Chapitre 2

6 minutes de lecture

En arrivant au secrétariat du Lycée, Yanel rencontra le professeur du cours qu'ils venaient de manquer.

- Alors ? Comment il va ? demanda ce dernier en parlant de Lysandre.

Tout le monde savait ce par quoi le jeune homme passait, et en général, les gens étaient plutôt compréhensifs.

- Je l'ai emmené chez moi, il dort. En ce moment il n'y arrive pas. Il a des médicaments pour la nuit mais ils sont trop forts et ils l'abrutissent la journée.

- Je vois. Je l'ai croisé ce matin, sa cicatrice suintait...

- Oui, on en a profité pour la désinfecter.

- Il a de la chance de t'avoir. Tout le monde n'y arriverait pas.

- A quoi ?

- A faire ce que tu fais. Etre là pour lui, à anticiper ses besoins ... c'est très bien, il lui faut ça, ... ton soutien.

- Merci. Fit Yanel un peu gêné. Je vais aller prévenir qu'il sera absent aujourd'hui, du moins pour la matinée. Il essaie de ne pas trop manquer les cours en fait.

- Je m'en occupe. Retourne en cours.

- Merci. Répéta Yanel avant de partir.

En marchant jusqu'à la salle de classe, Yanel appela son père.

- Salut c'est moi.

- Salut. T'as pu te rendormir cette nuit ?

Il savait que son fils avait encore eu une nuit agitée. Il l'avait entendu gémir, mais n'était pas intervenu. Depuis un mois environ, ces cauchemars hantaient son fils et pas seulement : sa femme et lui aussi.

Yanel soupira.

- Plus ou moins ... Je me suis réveillé juste avant le réveil, mais ça peut aller.

- Qu'est-ce qui ne va pas alors ?

- C'est pour te prévenir, et maman aussi, que Lysandre est à la maison.

- Il va bien ?

- Pas trop. Il est tellement shooté par les médicaments qu'il ne dort pas la nuit et le jour il est comme un zombie. En plus il avait la cicatrice infectée ... Je l'ai laissé à la maison, il s'est endormi sur le canapé.

- D'accord. Je ferai un saut à midi pour voir ça.

- C'est l'idée. Merci.

- Pas de quoi mon grand, à tout à l'heure.

- A tout à l'heure.

Le côté pratique de la situation, pour Lysandre du moins, c'est que les parents de Yanel étaient médecins. Sa mère généraliste et son père pédiatre. Pour ce qui est de faire des pansements ou désinfecter des plaies, le jeune homme avait été à bonne école ! Yanel se nota aussi de demander à sa mère de renouveler l'ordonnance des produits de soin pour la cicatrice de son ami...

Au cours d'économie, le professeur ne fit aucun commentaire quant à l'absence de Lysandre.

Les élèves ne furent pas surpris de revoir leur camarade seul. Sophie se risqua tout de même à lui poser la question discrètement :

- Où est Lysandre ? Il va bien ?

- Ça va ... Il avait rendez-vous chez le médecin. Fit Yanel évasif. Sa camarade de classe hocha la tête et lui adressa un petit sourire d'encouragement.

Dès que le dernier cours de la matinée prit fin, Yanel se précipita chez lui. Son père était déjà là, et il préparait le déjeuner.

- Hello, ... quand je suis arrivé il dormait encore. J'ai regardé un peu sa cicatrice, c'est du bon boulot.

- Merci... Je vais aller le voir.

- OK. Ce sera prêt dans quelques minutes. Maman rentre aussi.

- Cool.

Hormis quelques divergences d'opinion, Yanel s'entendait très bien avec ses parents. Il faut dire aussi qu'ils étaient relativement jeunes. Ils s'étaient connus au lycée et très vite étaient tombés amoureux. De cette passion naquît Yanel, à peine avaient-ils dix-neuf ans. Yanel les trouvaient toujours très décontractés au vu de leur métier aussi, et élevé globalement dans une atmosphère sereine, sans tensions (car il faut le dire, ses parents étaient plutôt fusionnels et encore très amoureux), il avait lui-même une attitude calme et détachée. Yanel était capable d'encaisser de grosses situations de stress avec un recul suffisant pour ne pas être atteint et ce depuis toujours. Malgré tout, il n'avait pas réussi à digérer ce qui s'était passé il y a un mois, ça, c'était au-dessus de ses forces.

Au moment où il allait quitter la cuisine, sa mère entra :

- Bonjour toi ! Alors, comment tu vas ?

- On fait aller... et bizarrement en disant cela il bailla.

- Papa m'a dit que Lysandre n'allait pas fort non plus ?

- Oui, je vais justement voir s'il est d'aplomb pour déjeuner ... Il dort selon papa.

Et c'était bien le cas. Lorsqu'il entra, il s'arrêta, voyant que son ami dormait profondément. Sa mère jeta un œil par-dessus son épaule et chuchota :

- On va le laisser continuer de dormir, viens ....

A table, Yanel raconta la matinée, et surtout demanda si l'un ou l'autre de ses parents pouvait renouveler l'ordonnance de Lysandre.

- Pas de soucis, je m'en occupe tout à l'heure, il l'aura ce soir, fit sa mère.

- Et en cours, ça donne quoi ? Demanda le père.

- Ça va, les profs sont cool... Mais il essaie de limiter les absences au maximum. Il veut passer le Bac cette année quand même...

- C'est bien. Acquiesça le père. Et toi ? Comment tu vas ? Là, il ne parlait pas des cauchemars.

Le jeune garçon regarda son père et soupira.

- Je vais bien, je crois ... ce n'est pas facile tous les jours, mais je m'accroche. Il a besoin de moi.

- On est là aussi tu le sais ... fit sa mère en lui prenant la main.

- Oui je sais, merci. Il lui sourit malgré les larmes qui lui embuaient les yeux.

Il se leva et sortit de la cuisine pour voir si Lysandre dormait toujours. Il le trouva assis sur le canapé en train de s'étirer.

- Hello... bien dormi ?

- Oui, merci. J'ai littéralement sombré, désolé. En levant les yeux, il vit que Yanel avait l'air ému, mais il ne le releva pas. Il ne voulait pas le gêner.

- Tu as faim ? Demanda Yanel.

- Oh oui !

Il avait faim en effet, il mangea de bon appétit et reprit des couleurs. Lysandre remercia les parents de Yanel pour leur aide et surtout fut ravi d'apprendre qu'ils pouvaient le dépanner pour sa prescription médicale.

- Tu retournes en cours cette après-midi ? demanda le père.

- Oui, je pense que ça va aller. C'est mieux que de rester enfermé chez Martine à tourner en rond.

Lorsque les deux lycéens s'en allèrent, Aymeric et Gwenaëlle se préparèrent un café.

- Il faut qu'on les surveille de près. Fit Aymeric. J'ai parfois l'impression qu'ils s'isolent de tout le monde et ce n'est pas bon.

- Je suis d'accord. Pour le moment, ils ont trouvé une sorte d'équilibre et ça fonctionne plutôt bien.

- Oui, mais à deux uniquement...

- Une chose est certaine, il ne faut pas les séparer, ce serait la catastrophe. Pour l'un comme pour l'autre.

- Oui, répéta Aymeric... en attendant, on garde un œil sur eux. J'ai peur que Yanel ne nous fasse une petite déprime. Il a encore eu un cauchemar cette nuit...

- J'ai entendu oui. Je ne sais pas comment l'aider. Ça dure depuis ...

- Depuis un mois, depuis l'accident... Il suffit déjà que Lysandre soit en dépression. J'aimerai pouvoir lui effacer ces maudits rêves. Termina Aymeric irrité, surtout frustré de ne pas pouvoir soulager son fils.

- Il y a trois jours, quand tu es parti à Libourne, il a tellement pleuré, je ne savais plus quoi faire. Fit Gwen à mi-voix.

- Tu ne m'avais rien dit ! Comment ça ?

- Je ne voulais pas t'inquiéter encore plus, mais, je pense sérieusement qu'il doit consulter, suivre une thérapie. Chéri, cette nuit-là, il a appelé Lysandre, il criait son nom et c'était ... Elle déglutit, les larmes montaient sous le coup de l'émotion.

- Chut, calme-toi. Viens-là. Aymeric la pris dans les bras et la berça.

- Il ... il avait tellement de peine, ... Elle renifla et le regarda droit dans les yeux.

- Il y a quelque chose de différent depuis cette explosion, ça me fait peur et j'ai mal pour lui. Je ne sais pas comment le soulager.

- Je sais, je sais... Moi non plus et j'enrage déjà. On va le surveiller et je vais voir à la clinique si on peut me conseiller quelqu'un.

Elle parut rassurée et demanda :

- Et chez Martine comment ça se passe ? Yanel ou Lysandre ont dit quelquechose ?

- Non, rien du tout. Il faut dire que le môme est plus souvent ici que là-bas.Il n'a plus vraiment de repères...

- Le pauvre gosse, il me fait vraiment de la peine, poursuivit Gwen. Je vais faire cette ordonnance.

Aymeric termina son café et débarrassa leurs tasses. Il étreignit sa femme, comme si, lui aussi, avait soudainement besoin d'encrage, de repère. Elle lui rendit son étreinte et ils s'embrassèrent tendrement.

- Allez, courage, on va traverser ça avec lui, avec eux... Dit-elle rassérénée enlui caressant le visage. Dieu qu'il était beau, et Yanel avait tout delui : ses grands yeux couleur vert clair, le même teint un peu mat, les cheveux châtains mis-longs en bataille et cette même silhouette longiligne. D'ailleurs, elle se fit la réflexion que Lysandre était en tous points identique à Yanel, sauf les yeux, couleur brun tirant vers le doré et la cicatrice en plus...  

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