Chapitre 13

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13

Comptes à régler

Je me suis encastré dans un coin de la cour, dans une sorte d'alcôve, quand Lily Rose apparaît devant moi, les joues roses et le souffle court d'avoir couru.

– Je viens juste de sortir de maths, annonce-t-elle en haletant.

J'ai remarqué, merci.

– On dit des choses sur toi, Zach, elle ajoute d'un air grave.

Sans déconner !

– Il paraît que tu as fait... des trucs bizarres pendant le cours de littérature.

– Qu'est-ce qu'on t'a raconté ? soupiré-je, m'attendant au pire.

– Eh bien... (Le rouge s'accentue sur ses joues et je sais que ce n'est pas le froid.) Tu regardais des photos bizarres qui étaient cachées dans ton livre. Toutes les filles de ton groupe te prennent pour un gros pervers.

– Elles me prenaient déjà pour un assassin, ça peut pas être pire, répliqué-je d'une voix cassante en observant un flot d'élèves se déverser dans la cour.

– Alors c'est vrai ? murmure Lily Rose en me dévisageant d'un air déconcerté.

– De quoi ? (Soudain, je comprends mon erreur.) Non ! Bien sûr que non ! m'écrié-je en me relevant brusquement. Je n'ai jamais fait ça.

– C-C'est vrai ? bredouille-t-elle en s'éloignant d'un pas incertain.

– Tu as si peu confiance en moi ? grommelé-je en détournant le regard.

– Oh, Zach ! soupire Lily Rose, les épaules affaissées. Pardon. Bien sûr que tu ne peux pas avoir fait ça... Mais alors, qu'est-ce qui s'est passé ?

– Je pense qu'Anthony m'a joué un sale tour.

Le visage de Lily Rose se crispe. Ses yeux verts posent sur moi un regard mordant et ses lèvres forment une ligne mince.

– Tu accuses mon petit-ami d'avoir fait ça ?

– Oui, je réponds simplement. Il n'y a que lui qui me déteste au point de monter ce coup tordu. Vois la vérité en face.

– Je suppose que tu as raison... finit-elle par avouer d'un ton accablé. Je vais en parler avec lui. Je verrais bien comment il répond de son acte.

– Lily, je veux pas que votre couple vole en éclats à cause de moi, murmuré-je en posant une main sur son bras.

– Et je ne veux pas que notre amitié soit brisée à cause d'Anthony, rétorque-t-elle, une lueur de détermination dans le regard.

Sans que je puisse ajouter un mot de plus, elle tourne les talons et s'en va régler ses comptes.

Et j'ai les miens dont je dois aussi m'occuper.

C'est en me dirigeant vers mon casier pour récupérer mes affaires pour l'après-midi que je croise ma professeure de littérature anglaise. Elle pose sur moi un regard glacial et m'annonce d'une voix dure :

– Vous avez rendez-vous chez le directeur ce soir après les cours. Je serai présente ainsi que votre père.

– Mon…

– Ne soyez pas en retard et prenez vos responsabilités, ajoute-t-elle avant de s'éloigner sans un regard en arrière.

Avec un soupir las, j'ouvre les portes de mon casier. Mon père, hein ? Mark... Je suppose que, juridiquement parlant, on peut l'appeler ainsi. Mais bon. Mark, c'est Mark. Dire que c'est mon père... ce serait aussi oublier que c'est mon sauveur, mon tuteur, mon metteur de claque préféré et mon range-ta-chemise-et-tiens-toi-bien adoré ! Et... est-ce que je peux appeler « mon père » un homme dont j'ai pris l'épouse et les filles ? Le problème m'apparaît soudain sous un autre angle. Apprécierait-il qu'on me prenne pour son fils ? Ça m'étonnerait.

L'angoisse et la honte m'ont remué les tripes et les méninges pendant les trois heures de cours qui me restaient avant la fin de la journée. Je remarque que mes mains tremblent lorsque je range ma trousse et mes affaires. Oh, bon sang, faites-en sorte qu'elles aient arrêté quand je serai en face du directeur... !

C'est d'un pas traînant que je rejoins le bureau de ce dernier. C'est loin d'être la première fois que je me rends chez Mr Harrys et, pourtant, ça me fout toujours autant la boule à l'estomac et la gorge serrée. J'espère que cette fois ne sera pas la fois de trop.

Je suis assis sur une chaise en plastique, penché en avant, la tête dans les mains, quand j'entends des pas et des voix. Je relève les yeux et aperçois ma prof ainsi que Mark. Celui-ci transporte encore sa sacoche et son costume brun qu'il porte au boulot. Son front s'est ridé après sa journée à l'université et ses yeux me clouent à ma chaise. Une sueur glacée me coule dans la nuque. Nos engagements de la veille tiendront-ils ?

Je me redresse avec raideur, les yeux baissés, mon sac pendouillant pitoyablement sur mon épaule.

– Allons-y, marmonne ma professeure en toquant à la porte du directeur.

– Entrez, lance fermement la voix de Mr Harrys.

Elle rentre en premier, suivie de Mark puis de moi.

– Bonsoir, Mme Hoover, fait le directeur d'un air grave avant de hocher la tête pour saluer Mark. Mr Grace.

– Bonsoir, Mr Harrys, répond-t-il en tendant une main par-dessus le bureau en bois sombre.

Mr Harrys lui serre vigoureusement la main puis pose un regard perçant sur moi, me faisant tressaillir. J'avale avec difficulté ma salive.

– Mr Gibson. Je ne suis pas très content de vous revoir dans mon bureau, mais il faut bien régler les choses.

– Oui, je réponds d'un ton faible.

Mark ne m'a toujours pas adressé la parole. Je le sens en colère contre moi. Si seulement il savait la vérité ! La frustration me fait serrer les mâchoires. J'espère sincèrement qu'il me croira, moi.

– Asseyez-vous, je vous en prie, dit Mr Harrys en reprenant place dans son fauteuil à haut dossier. Mme Hoover, vous pouvez aller chercher une chaise dans la salle d'attendre ; il n'y en a que deux ici.

– Je vais rester debout, réplique-t-elle en secouant négligemment la main.

– Alors, expliquez-nous ce qui s'est passé, reprend le directeur en faisant glisser son regard marron sur les trois personnes présentes.

J'ai la désagréable impression qu'il le laisse plus longtemps sur moi. Mme Hoover prend une inspiration puis commence d'une voix où percent la désapprobation et la déception :

– Zachary n'a jamais perturbé mes cours avant aujourd'hui. Il n'était pas forcément passionné, mais il ne faisait pas de grabuge. Mais ce qui s'est passé aujourd'hui... Comment dire ? (Elle se mordille la lèvre puis baisse les yeux vers moi.) Raconte donc ce qu'il y avait dans ton livre.

– Des photos, je réponds d'un air lugubre.

– Des photos de... ? insiste le directeur en me fusillant du regard.

La chaleur se diffuse de mes joues à tout mon visage.

– Je... je vais vous dire la vérité, je reprends d'une voix chevrotante. C'étaient des photos tirées d'un film pornographique, sans conteste, mais je vous jure que ce n'est pas moi qui les ai mises dans mon livre.

– Un film pornographique ? répète Mark en me dévisageant d'un air stupéfait. Je suis convoqué chez le directeur, ce qui me fait louper ma dernière heure de cours, pour des foutues photos ?

– Je suis désolé, soufflé-je en serrant mes mains sur mes cuisses.

– C'est vrai ce qu'il dit ? grogne-t-il en s'adressant à Mme Hoover, qui hoche la tête. Zach n'est pas un menteur ; s'il dit que ce n'est pas lui qui les a mises là, alors c'est vrai.

Abasourdi, je relève la tête et l'observe affronter le regard agacé du directeur sans ciller.

– Zach, tu promets que ce n'est pas toi qui les as cachées dans ton livre ? me demande-t-il sans changer de position.

– Je te le jure, murmuré-je humblement.

– Très bien, je te crois. (Il redresse fièrement le menton et dit d'une voix claire et forte:) On a monté un coup à Zach, il n'est pas si irrespectueux envers ses professeurs.

Mr Harrys ouvre la bouche pour répliquer, mais Mark ne lui en laisse pas le temps :

– Je l'ai bien élevé et je sais reconnaître quand il ment. J'espère bien qu'on va éclaircir les choses, mais en aucun cas il n'aura fait ça de lui-même. C'est mon fils, après tout. Et je sais comment je l’ai élevé.

Le rouge qui me monte aux joues cette fois n'a rien à voir avec les photos.

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