2 - Vincent

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— Vincent ? Vincent !

Cela fait maintenant trois jours que j’ai changé d’identité. On pourrait croire que c’est facile vu la haine que je porte pour mon paternel, malgré ça, ce n’est pas donné de se retourner machinalement sur un autre nom que le sien.

J’y arriverais.

Blotti au fond du siège de sa Clio, je passe une main dans mes cheveux et grogne en guise de réponse. N’importe quelle mère à sa place, aurait sans nul doute tapoter son volant en signe d’impatience, monter en pression et insister pour que je la regarde dans les yeux en m’inclinant devant sa douce autorité. Pourtant, elle n’en fait rien. Et pour cause, Sandrine Pelletier n’est pas ma mère, ni ma tante, ni même mon amie. C’est mon assistante sociale.

J’ai rencontré cette brune trois jours plus tôt, lorsque j’étais encore couché sur un lit d’hôpital à attendre que les médecins finissent de faire leurs examens. Après des résultats satisfaisants malgré d’anciennes contusions et fractures non soignées, le juge a décidé de me laisser entre les mains de cette fan de madeleines fourrées à la praline pour qu’elle puisse me trouver un nouveau foyer et suivre mon évolution.

C’est ainsi que je me retrouve aujourd’hui devant un chemin de pas japonais parfaitement entretenu qui dessert un charmant pavillon et une boite aux lettres affreuse en bois sculpté.

La portière claque et Sandrine patiente pour que je lui emboite le pas sans pour cela m’oppresser. Je présume que c’est pour cette raison que je la déteste moins que les autres. Cette femme au chemisier blanc ne me dit pas ce que je dois faire ou penser, et , dans ce monde hyper programmé, ce libre arbitre me fait le plus grand bien.

Je finis par la suivre, ouvre la portière, bouscule l’assistante sociale sans m’excuser avant de la suivre tête baissée à une distance de deux mètres.

Je l’aime bien, mais je ne lui dirais jamais.

— Bonjour, madame Colas, je suis Sandrine Pelletier, nous nous sommes parlé au téléphone hier.

Je traine les pieds dans l’allée fleurie de chez les Colas, ma nouvelle famille d’accueil. L’idée d’être à la merci d’inconnus dans un quartier luxueux ne m'apaise pas, surtout qu’avec ma collection de jogging, je ne me sens pas à ma place.

J’avoue pourtant que la découverte de cette belle mère de famille souriante aux yeux pétillants devrait me rassurer, mais en ce qui me concerne je ne ressens ni haine ni désir, aussi je joue la carte de l’indifférence.

— Je vous présente Tho... Vincent. Vincent, voici Céline Colas chez qui tu vas rester quelque temps en attendant que les choses s’arrangent.

La grande femme blond foncé se concentre sur moi et me sourit avec tendresse. Je grimace, baisse les yeux et fuis sa main tandis qu’elle nous invite à entrer dans ce pavillon de famille idéale.

Cette maison parait moins vaste vu de l’extérieur. Les deux femmes papotent dans l’entrée un moment tandis que mes pieds me portent d’eux-mêmes dans la pièce à vivre. J’observe attentivement chaque détail pour m’imprégner de ces lieux, sans pour autant dévoiler mon intérêt.

Un coup d’oeil en coin me confirme que les deux femmes font de même pour moi, mais je ne m’en inquiète pas, car même si je ne souhaite pas le montrer, je suis fasciné par ce qui m’entoure. Une décoration faite avec goût, de beaux meubles cirés, des tableaux de paysages verdoyants ornent les murs de la pièce. Il y en a absolument partout. Bibelots, photos, napperons, tapis envahissent les mètres carrés. Dans cette jungle luxuriante, c’est bien une sculpture miniature qui attire tout particulièrement mon attention. Là, face à moi se trouve une bête étrange posée sur un écran plat dernier cri. Je suppose que c’est une créature imaginaire laquée à la gueule grande ouverte, prête à dévorer le cadre photo de la charmante famille Colas, posé à ses côtés.

J’y reconnais la mère de famille Céline, souriante avec une chemise à carreaux et les cheveux plus longs qu’aujourd’hui. Lui tenant l’épaule de sa main, son mari Paul, un grand brun au sourire étincelant et leur fils, Jeffrey fièrement installé juste devant eux, un air béat et des yeux noisette.

— Tu aimes cette photo ? me questionne Céline en s’installant à ma hauteur.

Son souffle dans mon cou me donne un frisson et je tressaille, la grimace de rigueur sur mon visage.

Je m’apprête à répondre, mais fronce les sourcils et secoue la tête.

La femme m’observe de ses yeux ronds et éclate de rire sans pour autant se moquer. Je ne sais pas pourquoi, mais j’aime ce son franc qui sort de sa gorge et qui ressemble au bonheur. Puis elle retourne discuter avec Sandrine lorsqu’un tremblement soudain me met en alerte.

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