Chapitre 6 (4ème partie)

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J'étais assise dans notre abri, seule, la tête posée sur mes genoux, mes bras entourant mes jambes. Tous les clans étaient à nouveau rassemblés pour la cérémonie d'union, mais ni Arouk, ni moi-même ne pouvions y participer. Nous ne savions pas encore ce qui allait être statué, mais les deux conseils avaient déjà décidé de célébrer les autres unions, notamment pour permettre aux clans qui devaient nous quitter les premiers de partir.

Ainsi donc, je ne pouvais partager la joie d'Ilya et de Kaarg, celle d'Oda et de Lorg. Non que je sois punie. J'aurais pu être parmi l'assistance. Mais pas Arouk. Or, pour moi, il était impossible de participer à cette cérémonie sans lui. Cela devait être aussi la nôtre, et pourtant...

Ma mère n'avait pas insisté pour que je les accompagne, mais Gourn était parti le dernier, après m'avoir pris les mains, les avoir serrées fort dans les siennes, sans pour autant dire un mot.

Dans le Clan du Lynx, comme dans le mien et dans celui de l'Auroch, les discussions avaient été nombreuses depuis deux jours, depuis la première cérémonie interrompue par Nema. Il y avait ceux qui pensaient qu'Arouk n'avait rien fait, ceux qui pensaient le contraire. Ceux qui voulaient qu'il soit banni, ceux qui disait que Nema n'était pas franche. Et certains, qui ne disaient rien, qui attendaient de savoir de quel côté pencheraient les conseils.

Après les mots de Nema, son frère et son père avaient voulu se battre contre Arouk. Il avait fallu les retenir. Le père d'Eda et celui de Nema s'étaient invectivés, même si celui d'Eda avait, au départ, l'intention de calmer les esprits. Celui de Nema était trop en colère pour pouvoir se raisonner. Gourn aussi était furieux, mais il attendait la décision des conseils.

Pour éviter toute nouvelle manifestation de colère, tout risque d'en venir aux mains, le Conseil des Chefs avait demandé à Arouk de s'installer à l'écart. Il ne demeurait pas seul, il y avait toujours avec lui soit un des chefs de clan - et souvent c'était Grak -, soit un ou deux autres hommes de confiance, dont le père d'Ilya qui s'était proposé. Il s'agissait tout à la fois de veiller à ce qu'il ne parte pas - ce qu'il n'avait pas l'intention de faire - et à ce qu'il ne soit pas pris à partie.

Malgré les efforts de tous, la cérémonie d'union qui se déroula ce jour-là fut célébrée dans une atmosphère particulière. Même si elle était heureuse de s'unir à Kaarg, Ilya me confia qu'elle avait senti durant tout son déroulement une pointe lui serrer le coeur. Elle aurait tant voulu que nous puissions partager ce moment ! Et j'aurais tant voulu le partager aussi avec mon frère !

J'attendais donc que tout soit terminé. Depuis deux jours, j'avais perdu l'appétit et des crampes douloureuses me traversaient le ventre par moment. Même s'il ne m'était pas interdit de voir Arouk, j'avais bien compris qu'il était préférable de le laisser seul. Mais sa mère et Kian nous avaient rendu visite, plusieurs fois au cours de ces deux journées, et ils m'avaient dit qu'ils avaient pu le voir et qu'il était prêt à attendre la décision des conseils. Il leur avait répété qu'il n'avait jamais forcé une femme et qu'il ne connaissait pas Nema. Qu'il pensait à moi constamment et qu'il espérait que je lui conservais toute ma confiance.

Parfois, je ne savais plus que penser et alors, je m'allongeais et restais ainsi, les yeux perdus dans le vague, le coeur déchiré. Les larmes n'étaient jamais loin. J'avais hâte que tout cela se termine et, dans le même temps, je redoutais ce qu'il adviendrait.

**

Le soir de la célébration des unions eut lieu la dernière grande fête de notre rassemblement. Ma mère tenta de m'y faire participer, ne serait-ce que pour mon frère et Ilya, mais rien n'y fit. J'entendis les cris et les rires, les chants et les conversations tout au long de la soirée. Je voulais demeurer seule, mais, au cours de cette soirée, je reçus la visite d'Ilya.

- Ourga...

- Laisse-moi, Ilya.

- Non. Je suis ton amie et je sais que tu souffres. Je veux être avec toi un moment.

Je lui fis alors un peu de place auprès de moi.

- Tu ne veux pas rester avec Kaarg ?

- Il sait que je suis avec toi. Je le rejoindrai tout à l'heure. Comment te sens-tu ?

- Mal.

Elle hocha la tête. Elle me prit la main et me dit :

- Ourga, si tu ne m'avais pas parlé, j'aurais peut-être ouvert le cercle pour Drong. Et je serais malheureuse aussi. Peut-être pas maintenant, ni comme toi, mais je n'aurais pas été heureuse. Le Conseil des chefs et des Grandes Mères prendra une décision qui sera sage et réfléchie, aie confiance.

Je secouai la tête.

- Je ne sais plus en qui je dois avoir confiance.

- En ceux qui t'aiment. En ceux qui te soutiennent. En ta Grande Mère aussi. Son aura est puissante. Je suis certaine qu'elle sait que Nema a menti.

- Pourquoi aurait-elle menti ?

- Pour se venger. D'Eda, de toi... Elle ne manque pas de raisons de le faire...

- Mais elle a pris un grand risque ! Celui de ne pas être crue...

- Souviens-toi de la remarque de notre Grande Mère... Pourquoi est-elle venue parler seulement maintenant ? Elle aurait dû le faire avant la cérémonie des rites. C'est une faute grave qu'elle a commise en ne parlant pas à ce moment-là.

- Oui, je sais. Mais... Ilya, imagine que Drong ait été désigné pour les rites. J'aurais dû alors parler. Le désigner. Qui m'aurait crue ? Il n'y avait pas de témoin et il y en a rarement, tu le sais bien...

- Oui, en général, les hommes qui veulent forcer une femme ne le font pas devant tout le monde, car il y aurait alors toujours quelqu'un pour les en empêcher.

- Ce sera la parole de Nema contre celle d'Arouk.

- Et le comportement de l'un face à celui de l'autre. Arouk aura besoin de toi, Ourga.

Je baissai la tête et demeurai silencieuse.

- Tu ne veux plus de lui ?, me demanda finalement Ilya alors que je restais sans bouger.

Je finis par relever mon visage. Il était couvert de larmes.

- Si... Je suis certaine qu'il ne ment pas. Je suis certaine qu'il n'a pas fait cela... Je voudrais... Oh, Ilya ! Je voudrais que cette horrible journée n'ait jamais eu lieu..., dis-je en lui tombant dans les bras.

Elle me serra fort contre elle alors que les larmes ruisselaient sur mon visage, se répandant jusque sur ses épaules. Nous restâmes un moment ainsi, sa présence, finalement, me faisant du bien. Je finis par m'écarter d'elle et lui dis :

- Va, maintenant, Ilya. Cette nuit est la tienne.

Elle hocha la tête, se releva et fit quelques pas pour sortir de ma tente. Mais avant d'en franchir le seuil, elle se tourna vers moi et me dit encore :

- Garde confiance en Arouk, Ourga. Il mérite ta confiance.

Puis elle sortit et me laissa seule.

A nouveau, seule.

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