Chapitre 4

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Martine rangea la vaisselle et mit l'eau à bouillir pour le thé. Elle allait sortir des biscuits secs quand elle vit Lysandre passer dans le couloir.
- Tu sors ?
- Juste sur le balcon.
- Je vais faire du thé, tu en veux ?
- Oui, pourquoi pas ...
Il sortit et s'installa à la petite table du salon de jardin qui meublait le balcon. L'appartement de la cousine de sa mère était plutôt spacieux, juste la terrasse, comme l'appelait Martine, relevait plus d'un balcon qu'autre chose, mais pour le reste, l'appart était confortable. Le jeune garçon avait sa propre chambre et était libre d'aller et venir sans trop rendre de compte. Il n'exagérait pas non plus, de toute manière il n'en avait pas le cœur.
Martine arriva avec un plateau bien achalandé. Vivant seule, elle avait recueilli Lysandre après le décès de ses parents. Seule proche parente vivant à proximité, c'était elle qui s'était proposée et ne le regrettait absolument pas. L'adolescent était adorable et surtout facile à vivre, malgré les circonstances. N'ayant jamais eu d'enfant, elle était ravie de pouvoir jouer un rôle de pseudo-mère à présent.
- Comment s'est passée ta journée ? Tu n'as pas beaucoup parlé au dîner.
- Rien de très particulier, les cours sont parfois longs et aujourd'hui justement c'était une longue journée. Fit-il évasif.

Il passa sous silence sa sieste du matin et le soin de sa cicatrice et, aussi, la brouille avec Yanel. Enfin, brouille était un grand mot. Il avait eu un message de son ami justement à ce propos et il se sentait mal à l'aise. Comment lui répondre ? Bien entendu, il savait que Yanel n'avait pas voulu intentionnellement être aussi direct, qu'il agissait sous le coup de la colère et de la frustration d'avoir été humilié. Oui il savait que son ami le regrettait et il avait entendu ses excuses, qu'il acceptait bien évidemment. Mais alors pourquoi avait-il été bloqué ainsi ? Incapable de répondre, de s'exprimer. Comme si les mots refusaient de franchir ses lèvres ?

Jamais il n'y avait eu de gêne entre eux pour se parler à cœur ouvert, et de qui plus est, surtout si la situation était aussi critique que celle de cette après-midi ? Il soupira et bu son thé.
- Et comment va ton ami Yanel ?
- Ça va ... je crois.
- Vous ne vous êtes pas vus aujourd'hui ? S'étonna Martine
Lysandre sentait qu'il allait devoir donner plus d'explication qu'il ne le voulait en réalité. Il mentit.
- Non, pas aujourd'hui.
En fait ce n'était presque pas un mensonge. Ayant dormi une bonne partie de la matinée et sans échange durant les cours, c'était un peu comme s'ils ne s'étaient pas vu. Il le regrettait d'ailleurs.
- Finalement, je vais faire un tour jusqu'au parc et je reviens. Dit-il en se levant.
- OK, si je ne suis plus là à ton retour, c'est je que suis au salon sous mon plaid !
- D'accord. Il sourit malgré lui, car il voyait tout à fait la scène, Martine sous son plaid en patchwork. Authentique tableau de la petite grand-mère ... il ne manquait plus que le tricot et le chat roulé en boule sur les genoux !

Il sorti et inspira profondément. L'air était léger ce soir, il faisait moins chaud depuis une semaine et c'était appréciable. Il marcha sans but précis, passa devant le parc, puis déambula au hasard des rues. Il avait toujours cette grosseur dans la gorge et ce poids sur la poitrine, qui l'empêchaient de respirer librement. Il se sentait tellement mal. En plus cette après-midi avait été pénible.

Il revit la scène : Stephan provocant Yanel et ce dernier l'envoyant balader. Et puis le coup de tête... Yanel déstabilisé, le nez en sang. Lysandre serra les poings. « Ce salaud de Stephan ! Fous-lui la paix ! ... ». Et puis la réaction de Yanel. Là, son cœur fit un bond, il porta la main à sa poitrine, presque suffocant. Bon sang ! Pourquoi ?

Lysandre s'arrêta un instant, et ferma les yeux, laissant venir à lui les ressentis : « Ne le touche pas ! » Et Lysandre ouvrit grand les yeux. Voilà donc ce qui l'avait ennuyé au plus haut point : que Stephan le frappe ? ..., que Yanel ait mal ? ... non, que Stephan le touche.

Le lendemain matin, Lysandre arriva le premier dans la salle de classe. Incapable de dormir, il avait cogité toute la nuit et au final, s'était levé tôt.

Une sorte de boule au fond de sa gorge l'empêchait de déglutir. Il se sentait comme à la remise des résultats d'un examen important. Presque fébrile, il ouvrit la fenêtre la plus proche de lui. L'air était encore frais, plus tard, dans la matinée, il serait plus lourd, il en profita donc pour s'aérer. Il laissa les pensées aller et venir : ... les cours, Noël dernier, ses parents lui offrant sa PS4, ses sorties avec Yanel, l'accident et le Baccalauréat.

Encore un mois avant l'examen, l'aboutissement des trois années de lycée. Il soupira, la peur au ventre : y arriverait-il ? On était début mai, et il sentait ses forces l'abandonner. Chaque révision lui coutait un gros effort de concentration. Heureusement que Yanel était là, sans quoi, il n'aurait jamais pu rattraper son retard au niveau des prises de notes. Il essayait autant que possible de ne pas manquer les cours, mais parfois, comme hier matin, il y était contraint.

Ses pensées filèrent encore et stoppèrent sur la bagarre de la veille. Une sorte de bouffée de culpabilité s'empara alors de lui. Il aurait vraiment voulu s'interposer ou au moins faire une remarque bien sentie à ce con de Stephan, mais Léo l'en avait empêché. Même s'il savait que son camarade avait bien fait, il lui en voulait un peu tout de même.

Il en était là de ses pensées quand il entendit les voix des élèves commençant à entrer dans la salle. Il s'assit et sorti ses affaires pour s'occuper. Il se demandait si Yanel s'installerait à côté de lui.
Puis le cours débuta. Sans Yanel cette fois. Inquiet, Lysandre lui envoya un sms discrètement pour avoir de ses nouvelles, mais n'eut aucune réponse. Il attendit avec impatience la pause de dix heures pour enfin l'appeler. La frustration fut à son comble quand il n'eut que le répondeur !

Il réfléchit rapidement, et regarda son agenda, l'heure suivante serait consacrée à l'anglais. Tant pis, il n'irait pas.
Il se faufila discrètement jusqu'au secrétariat et demanda un bon de sortie, pour rendez-vous médical. La secrétaire ne lui posa aucune question, la cicatrice de Lysandre n'avait pas belle allure, de nouveau...

Il arriva très vite chez Yanel. Trouva porte close et toujours son répondeur enclenché. Si c'était là une manière de lui faire payer, il ne l'appréciait pas du tout ! Mais il chassa très vite cette idée de ses pensées. Ce qui lui sembla le plus probable, c'est que Yanel ait eu des séquelles suite au coup de tête donné sur son nez. Lysandre pris le premier bus et se rendit au cabinet médical des parents de son ami.
La secrétaire lui permit de rester dans l'entrée. Au bout de vingt minutes, une porte s'ouvrit, Aymeric et une patiente avec un nourrisson sortirent enfin.
- Ah bonjour Lysandre ! Fit le médecin, pas surpris. Il raccompagna la mère et le bébé jusqu'à la porte d'entrée et revint voir Lysandre.
- Je suis désolé de venir ici, mais, ... je n'ai pas vu Yanel en cours ce matin et je n'arrive pas à le joindre. Est-ce qu'il va bien ? Je veux dire... il a eu un coup sur le nez et ...
- Oui, en effet, c'est un peu parti en vrille cette nuit. Il est allé aux urgences tôt ce matin avec ma femme. Je pense qu'il devrait être sortit pour midi... Vas à la maison, voici les clés. Entre et attends-les si tu veux.

Lysandre sorti, les clés à la main, un peu étourdi. Alors le coup de boule de Stephan avait tout de même été fort ... quel salaud ! Quand il arriva enfin chez Yanel, il vit avec soulagement que la voiture de sa mère était garée devant la maison. Il n'eut pas le temps de frapper à la porte d'entrée, elle s'ouvrit sur Yanel.
- Salut ! Viens. Invita ce dernier en lui adressant un petit sourire.
- Salut. Ça va ? Lysandre leva une main et l'approcha du visage de Yanel, encore quelques centimètres et il pouvait le toucher, mais se retînt.
- Ça va mieux, je te rassure. C'est impressionnant à voir, mais ça va ... Yanel ne fit pas mine d'éviter la main de Lysandre, mais quand elle redescendit, sans le toucher, il se senti bizarre.

Ils allèrent jusqu'à la cuisine ou Gwen préparait un déjeuner rapide.
- Salut Lysandre.
- Bonjour. Il posa les clés sur la table. Au regard interrogatif que lui adressa Gwen, il expliqua qui les lui avait données. Puis il se tourna vers son ami :
- J'étais inquiet. Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Cette nuit je me suis réveillé dans une mare de sang... raconta Yanel, un truc à faire peur ! Impossible d'arrêter le saignement, résultat, à six heures ce matin j'étais aux urgences.
- Bon les garçons je file. A tout à l'heure !

Gwen leur fit une bise sur la joue à chacun et sorti sans demander son reste.

Enfin seuls.
- Bon alors, qu'est-ce qui s'est passé hier, fit Yanel sans perdre de temps. Tu veux bien me parler maintenant ?
Il l'avait coincé contre la table, l'obligeant à le regarder encore. La technique fonctionnait plutôt bien en général. Lysandre était un type assez docile, pas contestataire du tout en fait et, très souvent, quand Yanel voulait une réponse claire, il se plantait devant son ami et le regardait sans détour, droit dans les yeux. C'était direct et ainsi, il obtenait toujours une réponse, souvent, la bonne la vraie, Lysandre ne sachant pas mentir. La proximité soudaine de leurs corps les troubla. Yanel s'écarta légèrement pour leur laisser de l'espace et ils prirent quelques secondes pour que leurs regards décrochent l'un de l'autre, car Lysandre ne parvenait toujours pas à répondre.
Enfin, il inspira et dit :
- J'ai du mal à comprendre moi-même, je te le promets... « Comment te le dire ? »

- Mais tu as compris que j'étais un peu hors de moi, et que ça n'avait rien à voir avec toi ? Fit doucement Yanel.
- Oui, mais ... Il soupira encore et eu un geste d'abandon avec ses mains. Je te dis que je ne comprends pas ce qui s'est passé. J'étais emmerdé pour toi, l'autre idiot qui te frappe et Léo qui me retiens d'intervenir ... le tout ajouté à ...
- Ma remarque genre « casse-toi ! » ... oui, je vois... termina Yanel. C'est de bonne guerre ...
Ils échangèrent un sourire, complices à nouveau.
- Ça te fait mal ? S'enquit Lysandre en faisant une petite grimace compatissante.
- Pas pour le moment, ils m'ont mis des mèches pour cautériser la plaie que j'ai à l'intérieur, ce débile ne m'a pas loupé !
- Désolé...
- T'inquiète pas va, il ne l'emportera pas au paradis !

Ils déjeunèrent un peu, sans avoir faim.
- Tiens, ton ordonnance. J'en ai une aussi, fit Yanel en agitant une feuille similaire.
- Si tu veux, je vais à la pharmacie pour nous deux.
- Ok, ça me va, j'ai un peu mal au crâne en fait, je crois que je vais m'allonger.
- Et pour le lycée ?
- Ma mère a appelé ce matin.
- OK.
Lysandre se leva et débarrassa la table pour soulager son ami. Sur le point de
partir, il dit simplement :
- Je suis content que tu n'aies rien. Rien de plus grave, je veux dire... Puis
il sorti.    

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