre se radoucit, il pouvait ressentir la panique qui s'emparait de Yanel, et il libéra son bras.

- Tu as fait un cauchemar, un vrai, je veux dire, ... ça m'a vraiment inquiété. Je n'ai jamais assisté à ça et j'ai eu beaucoup de mal à te calmer ... Tu comprends ?

- Qu'est-ce que tu veux dire....

- Tu pleurais, tu te débattais, ça avait vraiment l'air... réel pour toi. Franchement, c'était angoissant ! Et...tu as parlé.

- Qu'est-ce que j'ai dit ? Yanel déglutit avec difficulté. Il savait pertinemment qu'il parlait pendant ces horribles rêves, il en connaissait les douleurs, les peurs, et surtout, il en connaissait les raisons.

- Tu as prononcé mon nom. Mais, comme si c'était..., comme si j'étais en danger. Tu rêves de quoi exactement de l'accident ? De ma tentative de suicide, c'est ça ?

Il vit alors les larmes de Yanel, qu'il ne retenait plus, il ne le pouvait plus.

- Je rêve que tu meurs, .... Dans des conditions atroces et que je suis à côté de toi, sans pouvoir l'en empêcher... Ça a commencé après l'accident et ... je n'arrive pas à l'arrêter... et ta tentative de suicide n'a rien arrangé non plus...

Soudain pris de panique, Yanel s'éloigna de lui, enfouissant son visage dans les draps il sanglota.

Resté sans voix, Lysandre se rapprocha, l'obligea à le regarder et lui dit d'une voix douce, comme s'il parlait à un enfant :

- Je ne vais pas te laisser comme ça, tu ne peux pas souffrir à ma place. C'est à moi que c'est arrivé, et je suis là, en vie ! Tu m'as sauvé, rappelle-toi !

Il ne voulait pas le braquer encore plus, mais ayant été témoin de son agitation, et ayant eu tellement de mal à le calmer, il ne pouvait pas laisser passer ça.

- Je n'y peux rien, dit péniblement Yanel entre deux sanglots. Je ne le contrôle pas, ... Mais ça me rend dingue, j'ai peur de m'endormir la nuit. Et cette semaine, je pensais y être arrivé, en être débarrassé.

- Non, apparemment non, ... Lysandre lui caressait les cheveux, le visage, essuyait les larmes qui n'en finissaient plus de couler. Il l'embrassa tendrement sur le front, les joues.

- Je suis désolé, je ne voulais pas dire que tu étais ... hoqueta Yanel.

- Je sais... Lysandre avait murmuré cela, au creux de son oreille, juste avant de l'embrasser dans le cou. Yanel frémit. Lysandre recommença, s'appliquant à le faire trembler, vibrer, ... à le faire supplier de continuer. Après le cou, il prit ses lèvres, sa langue, chercha sa peau sous son tee-shirt, qu'il lui retira, puis laissa ses mains se perdre le long de son corps jusqu'à son sexe. Yanel succomba, offert, il ne demanda qu'une chose, qu'il soit doux. Lysandre était guidé par son amour pour Yanel plus que par son instinct. Lui-même avait eu son lot de souffrances, mais en cet instant précis, seul le bien être de Yanel comptait à ses yeux. Lui faire l'amour, lui donner du plaisir c'était tout ce qu'il voulait pour lui. Fragilisé et meurtri par ces cauchemars, Yanel devait sortir de cette spirale, se rendre compte que Lysandre était là, et qu'ils étaient ensemble. Que c'était « ça » la réalité, et non ces cauchemars.

Ils prirent leur temps, ils respectèrent leurs rythmes, et ne forcèrent rien. C'était trop important, ce moment était bien trop précieux pour être malmené. Peut-être que le plus difficile fut de rester discrets ...

Le soir même, Martine venait chercher Lysandre.

- Reste, s'il te plaît ... Demanda Yanel presque suppliant.

- J'en crève d'envie, mais Martine s'inquiète et elle veut que je rentre ...
- Je comprends, ne t'en fais pas. Il sembla hésiter puis dit encore se forçant à sourire :

- J'angoisse un peu en fait... « Ne pars pas... »

- Pour cette nuit ? Appelle-moi avant de te coucher d'accord ? Si tu en ressens le besoin, n'hésite pas. « J'ai tellement envie de rester avec toi... »

Lysandre caressa son visage et ils s'embrassèrent une dernière fois. Yanel s'agrippa à lui, il était désespéré à l'idée qu'il parte maintenant.

La voiture de Martine se gara devant la maison, Lysandre sorti.

Quand Yanel referma la porte, et qu'il rejoignit ses parents dans la cuisine, il était dans une sorte d'état second.

- Tu vas bien ? S'enquit Aymeric qui le voyait d'un seul coup partir ailleurs dans ses pensées.
- Je n'en sais rien, je me sens fatigué, vidé... Il leva une main et la posa sur sa gorge : j'ai l'impression de ne pas pouvoir avaler, j'ai une boule ici ...
- Approche... sa mère le pris dans ses bras. Il résista un peu, puis laissa les larmes venir.
- Il me manque tellement ... hoqueta-t-il, je n'en peux plus tellement il me manque...
- ... et il vient juste de partir... Termina Aymeric, en regardant Gwen très troublée aussi.

Ils le laissèrent se calmer puis, se mirent tous les trois à préparer le dîner, histoire de lui changer les idées.

Dans la tête de Gwen tout était confus. Une semaine plus tôt Lysandre tentait de se suicider et pourtant, c'était Yanel qui craquait. Elle en fit part à Aymeric, quand ils furent seuls, dans le salon.

- Je pense qu'il y a un gros mélange entre ce que Lysandre a vécu la mort de ses parents, sa tentative de suicide et ce que ressent Yanel à chacun de ces moments.

- Il s'identifie tu crois ?

- Certainement, en tout cas, s'il a été le soutien de Lysandre depuis le début, Yanel est en détresse maintenant. Et ça, Lysandre l'a compris...

- Tu te souviens quand je te disais qu'il ne fallait pas les séparer ? Eh bien je me demande à présent s'il ne faudrait pas sérieusement envisager de le faire...

- Vraiment ? S'étonna Aymeric. Il réfléchit un instant. Se pourrait-il en effet que les difficultés rencontrées par Lysandre nuisent à Yanel au point que cela le détruise ?

- Il le faut peut-être oui... Mais je ne suis pas certain que ça les aide, j'ai plutôt l'impression que Lysandre est attentionné et qu'il le ménage... Yanel a besoin de lui.

- On ne va pas se raconter d'histoire, n'est-ce pas ? Ils sont plus que de simples amis d'enfance. Dit-elle soudain. Tu les as entendus comme moi, non ?

- Oui, j'ai entendu... c'était discret, mais, j'ai entendu ce matin.

Aymeric soupira et la regarda. Comprenait-elle l'importance de cette relation, surtout maintenant ? En ce qui le concernait, il était prêt à l'accueillir, il s'était déjà fait à l'idée en fait, mais elle ? L'accepterait-elle ?

- La question est simple : est-ce que ça nous dérange que Yanel aime Lysandre ? Moi non. Et toi ?

Elle ouvrit la bouche et aucun son ne sorti. Gwen sentit les larmes monter, et elle enrageait à cause de ça, de cette peur étrange qu'elle sentait monter. Le « qu'en dira-t-on » ? Le regard des gens ? Est-ce que Yanel le supporterait ? Ou elle ? C'était ça qui la travaillait. Aymeric lu en elle et dit :

- C'est leur vie, leur choix, et on ne pourra pas aller contre ça. Les gens ? On s'en fou, en tout cas, ils vont s'en moquer. Je ne ferai jamais rien qui risque que braquer Yanel... C'est mon point de vue.

- Le mien aussi, je veux dire, je ne veux pas lui faire de mal et à Lysandre non plus, c'est juste que ... je ne m'y attendais pas !

Aymeric haussa les sourcils en la regardant :

- Vraiment ? J'ai du mal à le croire, honnêtement...

Elle capitula.

- Oui bon, d'accord, ... Mais ils sont si jeunes...

- Pas plus que nous quand on s'est mis ensemble. Souviens-toi, nos parents criaient presque au détournement de mineurs alors qu'on l'était tous les deux, mineurs !

Aymeric lui pris les mains, et la regarda droit dans les yeux. Il la connaissait par cœur et il savait qu'elle avait peur, mais qu'au fond elle n'irait pas contre les choix de leur fils.

- Ne t'en fais pas, ça va aller...

- Il a l'air si malheureux ! C'est le contraire qu'il devrait ressentir et tu l'as vu tout à l'heure ? A peine Lysandre parti, il était effondré !

- Chérie, tu as oublié ? Nous étions pareils, en manque de l'autre dès les premiers instants de nos séparations ! C'est le début, ils vont petit à petit apprendre à gérer ça, comme nous l'avons appris !

Elle le regarda, avec admiration. Il était si confiant, si rassurant. Oui, pourquoi s'en faire ? Au final ce qui comptait, c'était le bonheur de Yanel et rien d'autre.

- Je sais, je sais, ... Je suis inquiète c'est normal ! Mais, je ne ferai rien qui le blesse non plus.

- Qui ne « les » blesse, corrigea Aymeric. Lysandre a tout autant besoin de notre soutien.

- Oui, Lysandre aussi.

Dans la voiture, Lysandre était resté silencieux. Martine lui parlait, mais il ne l'écoutait pas.

Il n'avait qu'une hâte que Yanel l'appelle plus tard.

Il prit son mal en patience, car Martine réclamait toute son attention. Elle avait elle aussi besoin d'être rassurée. Attablés au dîner, les questions fusèrent : Allait-il bien ? Est-ce qu'il pensait voir le psychologue enfin ? Avait-il besoin de quelque chose en particulier ? Bref. Elle voulait l'aider.

- Je vais bien, je te rassure et puis ...

Lysandre eu du mal à terminer sa phrase. Soudainement il eut l'impression d'avoir été transpercé par une lame froide ce qui le gêna pour respirer. Il porta naturellement une main à son torse et ferma les yeux quelques secondes pour accuser le coup.

- Ça ne va pas ? Qu'est-ce que tu as ? Martine se leva et s'approcha de lui.

- Je ... j'ai le souffle coupé ...

En réalité, il était en souffrance : Yanel lui manquait. Il lui manquait tellement qu'il en avait des élancements dans la poitrine.

- Il te manque c'est ça ? Martine lui caressa la joue et prenant son menton doucement entre le pouce et l'index, lui fit tourner son visage vers elle. Il pleurait.

- Je... Il haussa les épaules en signe d'impuissance et la laissa le serrer contre elle.

- Pleure, mon grand, pleure tout ce que tu peux. L'amour fait souffrir, mais c'est tellement beau, ne t'en fais pas, ça va aller. Vous vous aimez, c'est l'essentiel. Même si vous n'êtes pas ensemble physiquement à cet instant, vous savez que vous n'êtes pas désunis.

Elle le garda longtemps dans ses bras, le berçant un peu, très émue. Tout ceci la renvoyait presque vingt ans en arrière. Elle se revoyait étudiante et terriblement amoureuse elle aussi à cette époque. Elle se souvenait de cette douleur au ventre quand elle attendait ou qu'elle allait aux rendez-vous, cette impatience de se retrouver le lundi après un long week-end, ce merveilleux vertige au premier baiser. Elle revivait tout. Calmé, Lysandre releva la tête, ses yeux étaient encore plus dorés que d'habitude.

- Qu'est-ce que je ferai sans toi ? Dit-il en lui faisant une bise sur la joue.

- Tu relirais pour la 100ème fois le mode d'emploi du lave-linge !

Ils rirent tous les deux de cette réponse et elle lui rendit sa bise.

- Sérieusement, tu t'en sortirais très bien, mais un coup de pouce ne fait de mal à personne.

- Je suis désolé si je ne suis pas là souvent, si je ne communique pas beaucoup, mais tu es importante pour moi, et je tiens à toi.

- Je sais mon grand, je le sais.

- Merci pour tout.

Elle sourit et le libéra de son étreinte.

- Va te coucher, tu as besoin de te reposer, il est tard.

- OK. Bonne nuit.

- Bonne nuit.

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