Il éteignit la lumière du salon avant de s'assoir sur le canapé. La pénombre le réconfortait, il se sentait mieux ainsi. Cela faisait cinq jours qu'il n'avait plus eut de nouvelles d'Evan et il était mort d'inquiétude.

- Qu'est-ce qui s'est passé là-bas ?  Ils refusent de comprendre ? ... Ils te retiennent contre ton gré ?...

Le fait de penser cela lui vrilla les entrailles. Il eut un haut-le cœur, se recroquevilla un peu plus, il avait si froid. Il était malheureux, Evan lui manquait terriblement, sa présence, sa voix, sa gentillesse, ses lèvres, sa peau ...

- Reviens, juste une heure, juste un instant ... ne me laisse pas ... J'ai besoin de toi ...

Affaiblit et amaigrit, il avait atteint ses limites. Son inquiétude était telle qu'elle le consumait. Il avait alors doucement sombré dans la dépression. Depuis cinq jours il attendait, cloîtré chez lui, il n'avait qu'une envie : revoir Evan, et c'était tout.

Léandre se gara devant l'immeuble où habitait Yoan. Il regarda attentivement et comme d'habitude depuis quelques jours, il n'y avait aucune lumière aux fenêtres de l'appartement du jeune homme. Il sortit néanmoins du véhicule, tentant le tout pour le tout.

Il faisait déjà nuit à cette époque de l'année, les après-midis d'hiver étaient tristes et moroses. En montant les marches du perron, il fut surpris par un bruissement d'ailes, il s'arrêta et regarda autour de lui :

-« Des oiseaux ? Ou des Chauve-souris, ici ? Bizarre .... » Pensa-t-il, puis il entra dans l'immeuble.

Il frappa à la porte, sonna, appela, encore une fois, aucune réponse ne lui parvint.

-Demain, je reviens, et si tu ne réponds toujours pas, j'appellerai les pompiers ! Dit-il à haute voix, au cas où Yoan l'entendrait peut-être.

Léandre attendit encore dix bonnes minutes, mais rien ne bougea de l'autre côté de la porte, alors il partit pour de bon.

Prudence suivit du regard la voiture et leva les yeux vers l'appartement de Yoan. Les choses allaient de mal en pis. Si un Ange ne pouvait poursuivre sa mission auprès d'un mortel, un autre pouvait le remplacer, mais pas dans ce cas précis, non. Ainsi chaque jour il montait la garde sans pouvoir intervenir.

Quand il retrouva Tempérance, ce dernier lui donna les dernières nouvelles.

- Ev ne va pas bien du tout ... Je suis très inquiet.

- Tu as pu le voir ?

- Oui, il est vraiment très affaiblit, je ne comprends pas comment cela est possible, il est censé être protégé ...

- Père le sait ?

- Oui, et il est désespéré.

- Il faut que nous amenions Yoan auprès de lui. Dit prudence. Ils sont liés à présent, si l'un va mal, l'autre aussi...

                           ******

Prudence entra par la fenêtre de la chambre laissée ouverte. Il faisait vraiment froid dans l'appartement, et il chercha Yoan. Quand il le trouva complètement frigorifié sur le canapé, il fut pris de panique :

-Oh non...

Il souleva le corps fragile de Yoan et le serra contre lui. A cet instant Tempérance arriva.

-Il est au plus mal ...

Tempérance se pencha et découvrit le visage blême de Yoan. Il avait les yeux cernés, et sa respiration était très faible, tout comme son pouls.

-Il est à bout ...

-Ne perdons pas de temps !

Devant l'Arbre de Vie, l'Ange Premier et les Sages du Temps étaient au chevet d'Evanescence dont la force vitale diminuait à chaque instant. Dès que Prudence et Tempérance arrivèrent, ils prirent le doux fardeau qu'ils
transportaient l'auscultèrent et hochèrent la tête avec désapprobation. Il était trop tard.

-Non, il n'est pas trop tard ! S'emporta Prudence en les repoussant, il n'est pas trop tard ! Il y a toujours une solution !

Mais Yoan ne respirait presque plus. Ses lèvres commençaient à être bleues, sa fin était proche.

L'Ange Premier était désespéré de voir dans quel état ces deux pauvres âmes se trouvaient. Il se sentit coupable soudainement.

-Fils, ... murmura Novah en lui caressant le visage.

-Je te demande pardon ... il faut le sauver, ... je l'aime plus que ma vie, ... aide-le je t'en supplie... souffla Evanescence.

Novah déposa délicatement Yoan près de l'Ange, puis il lui chuchota ces mots à l'oreille :

-Dans ta folie, tu t'es mis en danger, mais je crois en toi, je crois en tes sentiments pour ce mortel, alors bats-toi ! Sauve-le, et il te sauvera...

Evanescence ne bougea pas tout de suite, mais un infime tremblement de ses paupières prouva qu'il était encore conscient.

-Sens son cœur battre, il vit encore, tu peux le sauver ... Murmura encore Novah.

Témoins de la scène, Tempérance, Prudence et les Sages du Temps, attendaient à présent que le miracle se produise.

-La seule solution est de les faire renaître ... dit l'un des Sages.

-La chose n'a été expérimentée qu'une seule fois ...

-Nous ne pouvons certifier que les deux soient sauvés ...

Soudain, Evanescence entre-ouvrit les yeux, laissant leur belle couleur ambrée répercuter la lumière céleste. Il semblait retrouver ses forces et sentant la chaleur du corps de Yoan contre lui, il se redressa, jusqu'à pouvoir le prendre dans ses bras complétement. Il lui murmura :

-Je ne t'abandonne pas, tu m'entends ? Alors reste avec moi ...

Une intense lumière émanant de l'Ange resplendit, il était soudainement si lumineux qu'on ne distinguait plus son corps. Il devenait lumière, l'essence de la vie.

-Prends-ma vie, mon amour, et reviens me chercher ... dit-il encore.

Le corps affaiblit et fragile de Yoan absorba la lumière, complétement, jusqu'à la moindre lueur. Presque instantanément, sa respiration se fit plus régulière et profonde. Il releva la tête doucement et voyant Evanescence inerte, il nicha son visage au creux de son cou, cherchant sa chaleur qui déjà s'en allait.

Yoan se recroquevilla, entourant le corps d'Evan de ses bras, embrassant son visage, ses lèvres, mais l'Ange ne bougea pas. Il se mit à pleurer en silence et supplia :

-Par pitié, ne me l'enlevez-pas ... Il ne doit pas mourir, non ... prenez ma vie et laissez le vivre...

Les Sages du Temps se regardèrent ébahis. Malgré la situation désespérée dans laquelle il se trouvait, une puissante aura de bonté émanait du pauvre mortel.

-Cet amour est pur ... dit alors l'un d'eux.

-Ils se donnent mutuellement leur propre vie pour sauver celle de l'autre ...

-Est-ce que cela peut les sauver ? Demanda Tempérance.

-Nul ne le sait. Dit l'Ange Premier.