Chapitre 11

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Chapitre 11


    Qu'ai-je bien pu lui faire pour qu'il me fixe autant ?

    Nous sommes sur le trajet de l'entrepôt. Il est juste derrière moi. Il me fixe. J'en ai la certitude.

    Nous entrons une à une dans la pièce et nous nous remettons au travail, toujours sous la menace des armes. Fixateur reprend sa place, assis sur sa chaise à fumer une cigarette.

    Je fouille, j'étale, je plie, je dépose. Je fouille, j'étale, je plie, je dépose encore et encore... Ça n'en fini plus.

    Je n'ai jamais travaillé de ma vie, sauf à la maison où j'aidais ma mère dans les taches quotidiennes : le repassage, la lessive, le ménage, la cuisine. J'adore le faire. Enfin, j'adorais...

    Ici je n'ai même pas encore travaillé un jour que je m'ennuie à mourir. C'est pénible. On ne peut pas parler entre prisonnières, ni même se regarder au risque de se faire tuer.

    Pour me faire passer le temps, j'essaie de penser à des choses agréables. Mais j'abandonne cette idée immédiatement. Elles me conduisent à penser à ma famille et je refuse. C'est beaucoup trop douloureux et je n'ai pas envie de pleurer devant eux. Je pense à des chansons. Ah oui, des chansons ça marche ! Mais pas longtemps. Quand j'entends ces sales nazis rire pour je ne sais quelles raisons entre eux, pendant que nous nous sommes à quatre pattes, des fourmis pleins les jambes et des courbatures au dos à faire leur sale travail, je me rappelle que je ne suis pas au pays des merveilles ; et que la seule chose à laquelle je dois réellement penser, c'est comment survivre.

    Je prends un manteau d'homme et je fouille ses poches. Je sens quelque chose. En tâtonnant, je crois reconnaitre l'objet. J'ai raison, une montre. Lorsque je la regarde, j'ai un pincement au cœur. On dirait celle de mon monsieur à la montre. Je la fais glisser entre mes doigts et regarde son cadran. Elle marche encore ! "18h18". Mon monsieur... Quand je repense à la façon dont il a été tué, j'en ai des nausées.

    "Ce sont vraiment des barbares."

    J'entends comme un cliquetis. Le cran d'une arme plus exactement. Je relève la tête et je me retrouve avec le canon d'un pistolet sur la tempe.

    "J'ai peur..."

    - Travaille ou crève.

    Fixateur est là, devant moi, ses yeux dans les miens. Il ne rigole pas. Il va me tirer dessus si je ne continue pas.

    Je ne sais pas pourquoi, mais je ne me remets pas au travail de suite. Je continue à le fixer dans les yeux.

    "C'est trop bizarre."

    - TRAVAILLE OU CRÈVE !

    "Oula, il me hurle dessus comme un chien."

    Il m'arrache la montre des mains et la balance dans le coffre.

    Ni une ni deux, je me remets au travail.

    J'ai eu tellement peur que j'en ai fait quelques gouttes dans mon pantalon. Je n'ai plus de tympan droit, c'est horrible. Ça bourdonne encore.

    "Je suis sourde à cause de lui."

    Au moins, grâce à lui, j'ai de quoi penser maintenant. Je n'arrête pas de voir son arme sur ma tempe. Je n'ai jamais vu ma mort d'aussi près. J'en ai les mains et le corps tout entier qui tremblent. J'ai mal au ventre.


    Enfin cette fichue sonnerie retentit.

    C'est fini, ils nous mettent dehors. Je me mets aussi vite que possible debout pour sortir.

    Aie ! J'ai quelque chose qui me retient le poignet fortement. J'ai mal.

    Fixateur...

    "Oh mon Dieu..."

    Il attends que toutes les femmes et son coéquipier soient sorti. Un coéquipier qui le regarde avec un air amusé et vicieux du genre " tu vas te faire la gamine jeune cochon". Je dis jeune car Fixateur doit avoir entre vingt et vingt-cinq ans. Il y a d'ailleurs beaucoup de jeunes soldats ici. Hitler a dû les recruter et les endoctriner en masse.

    Il ferme la porte lorsque tous sont dehors.

    Je me retrouve seule avec lui. Mon cœur bat à cent à l'heure.

    Il se place juste devant moi. Il s'approche de plus en plus. je me retrouve plaquée contre la porte. Mes larmes montent. Je me pince les lèvres. Je sais ce qu'il va me faire alors, je ferme mes yeux. Des larmes coulent le long de mes joues. Je sens son souffle de plus en plus près sur mon visage. Cette odeur de tabac sec, c'est immonde.

    Il est maintenant contre moi. Je ne peux plus bouger.

   - Si tu recommences demain, cette fois, je fais exploser ta cervelle de juive.

    Puis, il s'écarte.

    "Hein ?"

    - Dégage !

    Il ouvre la porte et me pousse dehors.

    Je ne réalise pas ce qui vient de se passer.




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