Chapitre 5

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Mauvaise surprise

À peine ai-je fait un pas dans le cimetière, les deux pots de fleurs dans les mains, qu'une silhouette apparaît dans mon champ de vision sur la droite. Je t'ai dit que je détestais Maximilian Daniels, le frère de Lily Rose ? Eh bien, il y a une personne que je hais encore plus.

Je me fige, les mâchoires serrées, tandis que la silhouette s'approche de nous. Lily Rose lâche un petit bruit – de surprise ou de joie, je ne saurais dire – et s'avance vers le nouveau-venu. Le nouveau-venu en question, c'est Anthony Greenlight. Il attrape Lily Rose par la taille et colle un baiser sur ses lèvres. Ha ! je te vois venir : tu me penses jaloux de lui ? Pas vraiment. Tu comprendras la raison de mon inimitié envers lui quelques temps plus tard.

Mark pose sur moi un regard appuyé, l'air de dire « Oublie pas la règle ». Non, je l'ai pas oubliée... Phil me toise d'un air désolé. Il sait qu'en plus de ne pas apprécier son fils, j'ai un problème avec le petit-ami de sa fille. Sofia remet le groupe en mouvement d'un geste de la main agacé. Son mari la suit de près. Mark et moi sommes juste derrière. Je sens les regards d'Anthony et de Maximilian dans mon dos, ce qui fait courir des frissons glacés sur ma nuque.


Après deux minutes de marche, nous arrivons vers la partie du cimetière où est enterrée la famille de Mark. Mes mains tremblent alors je me débarrasse le plus rapidement possible des fleurs. Je les pose devant les tombes d'Alison, Jade et Holly. Puis me recule derrière tous les autres en gardant la tête baissée. Personne ici ignore qui est leur meurtrier.

Mes yeux se relèvent néanmoins à hauteur des tombes. Celle d'Alison, la plus grande, est au milieu. Les deux autres se trouvent à côté. On peut lire, de gauche à droite :


Jade Kelly Grace

3 février 2004 – 7 février 2010

Repose en paix parmi les étoiles


Alison Louisa Grace

12 janvier 1978 – 7 février 2010

Tu seras toujours dans nos cœurs


Holly Willow Grace

3 février 2004 – 7 février 2010

Ton sourire étincellera à jamais


Jade était réputée pour adorer le ciel et notamment les étoiles. Elle adorait dormir dehors et dessiner le ciel étoilé. Alison, elle, était connue non seulement à Daree pour sa gentillesse, mais aussi à Lake Town, où elle travaillait. Quant à Holly, son sourire suffisait à vous donner la joie de vivre.

Je ne vais pas te mentir, de nombreuses fois j'ai espéré que ma tombe rejoigne ce cimetière.


Zachary Gibson

1er janvier 1998 – 7 février 2010

Pauvre gars mort


À mon humble avis, personne ne serait venu me pleurer. Personne ne se serait souvenu de moi. Et ça aurait été très bien comme cela.


Je reste en retrait tandis que Mark tient un discours personnel et chargé d'émotions pour sa femme et ses filles décédées. Il a une main posée sur le cœur et, vu les pauses courantes qu'il prend, je le suspecte de pleurer. Il doit avoir les yeux larmoyants, mais aucune larme qui coule. Mark est comme ça ; il est digne. Il montre son chagrin tout en restant maître de lui-même.

Sofia et Phil parlent à leur tour d'une femme qu'ils ont aimée comme une très bonne amie et de deux petites filles pleines de vies qui les faisaient rire. Lily Rose pose les fleurs qu'ont amenées les Daniels en déclarant « Je ne vous oublierai jamais » avant de se retirer. Maximilian et Anthony se contentent de fixer les tombes d'un air solennel.

– Tu ne veux pas leur parler un peu ? souffle Mark en se tournant légèrement vers moi.

Aussitôt, ma poitrine se contracte et mon souffle devient rauque. Mon corps se met à trembler comme une feuille. Sofia, qui a senti que quelque chose n'allait pas, me lance un regard inquiet.

– Zachary ?

J'ai l'impression d'être redevenu le garçon de douze ans à qui on a appris qu'il venait de tuer quatre personnes, dont son meilleur ami et deux fillettes. Les larmes me piquent les yeux et la nausée me brûle la gorge.

Incapable de faire face à tous ces regards posés sur moi, je tourne les talons et m'enfuis en courant.


Dans ma fuite, je suis sorti du cimetière. Je me trouve derrière celui-ci à présent, de l'autre côté des voitures. J'entends Mark et les Daniels m'appeler. Je me sens cependant incapable de les rejoindre. Je renifle et me mouche pour la énième fois.

Alors j'entends des éclats de rire et des pas lourds. Je sais aussitôt qui c'est.

Je me suis levé de la pierre où je m'étais installé quand Maximilian et Anthony font leur apparition à l'angle du mur du cimetière. Ils arborent des sourires amusés.

– Bah alors, Zach ? fait Max d'une voix douce et étonnée, comme s'il s'adressait à enfant de trois ans qui vient de se perdre dans un magasin.

Je me contente de le fusiller du regard. Son complice vient en rajouter une couche :

– Oh ! Mais c'est qu'il pleure, le p'tit Zach... Tu veux qu'on appelle tes parents ?

– Ferme-la, grogné-je d'une voix rauque.

– Il s'énerve, le p'tit Zach ? raille Anthony en tapotant ses genoux comme s'il s'adressait à un chien – je ne dois pas avoir plus de valeur à ses yeux. Ohhh, pardon, c'est vrai... t'as pas de parents.

Si ses remarques m'ont blessé des années auparavant, aujourd'hui ça ne me fait plus d’effet. Il a toujours usé de ces discours ; ils n'ont plus d'efficacité.

Maximilian, dont le visage est fendu d'un sourire carnassier, s'approche de moi.

– Ah, le pauvre petit, fait-il d'un air faussement désolé. Il a craqué et a pris la fuite comme un môme. Mark va le gronder !

– Max, soupiré-je d'un air accablé. Retourne picorer dans la paume de tes vieux.

J'ai fait tilt. Maximilian ouvre de grands yeux et serre les poings. Tout le monde sait qu'il s'est fait bichonner et surprotéger pendant son enfance par ses parents. Aujourd'hui encore, il doit rappeler à Philip et à Sofia qu'il est majeur et peut se débrouiller tout seul – quoique, j'ai des doutes parfois.


Avant que je puisse esquiver, Max me colle une droite. Aie. Je titube en arrière et m'affale sur la pierre sur laquelle j'étais assis un peu plus tôt.

Anthony éclate de rire et vient vers moi. À son tour, il me rue de coups de pieds dans les côtes et dans le ventre. La douleur m'arrache des grognements. Il s'arrête, le temps que je reprenne mon souffle, puis repart de plus belle en se laissant tomber à califourchon sur moi.

– Anthony, haleté-je, la poitrine douloureuse à cause de ses coups et de son poids, arrête.

– Autrement quoi ? murmure-t-il en se penchant à quelques centimètres de mon visage. T'as jamais eu les couilles de me rendre mes coups, Zach. T'es qu'une mauviette, une p'tite loque. T'as trop peur de la réaction de Mark quand il apprendra que tu t'es battu.

Je dois enfoncer mes ongles dans mes paumes jusqu'au sang pour ne pas le frapper. Ma colère doit être palpable, car il grimace un sourire un peu angoissé.

– C''est ça, roucoule Anthony avant d'abattre son poing sur mon visage.

J'étouffe un cri de douleur et le foudroie du regard.

– J'aime ce regard, Zach.

Du sang coule de mon nez et passe à travers mes lèvres, si bien que je sens son goût métallique dans ma bouche. Anthony agrippe mon col pour me redresser à hauteur de son visage. Il plonge ses yeux dans les miens.

– C'est ton regard de tueur.

Il esquisse un sourire qui découvre ses dents.

– Réveille-donc la bête qui dort en toi, Zach, siffle-t-il d'un ton suave. Je veux voir le tueur !

Je fais ce qu'il me demande : je laisse ma colère – ma bête ? – exploser.

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