Chapitre 2

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Yoan dormait paisiblement sur son canapé, dans son appartement. Evan le regardait depuis plusieurs heures à présent. Sans doute sa présence apaisait-elle le jeune homme.

- C'est mieux que ces derniers jours, murmura Evan pour lui-même. Il leva une main et l'approcha du visage du jeune homme. Du bout des doigts, il frôla sa joue, malgré la douleur causée par la brulure, il les laissa s'attarder. Il aiderait Yoan à traverser cette épreuve, quoi qu'il lui en coûte...

Aussi, dès qu'il le vit bouger, il se pencha au-dessus de lui et chuchota :

- Le temps affadit tout, les maux et les peurs, et les douze dernières heures...

Puis, il s'effaça laissant Yoan se réveiller totalement.

- Qu'est-ce que je fais ici ... fit Yoan encore sonné. Il battit des paupières et se redressa un peu. Il regarda autour de lui, un peu perdu. Il se frotta les yeux, et passa une main sur sa joue, avec l'étrange sensation de chaleur à cet endroit.

Puis, voyant son billet de train posé sur la table basse, il se souvint qu'il l'avait annulé et qu'il n'irait pas chez son oncle et sa tante.

- Je dois être vraiment fatigué, comment est-ce que je suis rentré ... ?

Il se leva et alla se préparer de quoi manger, puis, une fois son assiette prête, il la plaça au réfrigérateur : il n'avait envie de rien. Yoan souffrait tellement de l'absence de Noah, c'était une torture au quotidien. Il se rappela qu'ils s'étaient quittés le matin même du jour de l'accident, se donnant rendez-vous pour le déjeuner, projetant d'organiser leurs congés à Noël...

Souvent Yoan essayait d'imaginer ce fameux déjeuner, mais étrangement, il en était incapable. Son imaginaire ne fonctionnait plus, en tout cas, il ne parvenait pas à se mettre en scène.

Parfois il avait l'horrible impression de ne plus se souvenir de son visage, et il se fustigeait aussitôt : « Idiot ! Regarde-toi dans un miroir ! » Il était vrai que Noah et lui étaient de parfaits jumeaux, au point que leur entourage n'arrivait jamais à les distinguer, au point qu'eux-mêmes cherchaient parfois à se différencier...

Alors, quand il se sentait vraiment mal, et qu'il cherchait du réconfort, il se mettait devant un miroir et s'adressait au reflet, comme s'il parlait à Noah. Il ne le faisait que très rarement, se sentant stupide, pourtant, cela lui faisait du bien.

Il se coucha tôt ce soir-là, espérant qu'il serait au moins frais et dispo pour aller travailler le lendemain. La seule chose qu'il craignait était de s'endormir. Le plus souvent il cauchemardait, n'ayant pas été sur place au moment de l'accident, il s'était figuré les choses aux dires des ambulanciers.

Ses nuits agitées le fatiguaient et il avait beaucoup de mal à se concentrer au travail. Ses collègues étaient compatissants et compréhensifs, pourtant, il sentait qu'on l'évitait intentionnellement. Sauf un : Léandre. En pensant à lui, Yoan se sentit gêné. Ce type lui vouait un culte qu'il ne comprenait pas. Il savait qu'il était fiancé, qu'il allait se marier, et qu'il briguait le poste du superviseur. Hormis cela, Yoan essayait de ne pas trop le fréquenter. Quelque chose chez lui le rendait nerveux, et paradoxalement, il ne lui en voulait pas, car dans le fond, ce type était gentil.

Mais cette nuit-là, il ne rêva pas de Noah, comme cela lui arrivait très fréquemment ces derniers jours, non, cette fois, dans son rêve il volait. Il se sentait bien, léger, libéré de toute sa peine, et surtout, il y avait cette impression d'être protégé qui changeait tout et sa nuit fut reposante.

Le lendemain, quand il arriva à son bureau, il trouva un mot de son supérieur le priant de passer le voir. Yoan déglutit difficilement : il n'avait pas besoin d'une remontrance maintenant. Il savait pourquoi il était convoqué, et il redoutait ce moment justement. Résigné, il se rendit au troisième étage, celui de la direction.

- Entrez ! Fit la voix tonique de son patron.

- Bonjour Monsieur Mésant, répondit Yoan du bout des lèvres.

- Ah ... Yoan, entrez ...

Le patron lui proposa un café, Yoan accepta. Quitte à passer à la casserole, que ce café soit sa « cigarette du condamné ».

- Comment allez-vous ?

Déstabilisé par la question, Yoan bégaya :

- Je ... j...je vais ...

Puis il se reprit et lâcha tout à trac :

- Honnêtement, ça ne va pas fort ...

C'était sorti. Depuis le décès de Noah, et pour une foi qu'il l'admettait, il fallait qu'il le dise à son patron ! Il se maudit intérieurement. Pourquoi cette question maintenant ? Ne voulait-il pas parler du projet en cours, celui-là même dont s'occupait Yoan et qui avait pris un retard considérable ?

- C'est bien ce qu'il me semblait...

Ne sachant s'il devait répondre quelque chose à cela, Yoan resta silencieux, et il attendit.

- J'ai aussi vu Léandre...

Yoan se crispa aussitôt en entendant cela.

- Léandre, c'est à dire ?

- Il va reprendre le dossier, cela vous soulagera. Il saura se débrouiller ne vous en faites pas. J'aimerai surtout que vous preniez quelques jours de congés : quinze jours, minimum. Il le faut, vous en avez besoin.

Yan l'écoutait mais la voix de Mésant semblait lointaine, il se concentrait sur son café pour ne pas défaillir encore une fois. « J'en ai besoin, sans doute ...oui... ». Yoan opina du chef et but son café. Son patron lui donna encore quelques consignes et il le libéra.

A midi, ce jour-là, il était en congé...

Désœuvré, il fut pris d'angoisse soudainement. Au moins au bureau il s'avait quoi faire et ça lui occupait l'esprit, mais là, il était perdu. Il marcha au hasard et il entra dans un centre commercial. Le brouhaha ambiant, la foule, tout lui donnait le tournis alors il chercha un endroit calme, qui l'apaiserait, et où le visage de son frère ne lui apparaitrait pas...

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