Chapitre 3

6 minutes de lecture

La reprise des cours commença sur les chapeaux de roues. Alors que Lysandre signait le registre de présence posé sur le bureau du prof encore absent, il entendit derrière lui une voix malheureusement familière, le railler.

- Alors, on bleute les cours du matin ? Sans crier gare en plus ? C'est cool la vie pour toi !

Lysandre se retourna et dit simplement à voix basse.

- Fiche-moi la paix.

Stephan le regarda et souri avec cet air mauvais qui le caractérisait et le rendait insupportable pour de nombreux autres élèves également. Fauteur de trouble, il avait déjà repiqué deux fois sa terminale et il attendait la fin de l'année pour dégager et s'inscrire ailleurs, le Bac en poche ou non. En attendant, il enquiquinait tout le monde, vu qu'il s'ennuyait...

- Hey, du respect pour les aînés ! Fit l'autre en lui barrant le passage.

- Je te respecterais quand tu me respecteras, en attendant, laisse-moi !

Tout alla très vite, Stephan s'avança et lui donna un bon coup de tête. Acculé contre le bureau Yanel ne put l'éviter et le prit en pleine figure. Le sang jaillit de son nez instantanément. Fier de son geste, Stephan renifla et le menton haut, il tourna les talons.

- Va à l'infirmerie, tu es ridicule, on dirait que tu as dégueulé tes spaghetti-bolo ! Lança-t-il avec une grimace de dégoût.

Lysandre qui avait assisté à la scène depuis le fond de la classe, enrageait. Il allait se lever quand il sentit qu'on le retenait par son pull.

- Laisse-tomber, il n'en vaut pas la peine.

Lysandre se retourna, c'était Léo, un gars plutôt effacé et discret qui ne parlait presque jamais, sauf pour donner une bonne réponse aux interrogatoires surprise.

- C'est un con, doublé d'un connard, ne rentre pas dans son jeu, ce sera pire. Repris Léo.

Lysandre reporta son regard sur Stephan, qui se pavanait comme un paon, fier de lui. Puis, il ne vit plus Yanel. Aussitôt il se lança et sorti de la salle de classe. Il entendit juste la voix de Stephan dans son dos, imitant une crécelle: « Oh, mon chéri, mais tu as mal ? » Suivit des éclats de rires de certains de ses compères aussi crétins que lui. Il fut surpris de trouver son ami dos au mur, dans le couloir à quelques mètres à peine de la salle de classe.

- Ça va ?

- Laisse-moi, retourne en cours ! dit ce dernier. Le ton était sans appel, dur.... Il avait pris un mouchoir en papier et apparemment le saignement s'était déjà arrêté.

- Je ... La réponse de Yanel l'avait cloué sur place. Lysandre voulut parler, dire qu'il se serait interposé, mais à quoi bon ? Il battit en retraite.

Il rentra s'asseoir à sa place. Yanel le rejoignit, le prof arriva alors et le cours débuta. Et comme pour enfoncer le clou, c'était le cours le plus long de la journée, trois heures de Maths-Physiques. Seule une coupure de dix minutes était faite au bout des deux premières heures. Yanel qui avait eu le temps de récupérer de son humiliation, se tourna enfin vers Lysandre.

- Pardonne-moi pour tout à l'heure, je ne voulais pas être aussi sec...

Son ami ne répondit pas, il le regarda un long moment en fait, tentant d'analyser ce qu'il ressentait. Il entrouvrit les lèvres pour dire quelque chose, hésitant, mais finalement ne dit rien.

Le cours reprit Lysandre frustré de ne pas avoir pu vider son sac, se renferma sur lui-même jusqu'à la fin et n'osa plus jeter même un simple regard à Yanel.

Pour la première fois depuis qu'ils se connaissaient, les deux amis sortirent de la salle de classe séparément. La tension était palpable, Stephan riait encore de sa bêtise, Yanel était furieux contre lui-même et s'en voulait d'avoir repoussé son ami. Le cœur lourd il sorti et se retrouva dans le couloir avec Léo, qui manifestement l'attendait. Ils marchèrent ensemble.

- C'est de ma faute.

- Quoi ?

- Si Lysandre n'est pas intervenu, c'est de ma faute. C'est moi qui l'en ait empêché.

- Et je t'en remercie. Ça n'aurait rien arrangé qu'il se batte avec l'autre con, et qu'il s'en prenne une dans la figure, il en a déjà bien assez comme ça ...

Il faisait bien évidemment allusion à la cicatrice de Lysandre en disant cela. Finalement, ç'aurait pu être bien pire, si Lysandre s'en était mêlé et ça, Yanel ne l'aurait pas supporté.

- Justement, c'est ce à quoi je pensais, repris Léo.

- Tu as bien fait. Par contre lui, je crois qu'il m'en veut...

- Je suis vraiment désolé. J'espère que vous allez pouvoir régler ça. Excuse-moi mais je dois y aller, fit Léo en le saluant avant de sortir du bâtiment et de rejoindre l'arrêt de bus en courant.

Yanel chercha du regard son ami et ne le trouva pas. Attristé et se sentant très seul d'un coup, il marcha jusque chez lui. Comment avaient-ils pu en arriver là ? Tout ça, c'était de la faute de se crétin de Stephan ! D'ordinaire calme et plutôt tolérant, là, Yanel bouillonnait littéralement de colère. Il rentra chez lui et s'enferma dans sa chambre. Ses parents ne rentreraient pas dans l'immédiat, il en profita pour se changer les idées en jouant sur sa console. Au bout de dix minutes, il abandonna, incapable de se concentrer. Finalement, il reprit ses notes de la journée et les mis au propre, là encore, il se rendit compte qu'il commettait des erreurs. Enervé, il laissa tout tomber et descendit préparer le repas. Quand ses parents rentrèrent, ils furent alertés par l'odeur de brûlé qui régnait dans la maison :

- Tout va bien ? Demanda Gwen en s'arrêtant net en voyant son nez rouge puis, se précipitant vers le four.

- Non, rien ne va ! Lâcha Yanel, de mauvaise humeur.

- Bon, ... apparemment cette ... masse noire, c'était des lasagnes, c'est ça ?

Elle n'attendit pas la réponse de son fils et s'enquit d'appeler la pizzeria du centre-ville pour se faire livrer.

Aymeric ne fit aucun commentaire, surtout dès qu'il vit le regard éloquent que lui lança sa femme montrant Yanel et son nez qui avait enflé. Il l'examinerait plus tard, apparemment il n'avait pas l'air cassé, en revanche, Yanel aurait un bel œil au beurre noir sous peu...

Les pizzas furent livrées et consommées. Yanel fut très laconique durant le repas. Et dès que ce fut possible il fila dans le jardin, de réfugier près du vieux chêne. Son père le suivit en lui tendant une poche de glace :

- Alors, tu veux en parler ?

- J'en sais rien ... Il renifla et soupira en appliquant la poche sur son nez.

Surplombant son fils d'une demi-tête, il s'enquit de l'état de son appendice nasal :

- Viens là, montre-moi ce nez... Ce n'est pas Lysandre qui t'as fait ça

j'espère ! - Non, pas du tout... un connard de ma classe qui s'est crut malin.

- Et apparemment il l'a été ! Remarqua Aymeric, pince sans rire. Bon, c'est ce que je pensais : pas cassé. Remets la poche dessus ...

- Oui, bon ... il a mis dans le mile, mais je n'ai pas répliqué. Aïe !... Ça fait mal quand même !

- Je vois. Et Lysandre ? Il s'en est mêlé ?

- Non. On l'en a empêché... Heureusement d'ailleurs.

- Je m'étonne qu'il ne soit pas là ce soir, ta mère a son ordonnance...

- On s'est pris la tête, à cause de ... ma ... réaction. J'ai un peu été sec et je l'ai rembarré quand il est venu me voir.

- Bah, tu étais énervé, il doit le comprendre, j'en suis certain.

- En fait, c'est autre chose, ... je sens que c'est autre chose, mais je ne sais pas quoi au juste. Il était différent, enfin, sans doute à cause de ce que j'ai dit, mais ... c'est étrange.

- Vous ne vous êtes pas parlé ?

Si, j'ai fait mes excuses pour mon attitude et ... depuis, il est muet, et m'évite. On ne s'est plus adressé la parole depuis la fin des cours.

- Même pas par téléphone ?

- J'n'ai pas essayé de le joindre. Et lui non plus.

- Laisse-lui le temps de se calmer, tu verras demain. Il releva le menton de son fils et hocha la tête. Ce n'était pas joli, ceci dit, ç'aurait pu être pire.

- Ne tarde pas à rentrer. Fit Aymeric avant de le quitter.

Pourtant Yanel n'avait pas envie d'en rester là. S'il ne parvenait pas à définir exactement que qui clochait entre Lysandre et lui, une chose était certaine, il ne voulait pas attendre le lendemain. Ce serait pire encore selon lui. La journée allait être chargée, et ils n'auraient aucun répit pour pouvoir se parler. Il décida de l'appeler. Il n'eut que la messagerie :

« Salut, c'est moi. Je voulais savoir comment tu allais. Je suis désolé pour tout à l'heure, j'étais énervé et ce n'est pas une raison, je sais ... En tout cas, je sens bien que tu m'en veux. Rappelle-moi s'il te plaît. »

En raccrochant, Yanel eu soudain une vision. Il revoyait nettement le visage de Lysandre au moment où il lui faisait ses excuses. Il se souvint alors clairement l'avoir « vu » hésiter... oui c'était ça, il avait hésité. Mais pourquoi ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Nosyka123 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0