"Commandante Naafar, nous ne devons plus tarder. Il faut partir avant que nos ennemis ne touchent terre et ne trouvent cette cité ! déclara la pilote Nannash, laissant paraître un calme contrastant avec la situation.

• Je le sais bien, pilote, mais nous ne pouvons abandonner un quart de notre peuple, nous devons attendre que tous aient rejoint la cité pour que nous puissions partir.
• Mais, Commandante !
• Pas de "mais". Nous attendrons. Nos ennemis n'ont pas encore idée de l'existence de L'Arche. Surveillant Walver, combien de temps avant que l'ennemi n'atterrisse ?
• Un peu plus de six minutes Commandante.
• Surveillante Quna, combien pour que les derniers rejoignent notre vaisseau ?
• Environ quinze minutes Commandante.
• Et cinq de plus pour initier le voyage, rajouta-t-elle en pestant. Pourquoi diable faut-il que cela soit si long ! J'espère vraiment qu'ils ne nous trouveront pas avant, marmonna-t-elle.
• Vous êtes sûre de vouloir attendre tout le monde Commandante ? demanda Nannash.
• Absolument certaine Pilote.
• Bien Commandante."

L'inquiétude gagnait les rangs du peuple des fées au fur et à mesure que le vaisseau venu d'ailleurs se rapprochait du sol. Les fées arrivaient au compte-goutte dans la cité pour le départ, mais deux cents d'entre elles manquaient encore à l'appel.

"Commandante, le vaisseau vient de se poser à deux kilomètres au Nord Est de la cité, informa Walver.

• Bien, ils ne sont pas trop proches, on devrait pouvoir se sortir d'ici sans qu'ils n'aient le temps de nous repérer. À quelle distance sont les fées les plus éloignées ?
• Environ sept cents mètres commandante, dit Quna.
• Elles devraient s'en sortir. D'ici quelques minutes, elles seront ici, déclara calmement la commandante."

Soudain, les murs de la cité se mirent furieusement à trembler. Toutes les fées dans la salle de contrôle qui étaient debout se retrouvèrent à terre. Il était quasiment impossible de garder son équilibre. L'Arche avait pourtant été conçue pour résister à des séismes de grande ampleur. Celui-ci devait être d'une intensité phénoménale !

"C'est bien... C'est bien le moment pour une catastrophe naturelle ! maugréa la commandante, qui essayait tant bien que mal de s'exprimer tout en étant ballotée dans tous les sens. Où se trouve l'épicentre ?

• Hum. Laissez-moi revérifier les informations. Ce.. C'est étrange Commandante. Il se trouve juste sous le vaisseau ennemi ! affirma Quna, non sans une once de surprise dans sa voix.
• Vous voulez insinuer que ce sont eux qui provoquent ce séisme Surveillante ? Quelle est la situation à la surface ? Où en sont les derniers qui doivent nous rejoindre ?
• Ils sont dans la forêt à quelques centaines de mètres de l'entrée de la cité, quatre cents pour être précis Commandante ! rétorqua Quna. Mais leur progression est rendue très difficile par le tremblement de te...
• Commandante ! coupa Walver. On nous informe que des unités ennemies se dirigent droit vers les fées encore en route. Ils ne semblent pas être ralentis par le tremblement de terre. Les derniers retardataires vont se faire rejoindre avant de pouvoir nous atteindre !
• Commandante, il faut sceller la cité et enclencher la séquence de départ, dit sereinement Nannash. Nous n'avons plus une seconde à perdre.
• Combien de temps avant qu'ils nous atteignent surveillants ?
• Six minutes ! Affirmèrent Quna et Walver à l'unisson.
• Très bien. Enclenchez la séquence de départ. Condamnez tous les points d'entrée, ordonna la Commandante.
• Et pour les derniers ? demanda Quna.
• Nous n'avons pas d'autre choix que de les abandonner à leur sort, confessa Naafar. J'en assume l'entière responsabilité. Combien sont-elles ?
• Soi... soixante-treize, bafouilla Walver.
• Faisons donc en sorte que le sacrifice de ces soixante-treize irremplaçables fées permette à notre peuple de continuer d'exister. Nous saluerons leur mémoire quand nous serons sorties d'affaire."

Les fées condamnées furent informées de leur sort. On leur ordonna tant que possible de ralentir la progression de leurs ennemis vers la cité. Avec tout le pragmatisme et le patriotisme inhérent à leur peuple, elles acceptèrent leur sort, et aucune ne refusa d'exécuter ces derniers ordres.

Les envahisseurs arrivèrent à proximité des fées dans la minute qui suivit cet ordre, à bord de véhicules flottants juste au dessus du sol. Lorsqu'ils les virent, ce fût un véritable massacre. Une centaine de soldats à l'apparence similaire aux fées descendit de ces véhicules. Sans sommation, le groupe des soixante-treize fût exterminé. Sans pouvoir vraiment retenir les ennemis, elles parvinrent à faire durer quelque peu ce combat qui n'en fût pas un. Elles gagnèrent trois à quatre minutes qui permirent à la cité de terminer la séquence d'initialisation du voyage.

"Commandante, les préparatifs sont terminés, déclara Nannash. Nous sommes prêtes à partir.

• Bien. Où en sont les soldats ennemis ?
• Toujours en train d'affronter nos soeurs Commandante, lâcha Quna, la voix pleine d'amertume. Ils ne nous poseront pas problème. Nous pouvons partir.
• Enclenchez la séquence finale de départ, direction 0.7159 ro, 0.9589 ax, 34394 rot, ordonna la Commandante Naafar.
• Séquence enclenchée. Mise en action du moteur de distorsion, déclara Nannash. Voyage dans 5, 4, 3, 2, 1, départ."

Sans lumière, sans bruit, la cité disparut, laissant une caverne de la taille de celle-ci à son emplacement. Le voyage avait fonctionné.

Une fois leur premier nettoyage terminé, les envahisseurs se rendirent sur les lieux où la cité se trouvait. Lorsque le premier groupe descendit, le sol se déroba sous ses pieds. Une chute de plusieurs dizaines de mètres, peut être même plusieurs centaines. L'immense caverne laissée par la cité agît comme un piège, un drôle de cadeau de départ. La fine couche de terre qui formait son plafond ne résista pas à la masse de de ces quelques soldats.

Le peuple des fées était sauvé, mais pas indemne. Pour l'instant.