Chapitre 8

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Chapitre 8


    Nous restons pendant des heures (je pense) debout, sans bouger.

    J'ai froid, mais je n'ose pas trembler.

   Nous sommes encerclées par une dizaine de SS. Eux non plus ne bougent pas. Probablement pas pour les mêmes raisons que nous. Nous, nous avons peur de leur réaction si nous bougeons. Eux, n'attendent que ça pour nous tirer dessus.

    Je regarde mes pieds. Ils ne me font plus mal. Les chaussures que l'on m'a données sont dix fois trop grandes et trouées. Je flotte dedans, si bien qu'elles laissent pénétrer l'air glacial. Mes orteils sont congelés.

    J'ai toujours la tête baissée.

    À ma gauche, j'entends des pas.

    "Qui c'est ?"

    Je garde toujours la tête baissée.

    Mon cœur bat de plus en plus vite à mesure que le son des pas s'avance vers moi.

    En plus de regarder le sol, je ferme les yeux et prie.

   C'est un SS, j'en suis sûre. L'odeur lorsqu'il est passé devant moi, je la reconnais. Ça sent le cigare.

    J’entrouvre un œil. Il est toujours dans ma rangée. Il tient son arme, prêt à dégainer.

    Il passe dans la rangée suivante, celle juste derrière nous. Je reste toujours immobile, mais mes oreilles sont aux aguets. Il traine des pieds, il prend son temps.

    "Paf !"

    Un tir.

    Je sursaute, je tremble, je crispe mes mains et mes yeux. j'ai envie de pleurer et de crier ma peur. J'entends une femme pleurer derrière moi.

    "Paf ! "

    Un second tir. Je n'entends plus la femme pleurer.

    En l'espace de trente secondes, cette ordure sans cœur a tué deux femmes. À cet instant, je me demande ce qui se passe dans sa tête pour avoir le courage de tuer, non, d'exécuter, (c'est plus juste) de nombreuses personnes sans défense et surtout, sans raison ? Juste pour le plaisir vous allez me dire. Une petite voix dans ma tête (c'est bien la première fois que je l'entends d'ailleurs), me dit que c'est bien pire que ça. J'aurais préféré qu'elle se taise.

    L'exécuteur s'en va et ordonne quelque chose à l'un de ces compatriotes qui, aussitôt nous hurle dessus.

    - Folge mir Sklaven !

    On se met à marcher, toujours en rangs. J'ai compris qu'il nous a traité d'esclaves. Ce mot là, je le connais. Nous sommes toujours encerclées et apeurées.

    Je ne sais pas ce qu'ils ont fait de nos deux pauvres femmes. Ils les ont peut-être données aux chiens. Ils en seraient capables vu leur mentalité.

    Je ne sais pas non plus où ils nous conduisent. Je ne regarde pas mais il y a un peu de marche.

     Enfoncés dans le sol, j'aperçois des fils barbelés. Je décide donc de relever la tête. Il y a des grands murs de barbelés, partout tout autour de nous, ainsi que des baraquements. Des sortes de grandes maisons de plain-pied, faites de briques ou de bois. Elles sont nombreuses.

    Ils nous conduisent à l'une d'entre elles.

    Arrivées devant, deux SS nous ouvrent les portes.

    "Mais quelle odeur immonde !"

    Et le comble, c'est qu'il est déjà habité par d'autres juives.

    Les Allemands poussent une vingtaine de femmes à l'intérieur, dont moi.

    - Halt die Klappe und Schlaf !

    " Rien compris à part Schlaf. Ils veulent qu'on dorme."

    Puis ils repartent avec le reste des femmes.

    Je pense ne jamais les revoir.

    Il fait sombre à l'intérieur et froid. L'air y est humide.

    Les femmes déjà présentes nous regardent. Elles sont couchées sur des... je ne sais pas trop ce que c'est. C'est comme des lits superposés à trois étages en bois. Elles sont empilées à 3 ou quatre par couchette, avec une seule voire deux couvertures, sans oreillers.

    L'une d'entre-elles se décale, et toutes les autres suivent pour que nous puissions les rejoindre.

    "C'est abominable."

    Pas le choix. J'avance vers une couchette où une jeune femme d'une vingtaine d'années, le visage déconfit, me montre ma place.

    Sans un mot, je m'y assois.

    "Pfff, des copeaux de bois comme matelas..."

    Mon Dieu que c'est sale ! D'ailleurs, je m’interroge sur l’état de santé de ma voisine de lit.

    Je m'allonge doucement. Je n'ai pas de couverture. Elle non plus d'ailleurs. C'est la personne à ses côtés qui l'a, et elle ne bouge pas.

    Je n'en reviens pas que c'est ici, dans ce taudis, que je vais passer la nuit.

   Enfin, si je la passe...





 




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