Chapitre 28 : Traquenard (2)

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Surpris par son comportement, Ren tenta de l’en empêcher, mais Vyrian observait déjà les vaisseaux des Régisseurs flotter au-dessus du vide, la faille semblait déchirer le Monde Numérique, telle la matérialisation de la césure que Kaeronn avait provoqué dans leur culture.

Les cendres rougeoyaient au-delà de la faille. Vyrian aperçut de nouvelles sources de lumière, causée par les explosions, dévorer les vaisseaux des Régisseurs. Il se remémora les paroles de Zaïk : « La Résistance ne veut pas la paix ». Effectivement, elle voulait renverser le système, amplifiant la guerre par la même occasion. Le scientifique prit conscience de sa similitude avec le Matéria. Tous deux devaient leurs pouvoirs à d’étranges entités leur ayant confié une mission de sauvetage. Seuls leur vécu et leur méthode différaient.

Alors que des tirs résonnaient non loin, Ren lui fit réintégrer l’intérieur du vaisseau et le jeta au sol sans ménagement.

— Je sais pas ce qui m’énerve le plus. Votre stupidité, vos pulsions suicidaires ou le mal qu’on s’est donné pour vous garder en vie ? Sans compter qu’en pointant votre tête à l’extérieur vous faites de nous une cible de premier choix…

De nouveau, la voix jaillit des haut-parleurs, abrégeant les reproches de l’Innovateur.

— Ren, des dégâts ?

— Que du superficiel.

— Tu peux dire à Eald et Kedoran qu’on sera bientôt au point de rendez-vous.

Ren pressa la même interface que Saern plus tôt. A ce moment-là, Vyrian comprit ce qui le dérangeait depuis tout ce temps. Malgré toutes les embûches qu’ils avaient traversées, ils n’avaient rencontré aucun soldat. Il avait supposé que la Résistance les maintenait occupés pourtant, aucun vaisseau ne venait les intercepter. Il n’avait observé aucune lutte en contrebas. Vyrian avait du mal à l’admettre, mais c’était trop facile. Il repensa au dispositif d’observation dans les cellules et le déclic se fit. Il ne s’appliquait pas qu’aux cellules, mais à tout le vaisseau. Depuis le début, le Capitaine devait les observer prenant conscience de leurs aptitudes. Il maîtrisait bien mieux que lui l’art la guerre. Pour remporter une victoire, il était indispensable de connaître les siens et ses ennemis. Vyrian ne doutait pas que le chef des Régisseurs connaisse son peuple, quant à ses ennemis, c’était chose faite.

Vyrian se força à trouver les évidences à côté desquelles il était passé. Les prisonniers, des appâts ? Le garde, un sacrificié ? Zaïk, un laissé-pour-compte ? Plus il y réfléchissait, plus son pressentiment se renforçait. Vyrian se précipita sur la trappe et sortit sans hésitation sur la carlingue. Malgré son exosquelette, il peinait à rester stable. Lorsque de nouveaux tirs le visèrent, il les fit disparaitre en annulant leurs caractéristiques. Grâce aux aptitudes de Mère, il pouvait remonter la commande de tir et l’annuler. Comme il s’y attendait, les tirs étaient automatiques, ce qui ne faisait que renforcer son impression d’être manipulé.

Alors que le vaisseau passait en rase motte au-dessus du lieu où se tenaient les prisonniers du Monde Mythique, il s’approcha du bord, prêt à sauter. Il entendit le cri de Ren dans son dos.

— Mais qu’est-ce que vous faites ?

— Je vérifie une théorie. Je rejoindrai les autres au point de rendez-vous.

Vyrian ne perçut pas la suite des paroles et se focalisa sur sa chute et sa réception. Il modifia la structure du vaisseau de sorte à amoindrir l’impact. Les appareils avaient été conçus de telle sorte à pouvoir modifier leur armature suivant les conditions climatiques et les offensives ennemies. Lorsque Vyrian accéda au menu, la facilité avec laquelle il modifia l’architecture du bâtiment renforça un peu plus ses soupçons. Lorsque ses pieds entrèrent en contact avec le blindage, ils s’y enfoncèrent de plusieurs centimètres dans la surface malléable, malgré cela, le choc se répandit dans ses membres, mais il parvint à se redresser sans difficulté.

Il rejoignit le trou laissé par l’effondrement du plafond et réintégra le vaisseau des Régisseurs. A plusieurs reprises, Vyrian manqua d’être déséquilibré, surpris par les craquements du vaisseau et l’approche potentielle d’adversaires qui auraient pu l’accueillir. Mais une fois de plus, il ne rencontra aucun garde. Il courut tout en se remémorant le plan. Il passa devant la salle de Zaïk sans y prêter attention.

Après un énième tournant, il atteignit la cellule des prisonniers. Il pouvait encore ressentir leur présence, mais il n’y avait nulle trace de leurs corps. Où étaient-ils passés ?

Il scruta l’environnement à la recherche d’indices dissimulés sous la taule branlante et il finit par discerner l’éclat d’une caméra. Il recula afin de mieux la voir. Une voix s’éleva. Vyrian la reconnut et la détesta d’autant plus.

— Félicitations ! Vous êtes parvenus à voir clair dans notre jeu. Je crains malheureusement qu’il soit un peu tard. Enfin bon, vous ne payez pas de mine, mais vous semblez regorger de compétences. Etonnez-nous !

La communication fut rompue et une subite chaleur envahit le vaisseau. Des flammes léchèrent bientôt les parois. Parmi ce crépitement incessant, Vyrian entendit des pensées embrumées. Il s’en approcha et elles devinrent suffisamment claires pour qu’il les reconnaisse.

Vyrian réimprima la paire de gants ignifugée et ouvrit la porte derrière laquelle se terraient les pensées. Xam sortit de la pièce, son pelage avait commencé à prendre feu. Vyrian eut toutes les peines du monde à communiquer avec lui. L’esprit du jeune Xyleras n’était que douleur. Sa seule chance était de rejoindre les autres pour que ses tissus soient régénérés par la brume.

Xam finit par s’arrêter de courir. Vyrian étouffa les flammes et porta la pauvre créature, il espérait amoindrir ses souffrances. Malgré cela, le pauvre ne cessait de gémir. Sa chair carbonisée ne laissait rien présager de bon. Seul le côté sur lequel se trouvait son cœur magique avait été épargné. Vyrian espérait que ce soit de bon augure.

Le scientifique ne tint compte ni des larmes qui lui inondaient les joues, ni de la brûlure de ses muscles et de ses poumons. S’il voulait survivre, il devait sortir de cette fournaise.

Alors qu’il s’approchait du point de rendez-vous, les autres apparurent dans son champ de vision, avec la carcasse éparpillée d’un vaisseau résistant encore fumant.

Les Régisseurs contre-attaquaient, l’expérience était finie et les données analysées. Leur seule chance de survie était de franchir la faille, les vaisseaux des Régisseurs ne pouvaient aller au-delà.

Vyrian comprit à la respiration sifflante de Xam qu’il s’était évanoui. C’était sûrement mieux ainsi. Dans un ultime sprint, le scientifique couvrit la distance qui le séparait des autres.

Alors qu’il s’apprêtait à embarquer, le vaisseau dut faire un brusque écart pour éviter des tirs ennemis. Un objet lui fut envoyé, mais le lancer trop court ne l'atteignit pas. Dans un geste de survie, le scientifique s’élança dans le vide, il tendit la main afin d’attraper l’objet de son salut et se sentit chuter. Sans hésiter, il injecta à Xam la puce de téléportation, puis ce fut son tour et le monde devint noir.

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