III (Partie une)

7 minutes de lecture

Juin

SAMUELE

Can’t Hold Us — Macklemore & Ryan Lewis et Ray Dalton

Loca — Shakira feat El Cata (Spanish Version)

Andréa jette le ballon en direction d'Edem qui l’attrape. Il dribble et met au défi Zach de s'en emparer. J’observe et attends le moment propice, non loin du panier de basket-ball. Celui-ci me lance la balle et je fais une passe en vol, avant de dunker. J’atterris sur mes pieds et le coach siffle la fin de l’entraînement. Zach, Andréa et Edem accourent vers moi, en me félicitant pour mon dunk. Mes boucles me collent au front, je me suis vraiment démené sur le terrain.

La troupe se rassemble devant l'entraîneur, pour écouter les dernières instructions avant le match de samedi soir. Du fait de mon absence cette saison je ne joue pas, mais je compte bien venir soutenir mon équipe.

J'ai repris ce sport il y a quatre ans, c'était le bon moment pour retrouver un rythme de vie stable.

Demain, je dois rendre visite à Simon, plus d'une semaine que je ne l'ai pas vu. Un poids me comprime la poitrine. Rebecca m'a rappelé le lendemain de l'incident pour m'apprendre que son état s'était amélioré et que ses constantes étaient stables.

Le groupe part ensuite se doucher. Quant à moi je reste quelques minutes discuter avec le coach.

À la fin de notre conversation, il me tape généreusement l'épaule et s'en va.

— On joue une dernière fois avant de partir les mecs ? nous interpelle Andréa dans mon dos.

C'est à ce moment là que je constate qu'il ne reste plus que mes amis et moi sur le terrain. Le métisse fait tournoyer les clés de la salle entre ses doigts.

— Je suis prêt à prendre ma revanche Rivoire, assure Zach avec un air de défi.

Le blondinet n'a pas oublié sa défaite.

— Dis-moi Andréa, tu n'as pas un rendez-vous au salon ce soir ? débité-je pour agacer notre ami le mauvais perdant.

Nous nous jetons un regard complice, faisant durer le suspense.

— Pas ce soir non, j'ai tout mon temps pour gagner de nouveau cette manche, s'amuse le tatoueur en me jetant la balle.

Le jeu est lancé. Je dribble et visualise Edem qui s'avance vers moi.

— Tu ne serais pas un peu prétentieux Maltais ? revendique le susceptible.

— Le grand Samuele Rivoire aurait-il peur ? me charrie le grand métisse en me barrant le passage.

J'affiche mon plus beau sourire pour provoquer mon adversaire.

— Arrête de faire ta pipelette et attaque-moi !

Il fait un pas vers moi. Je m'attends à le voir me la subtiliser. Mais au lieu de cela Edem me surprend et m'écrase fortement le pied en affichant un sourire mauvais. La douleur m'envoie des ondes de choc dans tout le corps, me faisant perdre par la même occasion, le ballon des mains.

Le salaud le récupère sans difficulté et se précipite vers le panier, sans que je puisse faire quelque chose pour l'arrêter.

— Tricheur ! hurlé-je dans sa direction.

— Et le Bro Code tu en fais quoi ? proteste Andréa.

J'esquisse un mouvement, mais grimace en encaissant un nouvel élancement dans mon pied meurtri.

— Pas de pitié avec les potes ! déclare-t-il amusé.

Culo¹ !

Edem s'élance pour tirer à l'intérieur de la ligne des trois points du terrain et finit par marquer. Je contracte les mâchoires face à sa mine ravie. Deux points pour eux.

Malgré tout, je lève le menton et essaye de passer outre la douleur. Nous reprenons le match et les points défilent au fur et à mesure que la partie s'enchaîne.

Andréa et moi finissons par perdre 17 à 20, après 40 minutes de match. Je déteste les défaites. Néanmoins, il est déjà tard pour une revanche.

Edem et Zach se tapent dans les mains. 

Ces deux-là, sont des vrais âmes-sœurs. Amis de longue date, colocataires et suivant le même cursus, il est très rare qu’ils soient séparés. 

Il y a deux ans, ils ont déposé un brevet pour une application mobile de rencontre s’appelant Visible. Qu’ils ont inventé pendant leur adolescence. Le principe est simple : elle permet d’augmenter les chances de retrouver un ou une inconnu(e) croisé(e) par hasard dans n’importe quel lieu et circonstance. Il suffit seulement aux deux utilisateurs d’être actifs sur l’application pour que cela fonctionne. 

Zachary en est le développeur et Edem se charge du marketing et du management de leur création. Personne ne croyait en eux. Pourtant, depuis quelques mois l’application connaît un franc succès auprès des jeunes. A son lancement, j’ai moi-même télécharger l'application pour soutenir mes amis. Néanmoins, j’ai très vite déchanté, d'innombrable demandes et messages sont apparus dès que je m'aventurais à l’extérieur.  Ma localisation est désactivée depuis. Rencontrer une femme, ne sera jamais dans mes projets.

Avant, j’étais prêt à tout abandonner pour une fille et en contrepartie celle-ci m’a tout volé. Me rendant antipathique. Je ne suis plus en capacité de ressentir ou d’éprouver des sentiments autre que de la rancune à l’égard des femmes. 

— On te laisse ranger la balle dans le débarras Samy, me signale le blond avec une moue, dédaigneuse tordant sa bouche.

Serait-ce une vengeance de sa part ?

Il me plaque le ballon violemment contre le torse et m'ébouriffe les cheveux comme un enfant, avant de rejoindre les autres dans le vestiaire.

Je marmonne dans ma barbe avec agacement. J'atteins rapidement le placard à rangement et entends de la musique non loin.

L'endroit est sombre, étriqué et le son fait vibrer les murs. Beaucoup de matériels de sport y sont entreposés. Me frayant un passage entre les différentes boîtes et caisses au sol. Une lumière se diffuse à travers la pièce et je trouve enfin le carton pour poser l'objet.

En me relevant, j'aperçois une illusion d'optique de la salle de l'autre côté du mur. Une cloison sépare pourtant les deux pièces. Comme l'effet d'un miroir vieilli, j'entrevois malgré un voile fumé, le parquet au sol et une chaise qui trône en plein milieu. J'esquisse un mouvement de recul pour partir et me heurte à un meuble. La musique s’arrête pour laisser place à la suivante et je me fige en discernant une silhouette debout devant le siège. C'est une femme, les traits de son visage sont obstrués par le voile du miroir. Elle arbore des vêtements près du corps, qui sculptent ses formes pulpeuses, ses jambes sont fines et élancées. Elle porte des talons aiguilles.

Je suis intrigué et je n'ai pas souvenir de l'avoir déjà croisé.

Me voit-elle aussi à travers le mur ?

L’inconnue commence à onduler son bassin en passant ses mains dans ses cheveux sur la chanson « Loca » de Shakira. Accompagné ensuite d'un mouvement souple des épaules et de la tête.

J'ai ma réponse, je suis le seul à pouvoir l'observer à ma guise.

La ballerina² s’avance dans la salle, en faisant des gestes circulaires avec ses courbes, s'arrêtant à quelques mètres du miroir. Je suis captivé par la scène.

Malgré le mobilier, j’arrive à suivre sa progression. La danseuse déplace son pied droit en arrière, laissant l'autre sur place avec un léger déhanché. Elle fait le même mouvement, en avançant sa jambe opposée. Une chaleur m'envahit et ma gorge s’assèche face à la vision de son corps. Elle se glisse de profil en balançant de bas en haut son bassin, sur le rythme sensuel du refrain.

Son corps paraît animé d’une telle quiétude, quand elle danse. Je suis happé par son talent et la synchronisation dont l’inconnue fait preuve. 

Avec lenteur, elle tourne sur elle-même, rejoint la chaise au milieu de la pièce et s'y assoit délicatement. La femme écarte les cuisses avec ses mains, roulant sa tête sur le côté droit. Elle lève en hauteur ses bras et fait glisser ses mains sensuellement de ses seins, jusqu’à ses genoux. Je sens mon corps frémir. 

Qui est-elle ?

Étonnamment, comme si cette mélodie avait été créée spécialement pour elle.

La femme se relève paresseusement de son siège et se recule pour reprendre ses mouvements d'épaules. Ses gestes agiles et le rythme de la musique me transportent.

— Sam ? crie une voix dans mon dos.

Je sursaute en entendant des pas se rapprocher de ma position. Mon cœur tambourine dans ma poitrine.

Bon sang, pourquoi suis- je resté là tout ce temps ?

— J'arrive ! déclaré-je en sortant précipitamment du débarras.

Andréa m'attend juste devant, les bras croisés sur son torse.

— Tu en as mis du temps pour poser ce ballon, répond-il en m'étudiant attentivement, plissant les paupières.

Mal à l'aise et encore désarçonné par ce qu'il vient de se passer, je ferme les portes du cagibi. Quelque chose me dérange et je ne souhaite pas en parler pour l'instant.

— Je ne trouvais pas l'interrupteur, dis-je pour me justifier.

Quel piètre mensonge.

Depuis dix ans, c'est mon plus fidèle ami et je n'aime pas lui mentir. Lui et les garçons, sont les seuls proches qu’il me reste, les derniers dont je ne me méfie pas. Andréa connaît mon passé, mes erreurs, mes faiblesses, mes secrets, mes deuils, mes peurs, ce qui anime ma rage et ma rancœur. Il semble soupçonneux, mais respecte mon choix de garder le silence, en me faisant signe qu'il abandonne pour cette fois.

— On va se changer, il est déjà tard, conclut-il.

J'acquiesce et le suis à travers les couloirs du gymnase. Nous passons devant une porte où le son d'une musique s'intensifie. L’adrénaline accumulée pendant la soirée, parcourt encore chaque fibre de mon épiderme.

¹ : Cul.

² : Danseuse.

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