Maria Skłodowska

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Chapitre 1


Alors que je franchissais, le cœur battant, l'entrée du petit square de la rue des Écoles, en face de La Sorbonne, mon regard se porta aussitôt vers celle que je venais interviewer. Marie était là, assise sur ce banc, revêtue de sa blouse noire qu'elle ne quittait jamais, digne et sobre, presque austère, comme à son habitude. Tandis que son regard, d'un gris bleu pénétrant, où se reflétaient un mélange d'intelligence et de malice, trahissait son inquiétude. Les mains posées sur ses genoux, elle m'attendait, calmement. Pierre lui avait demandé de bien vouloir répondre à ma demande d'interview et malgré sa méfiance des journalistes, elle avait finalement accepté. 


En femme amoureuse et pragmatique, Marie savait que son mari avait raison. Cette entrevue devait servir non seulement à améliorer son image, qu'elle avait délaissée jusque-là, en la rendant plus humaine et moins distante, mais également à leur apporter ce petit plus indispensable au financement de leurs recherches et à l'amélioration de leurs conditions de travail. En effet, personne ne pouvait imaginer l'état de délabrement du hangar dans lequel les époux Curie travaillaient jour et nuit. Une vieille bâtisse ouverte à tous les vents et dont le toit fuyait. En un mot, un lieu indigne d'eux, mais dans lequel ils allaient faire la plus belle découverte de ce siècle.


Mon journal, quant à lui, une gazette locale, était prêt à débourser une coquette somme d'argent, en échange d'une entrevue avec cette femme hors du commun, que d'aucuns considéraient déjà comme une pionnière dans son domaine. Au moins cet arrangement leur permettrait-il de voir venir pendant quelque temps. 


Et c'est à moi, journaliste de profession, scribouillarde à mes heures perdues, que l'on avait confié la tâche délicate de mener cette interview. Il faut bien avouer, à mon grand étonnement, que pas un de mes confrères ne s'étaient battus pour l'obtenir. Pour quelles raisons ? Je n'en savais rien et ne m'en préoccupais guère, trop heureuse d'avoir été choisie. Je savais par expérience, qu'il arrivait parfois dans la vie, des moments bienheureux à même de pouvoir changer le cours d'une carrière. J'espérais fortement que celui-ci en fasse partie. J'avais même l'intime conviction, qu'il s'agissait là, de la chance de ma vie. 


Alors que je m'approchais timidement du banc où elle était assise, Marie me dévisagea ouvertement, sans fausse pudeur, me jaugeant d'un seul regard. Une fois les présentations terminées, je m'installais à ses côtés, prenant soin au préalable, de retirer mon petit carnet de notes ainsi que mon stylo, de la poche intérieure de ma veste. Je commençais donc l'interview, impressionnée malgré moi, par l'extrême droiture imprégnée de sérénité, que dégageait cette femme.  

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