Vendredi 21 août, 14h

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Avec Marie, on s'active pour préparer la fête. Mon père a accepté de me laisser tranquille ce soir et de revenir demain matin. J’imagine qu’il essaie quand même de calmer le jeu, avec toutes les disputes qu’on a eues ces derniers jours. Et puis il sait que c'est important pour moi. J'ai vraiment envie de revoir mes amis une dernière fois, de m'éclater comme jamais. Quand je regarde Marie, j'ai envie de pleurer. Je vois bien qu'elle-même a du mal à contenir ses larmes en accrochant les ballons. Plusieurs fois je la serre fort dans mes bras, lui laissant la liberté de pleurer sur mon épaule, faisant comme si je ne remarquais pas. Ça nous fait moins de mal, de faire comme si tout allait bien. Du moins en apparence. Un peu comme si on se reverrait tout bientôt, que mon départ ne serait qu'un souvenir dont on rigolerait bien plus tard. Et c’est le cas, après tout. Je jure que dès que je le pourrai, je reviendrai.

J’observe notre appartement, sa vieille cuisine ouverte sur un salon qui se veut moderne, son plancher de bois qui grince quand on marche dessus – en fait, je sais exactement où marcher pour entendre ce bruit si doux à mes oreilles. Je le connais par cœur, cet appart’, parce qu’on y a toujours vécu. Quand on trouve un endroit pareil à Paris, on a plutôt intérêt à pas en changer, hein ? Je lève les yeux sur les livres qui croulent et courent partout sur les murs – c’est mon père, un vrai collectionneur de polars. Une partie vient de ma mère aussi, ceux qui sont tout en haut et qui prennent la poussière. Elle était constamment en train de dévorer des livres fantastiques. Elle m’en lisait pour m’endormir le soir, quand les copains avaient droits à des contes pour enfants. Je n'aurais échangé ça pour rien au monde.

Je sais que tous ces bouquins aujourd’hui vont rester chez mon oncle, qui a un grand grenier. Mon père ne peut pas tous les prendre là où on va, mais il refuse de s’en débarrasser. Trop sentimental. Puis, je lui en aurais voulu aussi.

Là-bas au fond, la porte qui donne sur ma chambre et à côté sur celle de mon père. Il n'y a plus grand-chose dedans ; les cartons sont presque finis.

Je pose la main sur le rebord de la fenêtre, elle donne sur une cour intérieure. J’avais tendance à être un peu jaloux des potes qui ont une super vue sur certaines rues, mais finalement je l’aime bien ma petite cour. J’y ai grandi en sécurité, regardant la fenêtre du troisième dès que je prenais peur – ou dès que je faisais une connerie avec les potes d’ailleurs – pour voir si papa ou maman avait un œil sur moi.

Je soupire un peu, pince les lèvres, tâche de chasser les idées noires qui me viennent à l’idée de quitter mon cocon familial et toutes ces petites choses qui m’ont vu grandir.

Marie... Marie c'est une fille géniale. Elle est belle, elle attire le regard. C'est ce genre de fille qui te coupe le souffle quand tu la regardes, et encore plus quand tu lui parles. Elle a ces traits d'humour et cette intelligence qui plaît. Elle est pleine de vie, avec ses boucles blondes qui encadrent son visage toujours rayonnant. Marie a des yeux verts dans lesquels on se noierait volontiers durant des heures. C'est ce genre de nana, ma petite-amie. Ça fait deux ans qu'on se connait, dix mois qu'on est ensemble. On avait quinze et seize ans.

Je me souviens encore de notre rencontre, à l’anniversaire de son frère qui était un copain de classe. J’avais passé la soirée à l’embêter. Je crois que j’avais tout de suite craqué pour elle… Mais je ne m’en était pas rendu compte. J’étais peut-être un peu jeune, à ce moment-là. Et je ne savais pas trop quelle excuse donner pour la revoir. J’ai fini par squatter chez mon pote tous les week-ends, jusqu’à ce que je finisse par oser lui demander son numéro. Et puis ça a démarré, comme ça, tellement simplement. Ça a toujours été simple avec elle.

Alors qu'elle accroche une banderole "A bientôt, Jay !" qu'elle a probablement fait elle-même, le dos tourné, je l'entends sangloter. Je vois ses épaules qui remuent. Derrière elle, je m'approche et l'entoure de mes bras, laissant sa tête reposer sur mon torse. Du haut de ses un mètre soixante, elle est toute petite. Elle me semble si fragile. J'embrasse sa tête, et caresse sa main qui a naturellement rejoint la mienne.

  • Fais-moi confiance... Il nous séparera pas si longtemps. Ça a l'air interminable comme ça, mais dans trois mois, quatre au max, j'suis de retour. Tu me crois, hein ?
  • Oui... Enfin, je sais pas... Et si là-bas tu rencontres une super fille qui te donne envie de rester ? Je sais, je pense à des trucs idiots... Mais je peux pas m'empêcher de me dire "et si...". Et si tu rentres pas finalement ? Et si tu me laisses derrière ? Et si...
  • Ma’, je pourrai jamais trouver une fille comme toi. (Elle me fait rire. Elle est incroyable, mais elle n'en a pas conscience). Je serais vraiment con d'oublier un an d'amour pour trois mois là-bas, tu penses pas ? Tu trouves que j'ai l'air d'un con ?
  • Non, bien sûr que non! Elle rougit. Je te fais confiance ! J'ai juste peur... C'est tellement loin. Ça me semble inaccessible.
  • Mais je suis pas encore parti, alors profite ma belle. Sèche tes larmes, on va s'amuser ce soir...

La vérité, c'est que ce soir, je veux vraiment que tout le monde s'éclate comme jamais. Je suis pas vraiment d’humeur, mais j’ai besoin de ça. J’ai besoin que mes potes se disent que c’était mieux quand j’étais là. J’ai besoin qu’ils se souviennent de ce moment comme étant un moment extra dans leur vie.

J’veux pas qu’on m’oublie.

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