Chapitre 18

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Quelque part, dans une nuit qui semblait sans fin, le temps s'était arrêté. Aucun son, aucune source de lumière, aucun souffle, rien ne bougeait, ne vivait. Dans cette obscurité, à la fois effrayante et protectrice, le cours du temps se maintenait statique, bloqué à un moment donné, celui de la chute de Yoan.

Cette dernière l'avait entraîné au-delà de la Faille quand il fut soudain stoppé net. En reprenant conscience de son corps, de la situation dans laquelle il se trouvait, il réalisa qu'il n'avait plus mal, qu'il respirait librement et qu'il se sentait même plus fort. Il avait touché une espèce de sol et pouvait se tenir debout. Seule une toute petite lueur au-dessus de lui brillait, comme un point de repère. Sans doute l'orifice de la Faille ...

- Où suis-je ?... Qu'est-ce que c'est que cet endroit ? Est-ce que quelqu'un m'entend ?

Il appela à l'aide, mais n'obtint aucune réponse, sans pour autant être effrayé, il commença à marcher, droit devant lui. Il marcha longtemps. Ses yeux s'étant habitués à l'obscurité et il lui semblait pouvoir distinguer autour de lui des formes, comme des murs ou des portes. Mais, à chaque fois qu'il s'en approchait, les formes semblaient s'éloigner.

-C'est bizarre, je n'arrive pas à les toucher, ...

Il reprit sa marche, persuadé qu'il devait continuer d'avancer.

-Comment vais-je faire pour rentrer ? Est-ce que ce chemin va me ramener au Royaume des Anges ?

Evan ... où es-tu ? Une boule se forma dans sa gorge et il eut du mal à déglutir.

Il se sentit moins fort, cette obscurité le pesait et soudain, la panique le pris. Il se retourna, fouillant l'obscurité du regard, les larmes commençant à monter. Son cœur se mit à tambouriner dans sa poitrine, de plus en plus fort, il pouvait le sentir jusque dans sa gorge. Il avait peur. Il paniquait.

Il se mit à marcher plus vite et à appeler l'Ange. Yoan cria, puis hurla son nom, à en perdre presque la raison, sans réponse encore une fois.

Exténué, il s'arrêta un instant, et se retourna et là, son cœur fit un bond dans sa poitrine : il était revenu au point de départ, il pouvait entrapercevoir la lueur de la Faille.

-Je ne comprends pas ... cette espèce de trou dans lequel je suis tombé et ... cette lueur là-bas, ce serait ... ma chambre ?

Il resta planté là, la tête légèrement levée en l'air, regardant ce tout petit trait de lumière, à peine visible, et qui brillait au loin.

- Je dois retourner là-bas, la haut ... il faut que je remonte, mais comment ?

Il regarda autour de lui, et dans la pénombre, il chercha sur quoi il pourrait grimper. Les mains tendues devant lui, il avança à tâtons et chercha à quoi il pourrait bien s'agripper pour pouvoir remonter. Mais il ne trouva rien, et la panique l'envahit à nouveau.

-Evan ... si tu m'entends, je suis là, en bas ... est-ce que tu m'entends ? Evan !! EVAN !!!!

Yoan éclata en lourds sanglots, il se recroquevilla sur lui-même, s'entourant de ses bras. Il avait tant besoin de ceux d'Evan, de leur chaleur, il avait tellement besoin de sa voix, de sa peau, de son odeur, de ses lèvres, il n'en pouvait plus de ce manque qui lui déchirait le cœur. Il leva une main, la tendant, devant lui, espérant qu'Evan la prenne.

***

Les paupières du jeune malade frémirent, et l'Ange alerté se pencha au-dessus de lui. Il le voyait s'agiter, et gémir. Des gouttes de sueur perlaient sur son front et il semblait même se débattre, car il soulevait un bras comme pour se protéger.

-Je suis là, mon Amour, je suis là ... reviens-moi, tu peux le faire, tu n'es plus très loin ... Ecoute-moi, entends ma voix ... Respire doucement, n'aie plus peur, je suis là ...

Evan lui prit la main et la garda dans la sienne pour essayer de l'apaiser, le voir ainsi, si fragile et démuni, sans pouvoir l'aider le rendait malade. Il laissa les larmes couler et se mit à sangloter en silence. C'était atroce et son pauvre cœur se serra encore plus. Il secoua alors la tête, non, il devait rester fort pour lui, pour l'aider et le guider jusqu'à lui. Il soupira et ressenti une douleur aiguë subitement à son flanc. Il recommençait à saigner...

Quand le miroir s'était brisé sous ses coups de poings, Yoan avait perdu l'équilibre et était tombé dans la Faille. Le manque d'oxygène l'avait très vite fait délirer et perdre connaissance, ce qui lui avait en quelque sorte sauvé la vie. Il était comme en état d'hibernation : ses pulsations cardiaques, sa respiration, son système nerveux, ses fonctions vitales tournaient littéralement au ralenti.

Dans son délire, Yoan avait eu l'impression d'être détendu et de n'avoir plus mal ou que ce soit. Evan l'avait rejoint assez rapidement et malgré tout ne fut pas capable de le réanimer. Ni lui ni les Sages du Temps. C'est pourquoi la seule solution était de le ramener sur Terre.

Même si Evan était parvenu à le sortir de la Faille, Yoan était resté prisonnier de sa peur, de cette ultime peur de ne plus revoir Evan, de se retrouver seul, car plus que tout, le sentiment d'abandon était sa plus grande phobie.

A cet instant précis, Yoan luttait intérieurement, contre ces craintes, contre son manque d'Evan.

L'Ange lui caressa le front et lui dit à haute voix cette fois :

- Mon amour... calme-toi ... suis simplement ton instinct, ton cœur, ... ne reste pas enfermé dans ta peur ... Tu n'es pas seul, je suis près de toi, entends-moi...

****

-Je suis exténuée ... fit Camille en s'asseyant sur le canapé et en se blottissant dans les bras d'Alex. Ce dernier était choqué, et repensait à la veille, du moment où ils étaient arrivés jusqu'au moment de se dire bonne nuit. Il ne comprenait pas ce qui avait pu rendre Yoan dans cet état, il avait eu l'air si ... normal presque, alors quoi ?

-Tu vas bien ?

-Je ... je repense à hier soir ... je n'ai rien remarqué ...

-Moi non plus. C'est complètement dingue ce qui se passe, et je t'avoue que ça me dépasse complètement.

Il la serra un peu plus contre lui et posa son menton dans ses cheveux.

-Je le revois encore à l'enterrement, il était anéanti... je n'avais jamais vu quelqu'un aussi malheureux et pourtant ...

-Quoi ... qu'est-ce que tu veux dire ?

-Je n'en sais rien, c'est comme si ... il s'était fermé d'un seul coup tu vois ? Il s'était coupé de tout, de nous ...

-Normal non ? Il se retrouve seul, sans ses parents, sans son frère ... n'importe qui aurait eu cette réaction !

-Oui ... tu as raison.

- Hormis le fait qu'il ait esquivé nos questions sur sa vie perso, il semblait plutôt bien aller, remarqua Camille.

Alex se remémora la manière dont Yoan avait réagi et en effet, il avait été très gêné, au point de couper cours à la soirée et de monter se coucher.

-Il a peut-être rencontré quelqu'un après tout...

-Oui, et si c'est le cas, ne devrait-on pas le prévenir ? Fit Camille, à mi-voix. Mais comment ?

-Liliane doit savoir ! Fit soudain Alex.

Ils se levèrent et rejoignirent Lucas et Liliane attablés dans la cuisine devant une tasse de café.

-Une petite amie ? Liliane haussa un sourcil et secoua la tête négativement. Il ne m'en a jamais parlé, si tel est le cas. Et à toi ?

-Non je ne suis au courant de rien, répondit Lucas. Et puis comment le savoir ?

- Je vais paraître un peu sournoise, mais on pourrait regarder ses messages, ... je veux dire, prendre son téléphone portable et ...

-Pourquoi pas ? Coupa soudain Alex.

-Oh, mais, ce n'est pas ... gémit Liliane.

- C'est pour son bien. Termina Lucas. Je suis d'accord.

-Il faut juste espérer que son portable n'est pas verrouillé ! Remarqua Camille.

Il ne l'était pas.

Mais la fouille du portable ne mena à rien, si ce n'est à entendre le message vocal d'un certain Léandre qui était inquiet.

-Bon, ce n'est pas rassurant et en même temps ce n'est pas non plus si alarmant... Fit Alex en reposant l'appareil.

-En tout cas il avait vraiment l'air inquiet ... C'est un ami ?

-Un collègue de travail, fit Liliane, je crois que c'est un collègue oui...

- L'appeler maintenant ne servira à rien, remarque Alex.

Soudain, le téléphone de la maison sonna. Lucas se leva pour prendre la communication qui dura juste quelques instants :
- C'était l'hôpital...
- Et alors ? Firent-ils tous d'une seule voix.
- Apparemment il serait revenu à lui...

Ils se regardèrent tour à tour et dans un même mouvement, se précipitèrent au rez-de chaussée, se préparer pour retourner à l'hôpital.

****

« Je dois me calmer, me concentrer, si je m'affole encore plus, je n'y arriverai jamais ... voyons, si cette lumière là-haut est ma chambre, je dois pouvoir y retourner, sinon, pourquoi je la verrai ?

J'étais devant l'armoire, devant le miroir... et ... ensuite, ... ensuite j'ai vu du noir, rien, le vide. Et j'ai vu Evan. Ça veut dire quoi, comment il a pu arriver de l'autre côté du miroir ?

Est-ce qu'il y a aussi un miroir ici, ou une espèce de porte ? »

Yoan tendit à nouveau ses bras en avant et essaya de toucher un mur ou une porte, ou un obstacle quelconque qui lui donnerait une idée de l'endroit où il était.

Il avait bien compris qu'il n'était plus chez lui, dans son monde, mais pour quitter celui-ci, il devait au moins pouvoir s'en faire une idée tangible.

Il ressentit à nouveau la peur revenir le prendre. Une boule se forma au creux de son ventre et elle grossi progressivement, remplissant son estomac, sa poitrine, bloquant sa gorge, au point qu'il ne parvenait même pas à déglutir.

« Oh Evan, si seulement du étais là ... »

Il releva la tête et fixa la petite lumière qui brillait toujours au-dessus de sa tête et il ferma les yeux en se concentrant.

Il se repassa des images de lui et d'Evan, il le revoyait ouvrant ses immenses ailes dans son appartement, il pouvait ressentir la douceur de leur plumage, rien qu'en y pensant... il laissa son esprit vagabonder, et revit le visage d'Evan, ses yeux dorés le fixer et il entendit sa voix...

« Tu n'es pas seul, je suis près de toi, ... calme-toi ... suis simplement ton instinct, ton cœur, ... ne reste pas enfermé dans ta peur ... Tu n'es pas seul, je suis près de toi, entends-moi... »

-Ma peur ... ma peur, répéta Yoan.

Il se laissa porter par ses pensées, ses souvenirs, et les images que son esprit lui montrait, et surtout par la voix de l'Ange. Elle paraissait lointaine et au fur et à mesure elle lui sembla plus proche.

« Je suis là, mon Amour, je suis là ... reviens-moi, tu peux le faire, tu n'es plus très loin ... Ecoute-moi, entends ma voix ... Respire doucement, n'aie plus peur, je suis là ... »

Yoan soupira de soulagement, il entendait clairement la voix d'Evan, il ouvrit les yeux et fut éblouit totalement. Il battit des paupières plusieurs fois, aveuglé par une intense lumière blanche, si violente qu'il en eu les larmes aux yeux.

Il attendit et progressivement, une forme lui apparut au milieu de ce bain blafard. C'était déroutant, parce qu'il entendait une chose et pouvait aussi en ressentir une autre.

Cette dernière était chaude, douce et se déplaçait sur son visage. Une main, ... oui, une main, celle d'Evan.

-Tu es revenu, enfin ... murmura l'Ange en lui caressant le visage du bout des doigts.

Yoan voulut lui parler plus, mais n'y parvint pas, car le masque à oxygène le gênait. Instinctivement il leva une main pour le retirer.

-Chut, ne te fatigue pas, tu reviens de loin, de très loin ... Repose-toi mon grand, je reste là. On va t'enlever tout ça ...

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